Anne Wuilquot, présidente de Fednot : “Pour être un bon notaire, 
il faut aimer les gens”

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Le 20 juin dernier, Anne Wuilquot est devenue la présidente de Fednot, la fédération belge des notaires. Notaire à Dour, elle entend poursuivre l’inévitable digitalisation tout en renforçant l’esprit d’équipe 
et en respectant le privilège accordé par l’Etat à une profession basée sur la confiance.

Fednot, la Fédération du notariat, est l’association professionnelle des notaires. Elle soutient les études dans leur fonctionnement quotidien : avis juridiques, gestion de l’étude, solutions informatiques, formations et information vers le grand public. Avec la digitalisation, la complexification des matières et le besoin de communication, cette ASBL nationale, dont la présidence change de rôle linguistique tous les trois ans, a pris une ampleur impressionnante. En 25 ans, elle a multiplié son personnel par sept !

Anne Wuilquot
Anne Wuilquot: “Je suis très favorable au développement d’un tableau de bord digital qui autorise un contact permanent entre un client et une étude sur un dossier.” © D.R.

Aujourd’hui, près de 200 personnes l’aident à remplir ses missions, avec un net accent mis sur le département IT qui met au point des applis qui permettent au notariat d’être en phase avec l’évolution de la société. L’ASBL est financée par les cotisations obligatoires des notaires et le paiement, à la pièce, pour l’utilisation des services digitaux.

Pas la vocation

Le 20 juin dernier, Anne Wuilquot, notaire à Dour, a pris la succession de Katrin Roggeman, dont l’étude est à Bruxelles, à la présidence de Fednot. Que la présidence soit confiée à deux femmes successivement est le reflet parfait de la féminisation galopante d’une profession très masculine jusqu’il y a peu. En 1999, la Belgique ne comptait que 9,4 % de femmes sur environ 1.200 notaires. Elles représentent aujourd’hui 42,1 % d’un contingent de 1.754 notaires répartis dans 1.105 études. Une évolution impressionnante liée à la prévalence de plus en plus marquée des femmes dans les hautes études et à la démocratisation de l’accès à la profession via le concours instauré en 1999 et dont la première édition a eu lieu en 2001.

“Avant, la législation poussait les enfants de notaire à faire comme papa, confie Anne Wuilquot. Il n’y avait rien de plus inégalitaire en réalité. Je n’avais pas la vocation mais je suis devenue notaire comme mon papa et mon grand-père qui n’avaient pas plus la vocation que moi. Mais nous avons, tous les trois, développé une passion pour le métier. Mon papa m’a bien eue en tout cas (rires) : il a, de façon très intelligente, instillé une envie à sa fille aînée qui ne voulait absolument pas rentrer dans les clous familiaux. Depuis le concours, la profession est plus ouverte et une étude ne se transmet pas forcément de père en fille ou en fils. C’est la commission des nominations qui décide sur base de critères objectifs. C’est le jeu et il faut l’accepter et agir en fonction si on veut reprendre l’étude familiale. C’est plus sain et il n’y plus la moindre interférence politique non plus.”

L’évolution sur 25 ans témoigne, outre de la féminisation, de l’augmentation du nombre de notaires par étude. Près de la moitié compte, en effet, deux notaires.


“Deux éléments sont à l’œuvre, explique Anne Wuilquot. Il y a désormais beaucoup d’associations. Un notaire titulaire s’associe avec un autre notaire dont il sait qu’à terme, il sera apte à reprendre l’étude. J’ai ainsi été associée avec mon papa pendant neuf ans avant de devenir titulaire. J’ai moi-même pris rapidement Emmanuel Nizet comme associé. De nos jours, pour avoir un scope large et complet, une étude doit compter deux notaires. C’est aussi une manière d’avoir une vie en dehors du boulot. Nous sommes de super-­généralistes mais aussi des spécialistes dans certaines matières suivant nos affinités. Depuis 2021, il est aussi possible de devenir notaire adjoint. C’est un salarié. C’est un dispositif pratique pour les petites études et qui autorise les femmes à devenir notaire sans être obligées de s’engager tout de suite dans l’association ou le titulariat. En d’autres termes, elles disposent de plus de temps pour gérer une vie de famille avec des enfants en bas âge. Je trouve que cette nouvelle disposition légale colle bien à la réalité d’aujourd’hui.”

Une reconnaissance

Anne Wuilquot va devoir, pour les trois ans à venir, partager son temps entre le siège de Fednot, situé à côté de la gare Centrale à Bruxelles, et son étude rurale. Un ajustement qui ne va pas être simple.

“C’est un poste qui ne se refuse pas, sourit-elle. C’est une solide reconnaissance de la profession que d’être choisie par ses pairs du rôle francophone. Je ne vais plus consacrer que trois jours par semaine à mon étude. J’ai accepté parce que j’ai constitué une solide équipe. Je vais être payée pour cette présidence mais j’ai décidé de reverser ce salaire dans l’association. Je suis dans une région où l’on a encore l’habitude de voir son notaire. Ce sera un peu moins le cas et il faudra convaincre les clients que cela ne change rien à la qualité du service. J’ai une étude rurale, j’ai gardé les clients de mon papa mais je n’ai gagné les faveurs de la génération suivante que parce que j’étais à la pointe du digital. Je dis toujours que pour un être un bon notaire, il faut aimer les gens. Nous avons tous besoin d’un notaire. La première fois qu’on franchit les portes d’une étude, le bouche-à-oreille familial a fonctionné et on vient chez le notaire de papa et maman. Après, c’est une question de confiance et de feeling. Il faut que cela matche…”

“Entre le digital et le présentiel, c’est le client qui choisit.”


En tant que présidente, Anne Wuilquot entend poursuivre la digitalisation et le développement d’outils extrêmement performants à côté de l’e-notariat, la plateforme de travail commune aux notaires, des réseaux sécurisés pour communiquer entre études et avec l’Etat, de Biddit (la plateforme digitale de ventes aux enchères), d’Izimi (le coffre-fort virtuel) et d’eStox (le registre électronique des actions).

Poursuite de la digitalisation

“L’étape suivante est sans doute le tout-digital sans plus se voir en physique, poursuit Anne Wuilquot. Il va falloir offrir cela même si je n’en suis pas une grande fan. Je constate quand même, dans mon étude, que, pour ce qui touche à l’intime et aux émotions, comme un contrat de mariage ou une succession, les clients ont encore besoin de conseils en présentiel. Le tout-digital déshumanise le métier. Mais je suis un officier public payé par le privé et entre le digital et le présentiel, c’est le client qui choisit. Je suis, par contre, très favorable au développement d’un tableau de bord digital qui autorise un contact permanent entre un client et une étude sur un dossier. Cela commence à se créer, ce serait bien de le généraliser. Le dossier appartient au client, pas au notaire et je trouve normal que, dans un achat/vente de maison par exemple, il puisse voir sur une plateforme si son crédit est en ordre, si l’acompte est arrivé, si les documents officiels sont rentrés, etc. Cette transparence est rassurante.”

Parallèlement, Anne Wuilquot entend veiller à garder un bon maillage géographique. Quitte à ce qu’il se fasse via une association d’études comme à Huy. Une série de petites études ont mis leurs moyens en commun dans une structure centrale sans abandonner la présence physique dans les villages. C’est une façon élégante de ne pas rater le train de la digitalisation qui peut coûter cher aux petites structures. Enfin, la nouvelle présidente entend renforcer la solidarité et la confiance.

“Collectivement, nous sommes une équipe, conclut-elle. Il faut renforcer l’esprit d’entreprise et la solidarité. Nous sommes au service du citoyen et de l’Etat, pas au nôtre… L’Etat nous a confié un privilège. Nous devons le respecter et le valoriser par la qualité de notre travail.”

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