Cabines de plage en Belgique : un héritage balnéaire devenu un marché juteux

Petites structures en bois, souvent peintes en blanc ou en couleurs pastel, les cabines de plage font partie du paysage de la mer du Nord depuis des générations.
Installées à la mi-mars et démontées à la fin du mois de septembre, les cabines sont devenues bien plus que de simples abris permettant de se changer à l’abri des regards. Présentes sur les plages d’Europe depuis près de 250 ans — et à Ostende depuis 1784 —, elles incarnent aujourd’hui un héritage empreint de nostalgie et un objet de convoitise. Ces cabanes en bois sont désormais au cœur d’enjeux économiques, touristiques, voire fonciers.
Presqu’un patrimoine culturel
Il y a deux siècles, les cabines répondaient essentiellement à un besoin de confort et de pudeur. Avec le temps, elles se sont ancrées durablement dans le sable, devenant des lieux de détente familiale mais aussi symboles d’une privatisation progressive de l’espace côtier. En Belgique, leur succès ne s’est jamais démenti. De La Panne à Knokke, en passant par Coxyde, Middelkerke, Blankenberge ou Ostende, ces cabines constituent un élément central du littoral. Mais au-delà de la tradition, elles sont devenues une véritable poule aux œufs d’or, notamment dans les communes les plus huppées. Certaines cabines restent très simples, sans aménagement particulier, tandis que d’autres tendent à devenir de véritables extensions de résidences secondaires, voire des biens semi-immobiliers (même s’il est interdit d’y dormir).
Deux systèmes, deux réalités
Sur la côte belge, deux systèmes coexistent. On peut louer un emplacement nu pour y installer sa propre cabine. C’est moins pratique, mais aussi nettement moins cher malgré un investissement d’environ 2.500 euros pour l’achat d’une cabine. L’autre option est de louer emplacement et cabine à un exploitant. Dans certaines zones de stations balnéaires, il n’est pas possible d’installer soi-même sa cabine. Ce qui fait que ce qui n’était qu’un abri utilitaire est devenu un bien quasi spéculatif, souvent contrôlé par quelques concessionnaires historiques.
Knokke, station prisée par une clientèle aisée, illustre parfaitement cette évolution. Ici, la rareté fait la valeur : les concessions sont limitées et souvent renouvelées d’année en année. Louer une cabine ne se fait pas à n’importe quel prix : selon la localisation sur la plage, la saison et les équipements, les tarifs varient de 1.200 à 2.800 euros pour 6 mois. Les plus chères se trouvent au Zoute, les moins onéreuses à Heist ou Duinbergen.

Certaines cabines disposent de mobilier sur mesure, de rangements, de terrasses, voire de petits frigos ou panneaux solaires. À Knokke, un service de “beach boys” ou “grooms de plage” est même prévu pour installer les équipements, entretenir les cabines, nettoyer les abords et s’assurer que tout soit prêt pour les usagers. Ce niveau de service unique en Belgique transforme la cabine en un produit touristique premium.
Les tarifs ne sont pas partout aussi prohébitifs. Ils sont même très variables selon les communes. Ainsi, il faut compter entre 605 euros à Westende, 900 à 1.100 euros à Bredene et Zeebruges et 900 à 1.230 euros à Coxyde et Nieuport (cabine incluse).
Ostende n’a rien à envier à Knokke puisque pour un emplacement avec vue sur mer dans le centre, il faut compter 1.183 euros, plus 850 euros pour la location d’une cabine, soit près de 2.000 euros au total. On notera qu’à Raversijde, on peut encore faire de bonnes affaires : seulement 236 euros pour la saison.
Les cabines les moins chères se trouvent à La Panne ou Wenduine : entre 100 à 150 euros pour une semaine, et entre 500 à 700 euros pour la saison, soit jusqu’à quatre fois moins cher qu’à Knokke.
Un bien convoité et difficile d’accès
Dans le cas d’un terrain nu (soit sans la cabine), c’est Ostende la plus chère (jusqu’à 1.183 euros) , suivie par Middelkerke (605 euros). Knokke facture entre 230 et 400 euros. La majorité des autres communes tournent autour de 150 euros, sauf Coxyde et Nieuport qui demandent 100 euros. La Panne était la moins chère avec seulement 54 euros. Elle envisage cependant d’augmenter ses tarifs pour les aligner à ceux de Coxyde.
Quel que soit l’endroit ou la formule, un point commun demeure : il faut s’armer de patience pour louer une cabine. La demande explose, notamment depuis les confinements liés au Covid. Le tourisme s’oriente désormais vers plus de personnalisation, et les vacanciers recherchent confort, intimité et exclusivité, sans partir loin. Une désirabilité qui se remarque dans le temps d’attente pour pouvoir accéder à une telle cabine. Il faut ainsi compter 3 ans d’attente à Mariakerke. A Blankenberge, on murmure que cela peut monter à 13 ans. Et à Knokke, malgré les prix, plus de 7.500 personnes sont sur liste d’attente. Au total, ce serait plus de 10.000 personnes attendent une cabine de plage sur la côte belge.
Un micro-marché sous pression
Ce marché restreint et convoité est aussi volontairement limité. L’objectif est de réduire l’impact visuel et écologique sur le littoral, mais aussi de garantir un accès équitable à la plage. La plupart des communes n’autorisent qu’une seule rangée de cabines, espacées, pour conserver une vue dégagée sur la mer. Mais ce n’est pas le cas partout : à Ostende, Blankenberge et Knokke-Heist, on trouve jusqu’à quatre rangées. Malgré la forte demande, l’offre ne devrait pas augmenter. Au contraire : avec le réchauffement climatique et une politique de gestion qui se veut plus écologique du littoral, la tendance est même à la réduction du nombre de cabines.
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