Le crédit global reste une classe attractive
Alors que les banques centrales se montrent toujours très accommodantes et que les craintes d’une hausse de l’inflation à long terme s’avèrent largement hypothétiques, le niveau des rendements dans le segment du crédit reste particulièrement attirant pour les investisseurs.
Dans un contexte de rendements obligataires déprimés sur les emprunts d’Etat depuis plusieurs années, les investisseurs ont souvent été contraints d’aller rechercher de la performance sur les marchés de la dette d’entreprise. Il s’agit toutefois d’une proposition d’investissement plus risquée, et il est donc avisé d’opter pour un produit avec une protection contre les fluctuations des taux de change face à l’euro, comme l’ensemble des fonds repris dans notre échantillon.
En adoptant une exposition globale, il est également possible de limiter le risque de défaut, le gestionnaire sélectionné ayant la liberté de pouvoir faire pivoter le portefeuille vers des régions en bonne santé économique. Les meilleurs fonds de cette catégorie ont généralement dégagé des performances comprises entre 3% et 5% durant les trois dernières années. Nous avons sélectionné des produits essentiellement exposés sur les émetteurs de meilleure qualité (investment grade avec des notes BBB et supérieures), avec la possibilité d’exposer une partie du portefeuille sur des émetteurs à haut rendement (notes BB et inférieures).
En tête des performances, nous trouvons le fonds Threadneedle – Global Corporate Growth. David Oliphant, executive director of fixed income investment chez Columbia Threadneedle Investment, estime que la collaboration étroite entre les analystes et les gestionnaires constitue une grande partie du succès de cette stratégie. “Nous cherchons à aligner les intérêts de notre équipe avec ceux de nos clients, pour trouver les meilleures idées possibles à intégrer dans le portefeuille. Et également avoir les plus fortes pondérations dans des entreprises relativement peu risquées afin de construire un portefeuille qui est en mesure de traverser des conditions de marché plus délicates.”
Tension américaine
Depuis le début 2021, les plans d’investissement massifs annoncés dans les pays développés ont toutefois entraîné une résurgence des craintes quant à un retour de l’inflation. Avec pour conséquence, une baisse des valeurs nettes d’inventaire comprises entre 1% et 3% depuis le début janvier. C’est plus particulièrement la partie américaine du marché de crédit qui a souffert de la tension sur les taux des emprunts d’Etat.
David Oliphant s’attend à des révisions positives pour les attentes de croissance durant les prochains trimestres. “Ceci s’est traduit par un recalibrage des attentes à long terme quant à l’évolution de l’inflation, en particulier pour le marché américain. Nous pensons toutefois qu’il existe également des tendances séculaires de long terme qui vont empêcher une évolution des prix qui serait totalement hors de contrôle. Statistiquement, il n’y a d’ailleurs aucune corrélation de long terme entre le niveau des taux souverains et la performance de la dette d’entreprise.”
De son côté, Frédéric Salmon, head of credit chez Pictet Asset Management, ne croit pas que l’inflation constituera un problème majeur pour les prochaines années. “Nous ne sommes pas très inquiets sur cette thématique, avec une croissance potentielle qui demeure fondamentalement plus basse que par le passé et un partage de la richesse avec les salariés qui reste peu équilibré. Plus que l’inflation, c’est la hausse des taux qui impacte les valorisations sur des émissions comme les utilities ou la pharmacie, d’où le besoin d’être bien diversifié avec des secteurs qui seront moins impactés par ce phénomène.”
Ben Lord, gestionnaire du fonds M&G (Lux) Global Corporate Bond Fund, souligne que la Banque centrale européenne a répondu de manière essentiellement verbale à la hausse des taux nominaux, et qu’elle augmentera ses efforts si le besoin s’en fait réellement sentir. “Les autorités monétaires disposent encore d’une marge de manoeuvre pour augmenter leurs efforts hebdomadaires afin de garder le niveau des taux sous contrôle”, ajoute-t-il.
Dans l’ensemble, le contexte devrait rester particulièrement favorable pour le marché du crédit.
David Oliphant (Columbia Threadneedle Investments)
Emetteurs cycliques
“L’écart qui pouvait exister entre les emprunteurs cycliques et non cycliques s’est également fortement réduit, ce qui traduit l’espoir d’une reprise économique assez marquée dans le marché”, indique Frédéric Salmon. La tension des taux américains a également permis à ce marché de reconstituer une partie de son potentiel par rapport au marché européen. “C’est un élément sur lequel nous sommes actuellement très actifs.”, précise le gestionnaire.
Ben Lord estime également que la compression des taux des émetteurs cycliques vers les émetteurs non cycliques est en grande partie terminée. “Vu le niveau des taux, je ne pense pas qu’il faille encore ajouter aujourd’hui davantage de risque cyclique dans les portefeuilles. Il est par contre plus intéressant de s’intéresser à des émetteurs de type fallen angels (anges déchus, Ndlr) qui ont le potentiel de rapidement devenir des rising stars (étoiles montantes, Ndlr), et qui cotent actuellement avec une prime attractive de 2 à 3%.”
Nous avons sorti un certain nombre de secteurs (charbon, gaz et pétrole, nucléaire) afin d’engager le portefeuille sur une trajectoire claire de réduction du bilan carbone.
Frédéric Salmon (Pictet AM)
Répression financière
Sur les marchés du crédit, un fallen angel est un émetteur investment grade (notation BBB et supérieure) qui se voit dégrader vers le haut rendement (notation BB et inférieure) en raison d’une dégradation de sa situation financière, un événement qui s’est beaucoup produit durant l’année 2020. Une rising star est un émetteur qui fait le chemin inverse, en passant du segment à haut rendement vers le groupe des émetteurs de bonne qualité, avec pour conséquence une hausse rapide de son cours.
“Un grand nombre de fallen angels veulent aujourd’hui devenir des rising stars, et cherchent donc activement à améliorer leur situation financière”, indique David Oliphant. Selon lui, la répression financière reste présente sur les marchés obligataires. “L’épargnant ne gagne plus d’argent sur ses dépôts bancaires, et la dette d’entreprise constitue une nouvelle sorte de classe d’actifs sans risque, précise-t-il. Après le niveau record d’émissions obligataires en 2020, le volume devrait être plus modéré en 2021 alors que la demande des épargnants va rester soutenue. Dans l’ensemble, le contexte devrait rester particulièrement favorable pour le marché du crédit.”
Il est plus intéressant de s’intéresser à des émetteurs de type fallen angels qui ont le potentiel de rapidement devenir des rising stars.
Ben Lord (M&G)
Avantage durable
Pictet Asset Management a pour sa part opté pour l’ajout d’un filtre durable dans la sélection de valeurs, afin de ne sélectionner que des titres affichant les meilleures pratiques sur une série de critères ESG. “Pour obtenir le label Febelfin, nous avons sorti un certain nombre de secteurs (charbon, gaz et pétrole, nucléaire) afin d’engager le portefeuille sur une trajectoire claire de réduction du bilan carbone”, indique Frédéric Salmon, qui constate que les émissions durables ont clairement été une classe en très forte progression sur le marché primaire. “Ce type d’émission est très recherché, et il est très facile à vendre et très difficile à acheter, ajoute-t-il. Il y a donc aujourd’hui clairement un malus à ne pas être vert dans votre portefeuille crédit, et vu les différentes réglementations qui vont entrer en vigueur, cet avantage risque de s’accentuer dans les années à venir.”
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