Acheter un bien immobilier classé en Belgique: quels avantages fiscaux et quelles contraintes?

Passage du Nord
Le Passage du Nord dans le centre-ville de Bruxelles est une belle success story. © Belpress
Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste

Vous avez jeté votre dévolu sur un bâtiment Art déco situé au cœur de Bruxelles ou une maison de maître en Wallonie? Le statut de “bien classé” a une série de répercussions pour le propriétaire du bâtiment. Que faut-il savoir avant d’investir dans un bien classé en Belgique?

Châteaux, cathédrales, maison de maître à la façade Art Déco… Acheter un bien classé peut faire rêver. Il témoigne à la fois de la richesse culturelle et naturelle d’une région et de son histoire. Pourtant, un tel achat n’est pas à prendre à légère. Deux experts, Anne-Catherine Dawance, de l’Agence wallonne du Patrimoine (AWaP) et Thierry Wauters, directeur des Monuments et des Sites en région bruxelloise, décryptent pour Trends-Tendances les points clés à connaître avant de se lancer.

Pourquoi investir dans un bien classé?

Investir dans un bien classé, c’est avant tout s’offrir un morceau d’histoire et d’architecture unique. Ces propriétés d’exception séduisent souvent par leur cachet historique et la technique utilisée pour leur réalisation, surtout dans les grandes villes comme Bruxelles. « Le bâti bruxellois de qualité se vend bien, s’achète bien, se vit bien… », se réjouit Thierry Wauters.

Les investisseurs sont avant tout attirés par les bâtiments de prestige, tels que les hôtels de maître ou les maisons Art déco, souvent dotés d’intérieurs exceptionnels. Plus que des investissements, ce sont de véritables coups de cœur. « L’acheteur tombe amoureux de la qualité du bâtiment. Le patrimoine, c’est aussi des émotions », souligne l’expert.

Ce qui fait la rareté et la valeur de ces biens? Le caractère unique des décors et des matériaux anciens. Les techniques et le savoir-faire des artisans se sont parfois perdus avec le temps, rendant ces bâtiments encore plus précieux. « On retrouve des décors qui sont impossibles à reproduire aujourd’hui. Dans cette gamme de patrimoine, les artisans coûteraient vraiment beaucoup trop cher. »

En Wallonie, le paysage patrimonial est plus diversifié. Les opportunités ne manquent donc pas, mais « tout dépend de la programmation voulue par les investisseurs », explique Anne-Catherine Dawance. « Nous pouvons simplement vous préciser que les biens industriels posent souvent des problèmes de réaffectation, à cause de leur “configuration” originelle ou d’autres soucis (de pollution, par exemple), ce qui pourrait décourager des investisseurs. »

Quels avantages fiscaux pour l’achat et la rénovation d’un bien classé?

Un tel investissement en Belgique peut offrir des avantages fiscaux, mais ceux-ci varient fortement d’une région à l’autre.

En termes d’implications fiscales, l’AWaP identifie deux mécanismes en Wallonie. Premièrement, une réduction d’impôt sur des dépenses d’entretien et de restauration de biens classés. Les propriétaires qui engagent des frais d’entretien, de restauration, de mise en valeur ou de restitution à l’état d’origine de leur bien classé peuvent en effet bénéficier d’une réduction d’impôt. Concrètement:

  • La réduction s’élève à 30% des dépenses éligibles.
  • Le calcul se fait sur la moitié des coûts réels, après déduction des subsides éventuels.
  • Aucune dépense minimale n’est requise pour profiter de cet avantage.

Ce dispositif permet d’alléger la facture des travaux, souvent plus élevés pour un bâtiment protégé.

Autre avantage fiscal notable: l’exemption des droits de succession, de donation et de partage. Attention cependant, cette exonération est conditionnée: le montant exonéré doit être réinvesti intégralement dans des travaux de restauration du bien.

Comme l’explique l’experte wallonne: « L’objectif est double: pérenniser le patrimoine wallon en encourageant fiscalement les propriétaires d’un bien classé à le maintenir en bon état, et d’autre part, aider les familles à conserver leur patrimoine classé dans le giron familial afin d’en assurer une meilleure protection. »

Bruxelles ne prévoit pas d’avantages fiscaux à l’achat d’un bien classé. En revanche, les propriétaires peuvent bénéficier « d’une réduction significative ou totale du précompte immobilier en fonction de l’utilisation du bien », précise Thierry Wauters. « En fonction de l’étendue du classement, vous pouvez avoir de 25 à 100% d’exonération. »

  • Façade classée uniquement: exonération de 25%.
  • Partie de l’intérieur classée: exonération de 50%.
  • Bien entièrement classé: exonération totale, soit 100% du précompte immobilier.

Ce levier fiscal représente un allégement significatif de la fiscalité à Bruxelles. Une aide d’autant plus précieuse que l’entretien des bâtiments classés reste contraignant et coûteux.

Entretien obligatoire: un coup de pouce financier?

Pour bénéficier de ces aides, les propriétaires doivent en effet répondre à toute une série de conditions. Notamment l’obligation d’entretenir le bien classé. « Un propriétaire peut être sanctionné pénalement s’il ne le fait pas », ajoutele directeur des Monuments et des Sites en région bruxelloise. « On peut tout à fait dresser un Procès-Verbal en cas d’absence d’entretien. »

Cependant, entretenir ou restaurer un bâtiment protégé représente souvent un coût important. C’est pourquoi des aides financières existent, aussi bien à Bruxelles qu’en Wallonie, pour accompagner les propriétaires dans leur projet de rénovation. « Le principe de subvention n’est pas de couvrir l’ensemble des dépenses », précise Anne-Catherine Dawance. « Mais de couvrir le surcoût engendré par les exigences de maintien ou de restitution des caractéristiques patrimoniales qui ont justifié le classement du bien. » En Wallonie, les taux de subvention varient entre 50 et 65% selon la nature des travaux et le niveau de protection du bien.

À Bruxelles, tous les travaux de restauration et certains travaux d’entretien sont subsidiés à concurrence de 40% pour les biens privés et 80% pour les biens publics. Dorénavant, les performances énergétiques sont également intégrées dans ces subsides. « L’amélioration des performances énergétiques est pour nous un élément essentiel dans la discussion d’un projet de restauration », souligne Thierry Wauters.

Au-delà de l’aspect financier, l’objectif est de maintenir l’attractivité de ces bâtiments uniques. Il s’agit d’assurer leur transmission et leur utilisation durable. « Je dois avoir des bâtiments qui sont encore attractifs pour que des gens les utilisent. Ces bâtiments doivent donc être un minimum performants, utiles », insiste l’expert.

Faut-il craindre des pièges fiscaux ou juridiques?

Bonne nouvelle: en Belgique, un bien classé peut tout à fait être vendu, sans réelle contrainte juridique. « Cependant les effets du statut de bien classé suivent le bien en quelque main qu’il se trouve », précise Anne-Catherine Dawance de l’AWaP.

À Bruxelles, la réglementation facilite même toute transaction immobilière sur le plan urbanistique: la prescription 0.9 du plan régional d’affectation des sols (PRAS). « Si l’affectation du bâtiment – par exemple un logement – n’est pas idéale pour permettre la réhabilitation du bien, toutes les autres affectations sont possibles: commerce, musée, coworking… ».

Deux exemples concrets illustrent cette souplesse. Notamment le Passage du Nord dans le centre-ville de Bruxelles, place de Brouckère. « Grâce au classement, et donc à cette prescription, on a pu transformer tous les étages du Passage – qui sont vraiment des locaux compliqués – en co-living et coworking. »

Autre success story: la transformation de l’ancien siège de la Royale Belge. « C’est un bâtiment classé contemporain qui a été profondément transformé, sans aucun problème au niveau de la procédure de délivrance de permis et qui est devenu un projet très bien réalisé. » On y retrouve aujourd’hui des bureaux, des restaurants, un hôtel et un centre de fitness.

Et la location alors?

Il est tout à fait possible de mettre un bien classé en location, ou d’en faire un meublé de tourisme (type Airbnb). Mais cette affectation est beaucoup moins bien accueillie, à Bruxelles comme en Wallonie. « On a tout intérêt à avoir des gens qui vivent dans ce patrimoine de manière continue. Mais le principe de l’Airbnb est loin d’être notre tasse de thé, essentiellement pour des raisons urbanistiques », déclare l’expert bruxellois.

Côté wallon, l’AWaP rappelle que des restrictions peuvent s’appliquer en cas d’abus. « Si ce type d’activité risque de mettre en péril les caractéristiques qui ont justifié le classement du bien, des restrictions peuvent être imposées », prévient Anne-Catherine Dawance.

Acheter un bien classé ne doit donc pas être perçu comme un parcours d’obstacles. À condition d’anticiper les contraintes juridiques et réglementaires. Le patrimoine classé belge peut réserver de belles surprises, pour les investisseurs passionnés comme pour les familles souhaitant préserver leur héritage.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content