Bureaux : les cinq grands enjeux pour 2018
Le marché bruxellois du bureau a connu une année 2017 contrastée. Avec une prise en occupation en deçà des moyennes habituelles, un nombre de transactions qui chute et l’absence d’acteurs incontournables tels que l’Europe. Les attentes sont donc grandes pour 2018, d’autant que les caisses des investisseurs sont pleines. Voici les cinq grands défis qui attendent le marché.
Le marché du bureau est en mutation. De quoi provoquer les interrogations de bon nombre d’acteurs. Bruxelles peine pour le moment à proposer des bureaux de qualité, c’est-à-dire à la hauteur des standards énergétiques et du new way of working. Ce qui plombe sérieusement le nombre de prises en occupation. Sans parler du fait que les loyers restent particulièrement accessibles, ce qui freine quelque peu les ambitions (architecturales notamment) des audacieux. Les pouvoirs publics s’interrogent quant à eux sur la manière de mettre en oeuvre la rationalisation de leurs espaces. Et cela alors que les espaces de bureaux partagés ( coworking) connaissent une croissance certaine. Bref, le marché s’interroge. Y verra-t-il plus clair en 2018 ? Voici en tout cas les quelques grands enjeux qui feront parler d’eux cette année.
1. Conclure les nombreux deals qui sont sur le feu
Après une année 2017 dans la lignée des précédentes, les responsables du capital market des principaux courtiers immobiliers devraient retrouver le sourire en 2018. Et faire sauter quelques bouchons de champagne tout au long de l’année. Quelques bâtiments devraient trouver preneurs, tels que l’Art 56 (Axa), les Egmont I et II (Cofinimmo), les anciens bâtiments d’Actiris voire, mais c’est plus hypothétique, la tour des Finances (Breevast). ” Il n’y a jamais eu autant de capitaux disponibles qu’aujourd’hui, estime Cédric Van Meerbeeck, head of research chez Cushman & Wakefield. Nous nous attendons donc à beaucoup d’activités d’autant qu’il s’agit probablement de la dernière année pour profiter de taux d’intérêt attractifs. Mais si tous les voyants économiques sont au vert, il ne faut pas oublier que Bruxelles passera toujours derrière Paris, Londres ou Francfort pour les investisseurs asiatiques, forts présents chez nous. Il faut donc présenter des dossiers extrêmement bien ficelés. Ce qui explique que les deals mettent un peu plus de temps avant de se conclure. ” Le volume d’investissement en bureaux devrait dépasser 1,5 milliard en 2018.
2. Définir un avenir pour le 1,1 million de m2 vides et peu attractifs
Sur un stock de 13 millions de m2, Bruxelles dispose aujourd’hui d’1,1 million de m2 vides. Des bureaux dont plus personne ne veut aujourd’hui. Ils sont soit complètement désuets, soit mal situés. Certains combinant mêmes ces deux tares. Bref, même si la problématique n’est pas neuve, il s’agit d’un réel enjeu qui prend de l’ampleur et qui plombe les statistiques. ” Les bureaux qui pouvaient être reconvertis l’ont été, fait remarquer Cédric Van Meerbeeck. Les perspectives sont peu réjouissantes pour les bureaux qui restent vacants : ils doivent soit faire face à des problèmes structurels, soit ils sont trop récents pour être démolis. Sans parler du fait que leur accessibilité est faible. Seuls 25 % pourraient être transformés en résidentiel. Le solde devrait subir une profonde rénovation. ” Selon CBRE, ces 10 dernières années, plus de 800.000 m2 ont été reconvertis en résidentiel, retail, kots ou hôtels. Une mutation qui arrive à bout de souffle et qui diminue année après année.
Quand on regarde d’un peu plus près le stock disponible, on voit que, en termes de vacance, on retrouve 40.271 m2 (0,32 % du stock total) classé en grade A (immeuble neuf), 442.133 m2 en grade B (immeuble de 5 à 10 ans) et 654.965 m2 en grade C (immeubles ne répondant plus aux attentes et pour lesquels les propriétaires devraient dépenser beaucoup d’argent afin de les remettre sur le marché). ” Les immeubles en grade A sont aujourd’hui directement loués, lance Jean-Michel Meersseman, head of office agency Brussels and Wallonie chez CBRE. Il y a d’ailleurs un sérieux déficit en la matière. Les immeubles en cours de construction sont pré-loués longtemps à l’avance. C’est le cas avec le Belliard 40, le Manhattan (Covington&Burling LLP), la Gare Maritime (Publicis), le Quatuor (Beobank) ou encore le Mobius (Allianz). Cette situation est interpellante. ”
3. Faire grimper le “prime rent” jusqu’à 325 euros d’ici fin 2018
Ce n’était plus arrivé depuis 2011. Les prime rent, c’est-à-dire les loyers de référence pour les meilleurs immeubles dans les meilleurs emplacements, dans un quartier donné, sont repartis à la hausse en juillet dernier. La barre des 300 euros/m2/an a été franchie dans le quartier européen. Facebook étant même prêt à faire grimper l’addition à 320 euros pour une location de 900 m2 dans le bâtiment Regent Park, situé rue de la Loi. ” Cette hausse est logique, estime Pierre-Paul Verelst, head of research chez JLL. Il y a une demande constante pour les espaces de bureaux à Bruxelles et elle se porte majoritairement, si pas exclusivement, sur des immeubles récents et de bonne qualité. Comme les livraisons spéculatives restent très limitées, une augmentation des valeurs locatives est inévitable. ” Et Jean-Michel Meersseman d’ajouter que ” le marché est en train d’évoluer. Bruxelles a pleuré pour voir ses loyers prime augmenter. On y est. Même si les montants restent bien évidemment loin de ceux de Paris ou Londres. Il faut toutefois noter que nous sommes en train de passer d’un marché de locataires à un marché de propriétaires. Ce sont ces derniers qui parviennent, dans une certaine mesure, à dicter dorénavant les montants des loyers du fait du manque de produits de qualité. ”
Nous sommes en train de passer d’un marché de locataires à un marché de propriétaires. Ce sont ces derniers qui, dorénavant, parviennent à dicter les montants des loyers du fait du manque de produits de qualité.” – Pierre-Paul Verelst (JLL)
Selon Cushman & Wakefield, le primerent qui était à 275 euros/m2/an fin 2016 a grimpé à 305 euros fin 2017 et devrait atteindre 325 euros/m2/an d’ici la fin de l’année. ” Les occupants veulent de la qualité et une bonne situation, explique Cédric Van Meerbeeck. Le rapport de force a évolué entre propriétaire et locataire. Je pense toutefois que la limite du prime rent à Bruxelles sera de 340 à 350 euros maximum. Au-delà, cela deviendra compliqué de trouver un occupant. ”
4.Réguler la percée des espaces de ” coworking ”
Les bureaux qui permettent de mettre en oeuvre les nouvelles manières de travailler (espaces partagés, espaces de réunion, coffee shops, etc.) ne sont pas encore suffisamment présents sur le marché. Mais la plupart des grandes sociétés en sont demandeurs. Cette tendance va encore s’accentuer en 2018. ” Les propriétaires doivent clairement répondre à cette demande, lance Jean-Michel Meersseman. Il faut des solutions claires en matière de nouvelles technologies, de new way of working et de mobilité. La nouvelle génération ne travaille pas comme l’ancienne. Il faut un cadre attractif pour pouvoir les attirer. Cela devient clé en matière de recrutement.
Les espaces de coworking ont effectué une importante percée sur le marché en 2017. Ils devraient continuer cette année. Des acteurs tels que Tribes, Spaces et Silversquare devraient encore accentuer leur présence. ” On parle de la présence de Spaces dans le Manhattan (4.000 m2) et de Tribes dans le Belliard 40 (4.000 m2), de même qu’un nouvel espace situé chaussée de La Hulpe, poursuit Jean-Michel Meersseman. J’espère toutefois qu’il n’y aura pas une offre trop importante en même temps, pour éviter une suroffre. Il faut donc être prudent en la matière. ”
5 .Répondre aux besoins de l’Europe
La présence de l’Union européenne sur le marché est inexistante depuis 18 mois. L’annonce du Brexit a mis au frigo toutes ses velléités immobilières, le temps de comptabiliser les dommages du départ du Royaume-Uni. Il ne fait toutefois aucun doute que 2018 marquera le retour des institutions européennes sur le marché. ” Elles vont sortir du bois, c’est évident, estime Cédric Van Meerbeeck. Entre 2020 et 2021, elles vont quitter 50.000 m2 d’espaces dans trois bâtiments situés rue de Genève à Evere. La Commission européenne devrait donc lancer un appel d’offre d’ici peu pour 50.000 m2 de bureaux, de même que pour un centre de conférence de 20.000 m2. Ce dernier doit être livré pour 2021, les acteurs doivent donc se positionner dès maintenant. ”
Le retour de l’Europe devrait entraîner une lutte acharnée entre quelques développeurs. On sait par exemple qu’Atenor positionne son immeuble Realex en ce sens. ” Le problème actuel, c’est que le marché bruxellois ne sait pas répondre à ses besoins, regrette Jean-Michel Meersseman. Il faudra donc rapidement s’adapter. Sans quoi… ”
Enfin, ajoutons que les pouvoirs publics devraient également être de retour en 2018. Ce qui permettra d’avoir un take-up soutenu. ” Outre la SNCB qui devrait construire son nouveau bâtiment de 60.000 m2 le long de l’avenue Fonsny, on devrait également revoir la Région de Bruxelles-Capitale qui doit toujours solutionner la problématique de ses occupations actuelles, fait remarquer Cédric Van Meerbeeck. Une localisation dans l’hypercentre, ferait du sens pour cette administration, à la recherche de symbole et d’accessibilité. ”
La majorité des immeubles neufs de bureaux sont loués ou vendus bien avant leur livraison. On peut donc s’interroger sur la frilosité des développeurs en la matière. ” Cela s’explique principalement par le fait que le marché de l’occupation reste relativement maussade, avec un recul de 15 % en 2017 par exemple, lance Cédric Van Meerbeeck. Il n’y a eu que 350 transactions l’an dernier ( – 14 % par rapport à 2016, Ndlr), le plus bas niveau depuis cinq ans. Sans parler du fait que Bruxelles éprouve les pires difficultés à attirer de nouveaux occupants. Des freins tels que la mobilité, la faible attractivité de la ville, ou encore le coût de la main-d’oeuvre sont souvent cités. ” Et Jean-Michel Meersseman d’ajouter : ” Si Bruxelles souhaite mettre en place une nouvelle dynamique et sortir davantage de bureaux neufs, elle doit améliorer son attractivité. Il est nécessaire d’effectuer un travail de fond en la matière. Je pense vraiment que Bruxelles a une importante carte à jouer dans le cadre du Brexit. ” Un élément qui n’a eu aucun effet sur le marché bruxellois jusqu’à présent, à l’exception de la société de transfert de fonds Moneygram, de la Lloyd’s of London, de l’assureur australien QBE et de l’assureur japonais MS Amlin.
Notons toutefois que, en 2018, cela fera bien longtemps qu’il n’y aura pas eu autant de projets spéculatifs (qui ne sont pas construits sur commande pour des occupants) qui seront livrés, avec près de 168.000 m2. On attend la livraison des immeubles City Dox (Atenor), Spectrum (Ghelamco), The One (Atenor), Manhattan (Ico Real Estate), Belliard 40 (Cofinimmo), Metropolis (Cobelfroi), HD 54 (Axa) ou encore de la Gare Maritime (Extensa).
” 2017 a clairement été l’année des espaces de coworking. Ils représentent 6 % de la prise en occupation à Bruxelles, soit environ 23.000 m2. On reste encore bien loin de Londres. Mais c’est une hausse spectaculaire par rapport au 1,5 % enregistré en moyenne ces cinq dernières années à Bruxelles. ” Erik Verbruggen, responsable du département bureau chez le courtier immobilier JLL Belux, pressentait l’émergence de ce segment. Mais pas vraiment dans de telles proportions. On le doit notamment à Tribes, qui a effectué trois transactions au Marnix 17 (quartier européen), au Passport (aéroport) et au Colonies Square (Pentagone), de même qu’à Spaces (la filiale coworking de Regus) qui a fait son entrée sur le marché avec une transaction en périphérie au Pegasus Park. Et cela dans un contexte où Silversquare, société spécialisée dans les espaces de coworking, s’est associée en septembre dernier avec la SIR Befimmo pour développer ce segment.
Pour le reste, selon Cushman & Wakefield, la prise en occupation avoisine les 390.000 m2 en 2017. Un recul de 15 % par rapport à 2016. La moyenne des cinq dernières années était de 400.000 m2. Ce take-up est surtout l’oeuvre du marché privé (63%). Les administrations publiques belges ont été particulièrement actives (36%) puisque l’Inami a acheté l’immeuble Galilée (32.400 m2) dans le quartier Nord, la Banque nationale de Belgique a pris 6.200 m2 place Sainte-Gudule dans le Pentagone, l’Ecole des métiers de la sécurité l’immeuble Blue Star (22.835 m2, décentralisé), la STIB l’immeuble Belgolaise (12.000 m2) dans le Pentagone, et la Société du Logement de la Région de Bruxelles Capitale (SLRB) a acheté l’immeuble Toison d’Or 72 (6.000 m2). Deux grands absents sur le marché en 2017 : la Régie des bâtiments et, surtout, l’Europe.
La forte présence des Coréens
Pour expliquer cette année quelque peu faiblarde, on peut encore relever le fait que seuls 31.000 m2 spéculatifs ont été livrés en 2017. Ce qui explique notamment le fait que le taux de vacance reste sous pression, soit 9,1 % selon Cushman & Wakefield, le taux le plus bas depuis 2007.
En matière de loyers, on note une hausse du montant des loyers prime qui atteint désormais les 300 euros/m2/an dans le quartier européen, augmentation justifiée par une diminution de l’offre disponible et une reprise de la demande.
Enfin, en matière d’investissement, 1,4 milliard a été investi dans les bureaux bruxellois, soit l’un des plus importants montants de ces dernières années. La vente de l’immeuble Engie par Belfius et AG Real Estate à La Française et Hyundai pour 400 millions étant la plus importante transaction. On ne recense qu’un seul acheteur belge (AG Real Estate pour l’IT Tower, 73 millions) dans les 10 premières places. Le marché déborde actuellement de capitaux étrangers.
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