Y aura-t-il assez d’électricité pour les camions électriques?
Le nouveau réseau de recharge européen pour camions Milence a du mal à trouver des emplacements pour ses stations qui pourraient garantir une fourniture d’électricité suffisante pour le futur, sauf dans des pays comme la Belgique ou la France.
Les camions viennent mettre leur grain de sel dans le marché de l’électricité. Milence, un nouveau réseau de bornes de recharge rapides pour poids lourds, s’inquiète de la disponibilité de l’électricité sur les sites qu’il souhaite développer.
« Nous avons besoin d’une capacité minimale, bien plus importante que pour des stations de recharge pour voitures » dit Koen Noyens, head of public affairs de Milence.
Une station dans le port d’Anvers
Il s’agit d’un tout nouveau réseau de recharge rapide, appartenant à des constructeurs de camions (1), qui entend développer un réseau de 1700 points de charge d’ici 2030. Il a ouvert 3 hubs, à Venlo (Pays-Bas), en Normandie et dans le port d’Anvers, 10 autres devraient suivre cette année, et 8 stations supplémentaires (hubs) sont en projet.
Cette initiative illustre la volonté des constructeurs de camions d’imposer le camion à batteries pour tous les usages, y compris les trajets internationaux. Milence entend équiper des couloirs internationaux où le trafic de poids lourds est important. Certains modèles atteignent actuellement une autonomie de 400 km, mais leur diffusion est loin de rivaliser avec celle des autos électriques.
Des bornes de 1000 kW
Les stations de recharge pour voitures ne sont pas adaptées aux camions, qui accèdent difficilement aux bornes, il faut donc construire des stations spéciales, avec une zone de repos spécifique. Et prévoir une puissance très importante. « Dans une station pour voitures, les bornes arrivent, disons à 350 kW de puissance, mais nous allons rapidement équiper nos stations en bornes de 1000 kW (1MW), ce qui signifie une alimentation nettement plus forte » continue Koen Noyens. La puissance de 1000 kW permet de recharger un camion dans le temps de pause réglementaire (45 minutes) toutes les 4h30 de route.
« Dans certains pays, nous avons du mal à trouver des emplacements, car nous n’avons pas la garantie que la capacité électrique sera disponible et évoluera selon nos besoins » continue Koen Noyens. Il cite notamment les Pays-Bas ou les pays nordiques. « En France, cela semble plus aisé, on a pu dialoguer avec la société de distribution Enedis. »
Les soucis avec les réseaux d’électricité
Mais la distribution d’électricité est organisée très différemment selon les pays. « Il y a environ 3000 sociétés de distribution en Europe, parfois le marché est très fragmenté. Beaucoup ne sont pas capables de lancer les investissements nécessaires pour l’évolution de la consommation. Avec les pompes à chaleur et d’autres nouveaux usages, il y a de nouveaux besoins. »
En Belgique ? « C’est moins tendu, nous avons des discussions avec les différents distributeurs. Chez Fluvius, en Flandre, par exemple, la prise en compte de l’évolution de la demande est en bonne voie, il y a un planning de développement. Mais ce n’est pas le cas partout. Dans certains pays, et certaines zones où il serait intéressant, d’un point de vue logistique, de développer une station, il y a un risque de « bottleneck » sur le réseau, nous n’avons pas de réponse ou il n’y a pas d’amélioration possible. »
Une croissance de la demande de 60% d’ici 2030
La Commission européenne est consciente du problème est a publié un Grid Action Plan en novembre 2023, estimant qu’environ 600 millions d’euros d’investissements étaient nécessaires pour adapter les réseaux de distribution aux besoins nés des objectifs climatiques de 2030. Une croissance de 60% de la demande est anticipée par la Commission européenne, dont font partie les camions électriques.
Pour l’heure, le camion électrique reste encore peu présent. Il y en a moins de 200 en Belgique, contre plus de 200.000 autos électriques. Le marché n’a pas encore décollé, mais les constructeurs y croient, car l’hydrogène tarde à arriver et l’UE impose une réduction de 45% des émissions d’ici 2030 (vs 2019).
Milence cherche aussi à éviter la tendance tarifaire à fixer le tarif de l’électricité en fonction des pointes de consommation. En Flandre, même les particuliers sont soumis à un tarif capacitaire, qui tient compte des pointes, pour encourager à étaler la consommation et à limiter les pointes. Les gros clients sont concernés par ce type de tarification des raccordements, cela complique le business model de Milence, qui ne peut prévoir ces pics puisque les camions feront le plein durant les pauses réglementaires. L’entreprise ne souhaite pas imposer un tarif variable selon les pointes, qui pourrait générer des surprises pour les transporteurs. Actuellement le tarif est de 0,3999 euro HTV par kWh, quels que soient le pays et le moment.
(1) Volvo, Daimler Truck, Traton (groupe VW, regroupant Man, Scania et Navistar).
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