Certificat PEB : une perte sèche pour les bailleurs bruxellois
La réglementation sur la performance énergétique des bâtiments étant une compétence régionalisée, rien de vraiment étonnant à ce que les Régions aient opté – chacune de leur côté – pour des méthodes de calcul et des échelles d’évaluation qui leur sont propres. Corollaire: une cacophonie bien belge et des bailleurs qui ne sont pas tous logés à la même enseigne.
La crise énergétique et la flambée des prix y afférentes ont au moins permis une prise de conscience généralisée. Désormais, on ne discute plus de l’importance de vivre dans des logements énergétiquement performants, notamment pour le bonne santé des portefeuilles. Aussi, fin de l’année dernière, pour protéger les locataires vivant dans des logements mal, peu ou pas isolés, les gouvernements régionaux ont décidé de lier le taux d’indexation des loyers à la performance énergétique du bien loué.
L’idée est d’interdire l’indexation des loyers de passoires énergétiques (véritables gouffres financiers en temps de crise) et de donner un peu d’air à leurs locataires, de l’autoriser pour les biens les moins énergivores, et de la limiter pour les biens dont la performance énergétique laisse à désirer tout en n’étant pas catastrophique. Ce qui est évidemment une bonne chose pour les locataires de passoires énergétiques, sauf que ce système introduit des inégalités entre Régions, les scores PEB variant de l’une à l’autre…
G, E ou plutôt D?
La performance énergétique des bâtiments étant une matière régionalisée, chaque Région a effectivement développé sa propre grille d’évaluation, tant et si bien que des habitations qui auraient été construites et rénovées à l’identique décrocheraient toutes les trois un score PEB différent en fonction de la Région où elles sont implantées! Ainsi, par exemple, un logement classé G à Bruxelles décrochera un score E à Namur et un D à Anvers…
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Bref, c’est la cacophonie. Et cette cacophonie bien belge s’avère un sacré désavantage pour les propriétaires-bailleurs bruxellois depuis que l’indexation des loyers est liée à la performance énergétique. Car, en Région bruxelloise où l’on se montre beaucoup plus strict en matière de PEB (et de passoires énergétiques), une habitation est considérée comme “énergivore” à partir de 276 kWh/m2/an et “très énergivore” à partir de 346 kWh/m2/an, contre respectivement 426 et 511 kWh/m2/an en Wallonie, et 401 et 501 kWh/m2/an en Flandre. Un sacré fossé…
A Bruxelles, les biens décrochant un score A, B, C ou D ne sont pas concernés par la limitation d’indexation. Les biens classés E ne pourront être indexés qu’à hauteur de 50%, tandis que l’indexation est supprimée pour les biens F et G. En Flandre, on ne touche pas à l’indexation des biens qui affichent un score A+, A, B ou C. Celle des biens affichant un score D sera limitée à 50%, tandis qu’un E ou F interdit toute modification du loyer. La Wallonie ne prévoit quant à elle pas de limitation pour les PEB A, B ou C. Un score D donne lieu à une indexation limitée à 75%, un score E à 50%, un F et un G à rien du tout. Casse-tête en vue…
Trois poids, trois mesures…
Prenons l’exemple d’une maison dont la consommation est de 250 kWh/m2/an, soit une performance énergétique moyenne. A Bruxelles, elle décroche un score E, un C en Wallonie et en Flandre. Résultat: le propriétaire bruxellois ne pourra indexer son bien qu’à hauteur de 50%, alors que si ce bien était situé en Wallonie ou en Flandre, l’indexation ne serait pas limitée. Deux poids, deux mesures…
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Pire encore, une maison dont la consommation est de 276 kWh/m2/an décroche un score F à Bruxelles et ne donne droit à aucune indexation, alors qu’en Flandre cette performance énergétique est classée C et n’a aucune influence négative sur l’indexation du loyer, en Wallonie avec un score D l’indexation sera acceptée à hauteur de 75%. Trois poids, trois mesures…
A Bruxelles, une habitation est considérée comme “énergivore” à partir de 276 kWh/m2/an, contre respectivement 426 et 401 kWh/m2/an en Wallonie et en Flandre.
Une perte annuelle de 2.208 euros pour un loyer de 1.500 euros
Sortons notre calculette, dans le cas de la maison consommant (selon son certificat PEB) 250 kWh/ m2/an et dont le loyer est fixé – par exemple – à 1.500 euros, les propriétaires wallons et flamands pourront monter ce dernier à 1.684,04 euros (mode de calcul pour le mois de novembre 2022: 1.500 euros x 127,92 – nouvel indice – / 113,94 – indice de départ –), tandis que le propriétaire bruxellois l’augmentera à hauteur de 1.592,02 euros. Soit une perte annuelle de 1.104 euros à bien équivalent.
Dans le cas de la maison consommant 276 kWh/m2/an et dont le loyer serait fixé à 1.500 euros, la perte annuelle sera de 2.208 euros pour le propriétaire du bien situé à Bruxelles et de 552,12 euros pour le propriétaire du bien situé en Wallonie. De quoi faire grincer quelques dents…
Un système temporaire?
La réglementation de l’indexation des loyers sur base de la PEB a été présentée par les trois Régions comme un système temporaire mis en place pour une période de 12 mois. A voir s’il sera prolongé ou pas.
D’un côté, les gouvernements pourraient voir cette réglementation comme un incitant à la rénovation d’un parc immobilier peu récent et énergivore. Car pour répondre aux exigences de l’Union européenne de rendre l’ensemble du parc immobilier neutre en carbone à l’horizon 2050, il va falloir inciter les propriétaires à la rénovation. Ce qui ne sera pas mince affaire.
Mais, d’un autre côté, nombreux sont les professionnels du secteur immobilier à pointer du doigt l’effet pervers du gel de l’indexation. Tous les propriétaires n’ont pas les moyens financiers pour réaliser les travaux nécessaires à l’amélioration de la PEB et seront tentés de changer de locataire en fin de bail pour augmenter le prix du loyer. Ce qui au final mettra encore plus de pression sur le marché locatif.
Un supplément !
Impossible d’ignorer la performance énergétique lors d’une transaction immobilière. Le score PEB est désormais tout aussi important que le prix et la localisation du bien, ce qui impacte fortement le prix des maisons et appartements. Le nouveau Guide immobilier de Trends-Tendances qui est paru le jeudi 4 mai fait le point sur le sujet et vous présente tous les prix des maisons et appartements du pays, commune par commune, en fonction de leur PEB.
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