Après Bruxelles, Sotheby’s s’attaque à Anvers
Quatre ans après son apparition sur le marché bruxellois, Sotheby’s ouvrira en juin une antenne à Anvers. Une manière de confirmer sa belle percée sur le segment de l’immobilier de prestige et d’accentuer son ancrage belge. Retour sur une arrivée qui a bouleversé le marché.
Ils le reconnaissent sans détour : ils ont allègrement profité de la caisse de résonance mondiale du nom Sotheby’s pour devenir en peu de temps un acteur majeur de l’immobilier de prestige belge. Rencontre avec Guillaume Botermans, président de Sothebys’ Belgium, et son directeur général David Chicard.
TRENDS-TENDANCES. Sotheby’s ouvrira d’ici l’été une seconde antenne belge à Anvers. Une volonté de passer à la vitesse supérieure ?
DAVID CHICARD. Il s’agit d’un concours de circonstances. Nous avons eu de plus en plus de demandes de clients situés en région anversoise, pour des biens oscillant entre 800.000 et 900.000 euros. Le problème, c’est que gérer des visites et des suivis de dossiers depuis Bruxelles est très compliqué. Nous avons donc décidé de franchir le pas. Une équipe est déjà constituée en interne et est prête à démarrer le travail immédiatement.
Quelles sont vos ambitions pour ce marché ?
D.C. Il y a eu beaucoup de demandes de nos clients pour des biens qui sont situés à Brasschaat, Schilde, Kappelen ou dans le centre d’Anvers. L’idée n’est pas d’ouvrir cinq bureaux là-bas, comme le fait Engel & Völkers. Nous ne visons pas le même segment. La concurrence est présente. Trois ou quatre autres agences travaillent très bien et gèrent 80 % du marché dans ces quatre communes. Nous allons essayer, comme cela a été le cas à Bruxelles, d’y trouver notre place. Il y a aujourd’hui plus de 400 biens en vente au-delà d’un million d’euros.
Quelles sont les principales différences entre les marchés bruxellois et anversois ?
D.C. En termes de prix, Anvers est 15 à 20 % moins cher. Il y a toutefois, à Anvers, une très belle architecture, avec de magnifiques propriétés. Le marché y est un peu moins dynamique. Et comme à Bruxelles, il s’agit d’un marché dominé par les acheteurs belgo-belges.
Cette ouverture en amènera-t-elle d’autres, à Knokke par exemple ?
GUILLAUME BOTERMANS. Normalement, nous n’avons pas la volonté de nous étendre au-delà de ce deux bureaux. Knokke est un micromarché qui est occupé par des locaux. Nous avons par contre eu une réflexion sur la possibilité d’être présents dans le secteur de Waterloo, Lasne et Rhode-Saint-Genèse. La distance est un critère de décision. Nos clients nous demandent d’être très réactifs. Ils souhaitent parfois une visite dans l’heure. D’où le fait d’être implantés dans cette région et d’avoir un service de proximité.
D.C. Pour le reste de la Wallonie, nous avons en portefeuille des propriétés familiales. Que ce soit des châteaux, des propriétés de chasse ou encore des domaines équestres. Il s’agit d’un marché étroit mais avec du potentiel. Nous devons y rester attentifs.
Quel impact devrait avoir cette ouverture sur vos résultats ?
D.C. Nous avons effectué pour 86 millions de transactions en 2017 et pour 64 millions en 2016. Soit une hausse de plus de 20 millions. Nous ne nous attendons pas à augmenter notre chiffre d’affaires dans de telles proportions. Mais il est clair que nous allons progresser.
La percée de Sotheby’s sur le marché belge a été relativement rapide. Vous attendiez-vous à un contexte aussi favorable ?
G.B. Nous avons commencé il y a quatre ans avec quatre employés. Nous sommes aujourd’hui 25. Il s’agit d’une équipe conséquente. Notre nom, qui a une résonance mondiale, est un atout indéniable. Cette percée signifie en tout cas qu’il y a une place pour nous. Au détriment, bien évidemment, d’autres acteurs. Mais nous travaillons régulièrement en co-exclusivité avec certains, comme l’agence Le Lion par exemple.
D.C. Nous avons une stratégie marketing assez ciblée, avec des spécificités dont aucun acteur ne disposait jusqu’à notre arrivée. Tout le monde a embrayé depuis. On peut clairement dire que nous avons rehaussé le niveau du marché de l’immobilier de prestige.
Comment se porte le marché ?
G.B. Nous intervenons à partir d’un million d’euros, un marché sur lequel nous percevons un déficit d’offres. L’idée est de viser les beaux objets architecturaux. Il y a en moyenne 300 biens en vente dans le grand Bruxelles. Ce qui est quand même un échantillonnage limité. Quelqu’un qui nous dit qu’il a une collection d’une quinzaine de voitures de luxe et qu’il lui faut un grand garage aura donc un choix très limité. Ou par exemple quelqu’un qui souhaite habiter avenue Molière, côté sud, avec un ascenseur et une piscine. Voire un penthouse de 400 m2, situé place Brugmann. Il n’y en a qu’un actuellement, qui plus est en duplex. Cela devient donc très vite compliqué…
D.C. En dessous de 2,5 millions d’euros, il manque certains produits de qualité. Telles que des maisons de maître, des derniers étages d’immeuble.
Et quid de la demande ?
D.C. Cela dépend toujours des biens mis en vente. Une maison de maître affichée à 1,5 million d’euros et située dans les quartiers Lepoutre, Camille Lemonnier, Franz Merjay à Ixelles part aisément si elle cohérente, même sans garage ou jardin. Au total, nous avons effectué 40 transactions en 2017 pour un prix moyen de 2,2 millions d’euros. Les prix sont stables.
G.B. Dans l’hyper luxe, tout le monde rêve de prix à 10.000 euros/m2. Mais nous sommes davantage à 6.000 euros/m2. Le nombre de mètres carrés influence toujours le prix. Enfin, précisons que, étonnamment, les acquéreurs habitent souvent dans un rayon de 500 mètres !
Septante-cinq pour cent du marché est accaparé par quatre communes à Bruxelles. Y a-t-il des évolutions à ce niveau ?
D.C. Je parlerais moins en termes de communes qu’en termes de quartiers. Le marché est concentré sur Bruxelles-Ville (avenue Louise), Ixelles, Uccle et Rhode-Saint-Genèse, avec des spécificités pour chaque quartier.
G.B. Avec neuf communes, nous faisons tout le marché. Il faut aussi ajouter Auderghem et Watermael-Boitsfort pour le marché locatif.
Le marché locatif semble de plus en plus dynamique…
G.B. Tout à fait. Le loyer minimum est fixé à 2.500 euros et peut grimper à 17.000 euros par mois. Les dernières belles locations ont concerné une villa à Rhode-Saint-Genèse ou le Stuyvenberg à Laeken. Précisons qu’à partir de 3.000 euros, le marché ne concerne plus que des étrangers.
Quelles sont les spécificités du marché ?
D.C. Il est extrêmement lent. Nous passons davantage de temps à travailler sur le marketing qu’à faire des visites, car le marché est très petit. Certaines propriétés vont se vendre en quatre ans. D’autres en un mois. Quand nous commençons une mission, nous ne connaissons jamais sa durée. C’est la grande différence avec le marché résidentiel en dessous d’un million d’euros.
Quel est le profil des acquéreurs ?
G.B. Majoritairement belge (65 %). Sur nos quatre principales transactions effectuées l’an dernier, trois ont été l’oeuvre de Belges. Les Français sont moins présents. Ils préfèrent louer.
Quelles sont les marges de croissance du segment du luxe ?
D.C. Nous ne jouons pas dans la même catégorie que Londres ou Paris. Par contre, le Portugal a mis en place une série de réformes fiscales qui poussent certains à privilégier le sud de l’Europe plutôt que Bruxelles. C’est dommage. Le fait d’être sur un marché extrêmement riche architecturalement reste un avantage indéniable pour Bruxelles. Mais les prix sont stables et resteront à ce niveau. Le principal frein du marché est la lenteur administrative.
2,2 millions d’euros
C’est le prix moyen des transactions réalisées par Sotheby’s en 2017.
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