Bourses, investissements, croissance… L’Europe est bien partie
Plusieurs indicateurs économiques confirment que l’élan actuel du Vieux Continent a de bonnes bases. Avec des secteurs dignes d’achat en Bourse… et d’autres pas, pointe le gestionnaire de fonds Invesco.
Si les actions européennes séduisent les investisseurs internationaux depuis l’an dernier, ce n’est pas seulement en raison d’un rapport cours-bénéfice beaucoup plus avantageux que celui observé outre-Atlantique. A savoir, 16 à peine pour l’indice européen Stoxx 600, contre 25 pour l’indice américain S&P 500. D’ailleurs, cet argument ne convainc pas tout le monde. Les (rares) inconditionnels de Wall Street soulignent ainsi que, grâce à la réforme fiscale du président Trump, la progression des bénéfices des entreprises américaines flirtera cette année avec la barre des 20 %, soit près du double de ce qui est généralement attendu en Europe.
L’argument du rapport cours-bénéfice attendu pour 2018 se complète toutefois d’une conviction largement partagée : l’amélioration de la croissance observée en Europe repose sur des éléments solides qui laissent augurer un mouvement durable. Prenant la parole au tout récent Trends Investment Summit, Jeffrey Taylor, responsable des actions européennes chez Invesco, a gratifié son auditoire de plusieurs indicateurs convaincants. Avant de pointer quelques compartiments boursiers attrayants et d’autres, à éviter.
Un chouïa mieux qu’aux Etats-Unis
On présente généralement la ” locomotive ” allemande comme une championne des exportations, et à juste titre. Ceci n’est toutefois pas automatiquement synonyme de croissance économique solide… dès l’instant où les partenaires commerciaux faiblissent. Ainsi l’Allemagne a-t-elle vu son PIB progresser de 0,5 % à peine en 2012 et 2013. Un taux supérieur à la moyenne, certes, mais fort modeste. Le graphique 1, qui détaille les composantes de la croissance, en témoigne : la vigueur des exportations n’a pas empêché l’ensemble de la zone euro d’être en récession à cette époque. Qu’observe-t-on ces toutes dernières années ? Un bel allant de la consommation des ménages, mais également des investissements en capital fixe. Exactement comme au tournant de l’an 2000, ainsi que durant les années ayant précédé la crise financière, soit des époques de forte croissance du PIB, comme l’indique également le graphique. Voilà qui laisse augurer une expansion économique forte, durable et assez stable, estime Jeffrey Tylor.
La fermeté de la devise européenne ne semble pas de nature à contrarier la Bourse.
Pas étonnant, dès lors, que ce bel optimisme se reflète dans le consensus des économistes concernant cette croissance attendue du PIB. Aux Etats-Unis, celle-ci pointe entre 2,2 et 2,4 % depuis deux ans, avec assez peu de variations. Singulier contraste avec la zone euro, où elle avait tristement fléchi de 1,7 à 1,2 % à l’issue du premier semestre 2016. Mais pour se redresser ensuite de manière continuelle. Au début 2018, cette croissance attendue pointe même à 2,4 %, contre 2,3 % pour les Etats-Unis. Prodigieux, n’est-ce pas ?
Une évolution tout aussi enthousiasmante s’observe pour un autre consensus fort important : l’évolution attendue des bénéfices des entreprises. De 2012 à 2016, la prévision initiale fléchissait tristement au fil du temps, un phénomène du reste assez habituel, au point de passer parfois de + 12 % à – 3 %. Ce repli fut par contre insignifiant en 2017 et il en va de même jusqu’ici en 2018. Ici aussi, on est passé en mode optimiste.
Merci Emmanuel !
S’il est difficile – voire quasiment impossible – d’appréhender la consommation future des ménages, il n’en va pas de même des dépenses d’investissement des entreprises, l’autre élément moteur évoqué ci-dessus : elles sont régulièrement interrogées sur leurs intentions en la matière. L’enquête menée deux fois par an par Evidence Lab, un département de recherche économique de la banque suisse UBS, avait l’an dernier donné des résultats particulièrement spectaculaires. Alors que les chiffres étaient bons, mais sans plus, pour l’Italie et l’Espagne, ils étaient mirobolants pour l’Allemagne et surtout pour la France. Outre-Rhin, la proportion d’entreprises prévoyant d’accroître leurs investissements avait fusé à 27 % en 2017, contre 8 % en 2016 ( voir graphique 2). Outre-Quiévrain, on change carrément de paradigme : 24 %, contre un chiffre négatif les trois années précédentes ! L’effet Macron ? Même s’il n’est pas seul en cause, le contraste est époustouflant. Bonne nouvelle en tout cas pour les entreprises européennes car, rappelle l’orateur, les investissements des unes sont le chiffre d’affaires et le bénéfice des autres !
Cette dynamique retrouvée de la zone euro a toutefois entraîné une envolée de la monnaie unique face au dollar et certains s’en inquiètent : ne pourrait-elle pas freiner ce bel élan ? En réalité, si l’euro a grimpé de plus de 20 % en un an, c’est après une chute plus forte encore en 2014-2015. Il reste dès lors très loin de ses sommets historiques. De toute manière, observe le spécialiste d’Invesco, la fermeté de la devise européenne ne semble pas de nature à contrarier la Bourse, comme en témoignent les évolutions de l’une et de l’autre sur la période allant de 2002 à 2008 ( voir graphique 3).
Attention à la rotation sectorielle
En raison à la fois d’un environnement économique favorable et d’une évaluation encore très raisonnable, les Bourses européennes sont donc attrayantes. Mais pas dans leur totalité, avertit Jeff Taylor, qui écarte les secteurs défensifs que sont la pharmacie et les biens de consommation. Ces derniers seraient aujourd’hui trop chers de moitié par rapport à leur valorisation historique ! Les choix d’Invesco se fondent en partie sur le fait que la hausse des taux d’intérêt provoquera une rotation sectorielle en Bourse. Hausse des taux ? Clairement, d’autant que l’inflation a vraiment commencé à grimper, bien que ce soit peu visible jusqu’ici. Un examen attentif de la relation entre la croissance du PIB (lissée sur cinq ans) et le niveau des taux d’intérêt révèle que le taux à 10 ans du Bund, l’obligation d’Etat allemande qui sert de référence en zone euro, devrait flirter avec les 3 %, contre moins de 1 % aujourd’hui.
Quels sont donc les secteurs qui vont profiter de la rotation sectorielle et/ou de la hausse des taux ? Les valeurs financières, bien entendu, ce en quoi Invesco partage le consensus. Dans son fonds Euro Equity, elles sont surpondérées de moitié par rapport à l’indice, à plus de 31 % du portefeuille. L’énergie (pétrole et gaz) y pèse 14 %, contre 5 % dans l’indice. Surpondération similaire pour les valeurs télécoms, avec plus de 11 % du portefeuille : elles sont restées bon marché alors que leurs fondamentaux se sont améliorés, juge Jeffrey Taylor. Qui, à une question posée lors d’une conférence, a laissé entendre avoir deux actions belges en portefeuille : Ageas et Ackermans & van Haren.
2,4 %
C’est la croissance prévue de l’Europe pour le début 2018, contre 2,3 % pour les Etats-Unis.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici