Wilko, victime de la crise au Royaume-Uni et d’une gestion hasardeuse
La disparition à venir des magasins britanniques Wilko est emblématique des maux du commerce au Royaume-Uni, entre inflation, crise du pouvoir d’achat et progression des ventes en ligne, mais c’est aussi pour de nombreux observateurs la conséquence d’une gestion calamiteuse.
Avec près de 12.500 emplois perdus, c’est la plus grosse banqueroute du secteur depuis celle des magasins Woolworth en 2008, selon le Centre for Retail Research. Le logo rouge et blanc de Wilko, dont la liquidation a été annoncée lundi, était familier des rues commerçantes dans les quartiers ou villes plutôt populaires.
Aller chez Wilko, c’était chercher des bonnes affaires dans les articles pour la maison ou le jardin. On y trouvait du petit électro-ménager, des produits d’entretien, jusqu’aux valises ou tuteurs pour ses plantations de balcon.
La chaîne, qui s’est déclarée en faillite en août, se targuait d’être une affaire de famille, créée il y a 90 ans par JK et Mary Wilkinson à Leicester, au cœur de l’Angleterre, avant de s’étendre partout dans le pays. L’entreprise s’est finalement retrouvée prise en étau entre des clients aux revenus plutôt modestes, les plus touchés par la crise du coût de la vie et une flambée des facture depuis le début de la guerre en Ukraine, sans parler des récents problèmes de chaîne d’approvisionnement.
Les 400 magasins vont fermer, mais une cinquantaine va ressusciter sous l’enseigne de B&M et 71 sous celle de Poundland, d’autres chaînes de distribution à prix cassés.
Le BRC, organisation sectorielle, fustige aussi une fiscalité sur l’immobilier commercial (“business rates”) largement décriée. Mais les analystes comme le syndicat GMB n’épargnent pas la direction du groupe.
“Siphonné”
Wilko avait l’image d’un magasin à bas prix mais n’était pas aussi bon marché que des discounters comme les supermarchés “low cost” type Aldi, ou les chaînes à prix cassés comme Poundland. Susannah Streeter, analyste chez Hargreaves Lansdown, constate, interrogée par l’AFP, que Wilko n’avait pas “investi assez pour garder les prix bas et ne pouvait empêcher ses clients de partir chez ces concurrents meilleur marché”. Sur le réseau social X, ex-Twitter, un internaute décrit un étalage de “cochonneries trop chères”.
Le syndicat GMB n’a pas manqué de souligner, comme l’avait fait la presse britannique ces derniers mois, les millions de livres de dividendes que s’étaient octroyés les actionnaires de Wilko et notamment les héritiers des fondateurs. “Ce n’est pas une tragédie sans explication. Wilko aurait dû prospérer dans un secteur où le segment des petits prix se porte bien”, remarquait lundi GMB dans un communiqué. “Il a été mené à sa perte par ses propriétaires” qui ont “siphonné l’entreprise pour des dividendes” sans écouter les appels à réformer le modèle du groupe, devenu trop lourd et coûteux, martèle GMB.
Lisa Wilkinson, l’une des héritières des fondateurs et l’une des anciennes responsables du groupe, affirme que ne pas prendre de dividendes n’aurait donné à l’entreprise que quelques mois de sursis. D’autres analystes estimaient que Wilko ne s’était tout simplement pas suffisamment adapté à la concurrence. Susannah Streeter remarque que les chaines rivales ont misé sur les “centres commerciaux plus populaires et ont diversifié leur gamme dans l’alimentaire”.
Russ Mould, analyste de AJ Bell résume, interrogé par l’AFP: “le commerce de détail repose sur le fait de fournir le bon produit au bon format au bon prix et au final, les rivaux de Wilko faisaient ça mieux”.