Bruxelles: “L’immense différence de taxation immobilière avec la périphérie est incompréhensible”
La fiscalité sur les immeubles de bureaux est particulièrement lourde à Bruxelles, tout comme les taxes… Un seuil a été dépassé, selon un rapport du cabinet de conseil Ayming. « Seules les grandes entreprises veulent encore payer ces taxes » en ressort-il.
En quittant Bruxelles par le boulevard Léopold III, les automobilistes remarqueront, en arrivant dans la périphérie flamande, qu’il y a davantage de chantiers de construction et de nouveaux immeubles de bureaux. Selon un rapport du consultant Ayming, l’explication est simple : à taille égale, la charge fiscale pour un bâtiment est trois à quatre fois plus élevée du côté bruxellois que du côté flamand de l’avenue Léopold III.
Et pour le démontrer, Ayming prend l’exemple d’un immeuble de bureaux dont le revenu cadastral non indexé est de 100.000 euros. A Zaventem, le propriétaire paiera annuellement 64.259 euros pour les principaux impôts fonciers, à Machelen-Diegem 86.612 euros. De l’autre côté de la frontière bruxelloise, à Evere, il paiera 269.061 euros. Mais malgré cette différence de taille, Evere n’est pas du tout la commune la plus chère de Bruxelles… Selon cet exemple, c’est Ganshoren qui remporte la palme, avec 323.046 euros d’impôts fonciers.
« Bruxelles est peut-être plus chère. Mais c’est la capitale de l’Union européenne, elle dispose de transports en commun et d’un important vivier de travailleurs hautement qualifiés », explique Tanguy Jonckheere, consultant chez Ayming. « Mais l’immense différence de taxation immobilière avec la périphérie est incompréhensible. Seules les grandes entreprises veulent encore payer ces impôts, comme les multinationales et les grandes banques. »
Impôts fonciers
Selon M. Jonckheere, les procédures de permis, qui traînent en longueur, ne font qu’aggraver la situation. « Jusqu’en 2016, les promoteurs immobiliers qui choisissaient Bruxelles pouvaient bénéficier d’une réduction du précompte immobilier pendant la durée des travaux. Cela encourageait de nombreux promoteurs immobiliers à rénover les immeubles de bureaux vétustes. Mais cette réduction du précompte immobilier a été supprimée. J’ai dû dire à un promoteur que, selon ses plans et l’état d’avancement du projet, il pourrait perdre des millions d’euros dans les années à venir s’il ne faisait rien. Et il n’avait même pas encore commencé les travaux ».
Selon Ayming, Bruxelles considère cet impôt principalement comme un moyen de remplir les caisses de l’État. « Chaque centimètre carré est exploité », indique le rapport. C’est pourquoi les taxes foncières à Bruxelles sont non seulement plus élevées, mais aussi plus fréquentes. Outre l’impôt foncier habituel sur le revenu cadastral, les entreprises bruxelloises paient une taxe régionale distincte.
Les communes bruxelloises ne sont pas en reste. La plupart d’entre elles prélèvent une taxe supplémentaire sur les immeubles de bureaux et les places de parking. Des taxes similaires existent également dans la périphérie flamande, mais seulement dans une minorité de communes. La somme de toutes ces taxes crée un fossé béant entre Bruxelles et la périphérie flamande.
Bruxelles, ville dortoir
Bruxelles semble donc mettre toute son énergie à repousser les immeubles de bureaux, alors que paradoxalement de nombreux bourgmestres bruxellois souhaitent conserver de tels immeubles sur le sol de leur commune, car ils sont essentiels pour renflouer les caisses.
L’organisation patronale bruxelloise Voka Metropolitan constate néanmoins que de plus en plus d’entreprises quittent Bruxelles et optent pour la périphérie. « À Diegem, par exemple, de nouveaux immeubles de bureaux sortent de terre, tandis qu’à Bruxelles, ils sont transformés en appartements ou en maisons de retraite », explique René Konings, directeur de Voka Metropolitan. « C’est le monde à l’envers : Bruxelles devient une ville dortoir avec une périphérie économiquement plus dynamique. »
La question est de savoir si Bruxelles a d’autres choix ? La région est confrontée à de graves problèmes financiers, 11 de ses 19 communes sont en redressement judiciaire. Les Bruxellois étant souvent plus pauvres que le reste de la population belge, l’augmentation de l’impôt sur les revenus – une autre source financière importante pour les communes – n’est pas vraiment d’un point de vue électoral une alternative attrayante. « Les politiciens se contentent alors de regarder du côté des entreprises », explique M. Konings. « Car les entreprises ne peuvent pas voter. Elles sont littéralement ‘chassées’ en dehors de Bruxelles. Donc, les impôts rentrent encore moins et les finances publiques s’en ressentent encore plus. Trop d’impôts tuent l’impôt ».
La moins chère : Laethem-Saint-Martin
Laethem-Saint-Martin, à deux pas de Gand, ne souffre pas d’une mauvaise situation financière, assure le bourgmestre Pieter Vanderheyden. « Pour financer notre programme d’investissement, notre taux d’endettement a atteint la moyenne des communes flamandes ces dernières années. Mais cela ne met pas en péril la santé de nos finances communales ». C’est ainsi que Laethem-Saint-Martin, sur un total de 581 communes belges, peut se targuer d’avoir le précompte immobilier le plus bas par rapport au revenu cadastral, à savoir 28,60 %.
Ce qui ne veut pas dire que les citoyens paient moins de précompte immobilier. En effet, le revenu cadastral d’une commune huppée comme Laethem-Saint-Martin est plus élevé que celui d’une commune ‘classique’. De même, l’impôt complémentaire sur le revenu rapporte beaucoup, malgré son faible taux. En effet, la commune de Laethem-Saint-Martin compte de nombreux citoyens fortunés.
M. Vanderheyden explique : « Les hauts revenus se sont installés ici parce que les taux étaient bas. Ils sont restés bas pendant 48 ans. En 1976, Welzijn est entré au conseil municipal et a décidé de réduire la charge fiscale, sous l’impulsion de l’échevin puis du bourgmestre Bob Van Hooland. Ce dernier, professeur d’administration publique à l’université de Gand, voulait montrer qu’il était possible de gérer une municipalité sans une lourde charge fiscale, à condition de le faire de manière efficace. Laethem-Saint-Martin, par exemple, a beaucoup moins de personnel qu’une autre commune. Nous sommes punis pour cette gestion efficace, car nous ne recevons pratiquement pas de ressources du fonds municipal ».
La plus chère : Alveringem
Quelque part entre Ypres et Veurne se trouve Alveringem. Sur les 581 communes belges, c’est dans ce village des polders de Flandre occidentale que l’impôt foncier est le plus élevé par rapport au revenu cadastral : 67,62 %. « C’est tant mieux », déclare le bourgmestre Gerard Liefooghe de la liste Gemeentebelangen. « Nous avons besoin d’argent. Nous devons entretenir 160 kilomètres de routes rurales avec des canaux et des bas-côtés, alors qu’Alveringem ne compte que 5 000 habitants ». Pourtant, ils ne paient pas plus que les habitants des communes à faible taux d’imposition foncière. Le revenu cadastral des biens immobiliers à Alveringem est faible, explique M. Liefooghe. « Il en va de même pour notre impôt complémentaire sur le revenu. Le taux est élevé, mais le revenu moyen à Alveringem est faible ». Le Fonds communal n’apporte que peu d’aide. « Les subventions accordées à Alveringem sont insuffisantes, surtout si on les compare à celles accordées aux villes», explique M. Liefooghe. « Alveringem doit ramer avec les rames dont elle dispose. »
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