Victoria’s Secret ou la difficulté de se réinventer

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La marque de lingerie Victoria’s Secret s’est lancée depuis quelques années dans une transformation radicale de son image hyper-sexualisée pour mieux coller à l’air du temps. Mais la tactique s’est révélée peu payante.

Victoria’s Secret a longtemps été l’un des symboles de l’ultra-sexy, avant d’entamer, il y a deux ans, une mue de son image. La marque de lingerie tente depuis de se réinventer et d’adapter son marketing. Fini la clinquante femme-objet, place à la femme moderne qui ne mise pas tout sur le physique. La tentative louable ne s’est pas franchement soldée par un succès.

Avec un chiffre d’affaires de 6,2 milliards de dollars (près de 5.9 millions d’euros) pour l’exercice en cours, c’est une baisse d’environ 5 % par rapport à l’année précédente. C’est surtout une perte d’environ 1,7 milliard d’euros de ventes depuis 2018. En septembre, les actions ont atteint un niveau historiquement bas puisqu’elles affichent moins 78% par rapport à 2021, selon Bloomberg.

Skims sur les talons

Si la marque reste tout de même, avec une part de marché d’environ 20 %, le plus grand détaillant de sous-vêtements en Amérique du Nord, l’écart se réduit avec ses concurrents. Au point qu’elle semble s’enfoncer dans un certain marasme commercial. Beaucoup de jeune femme lui préférant des marques plus branchées comme Savage X Fenty ou encore les marques en ligne comme Parade ou Thirdlove. Mais ses vrais concurrents sont probablement Aerie d’American Eagle Outfitters qui a atteint l’année dernière 1,5 milliard de dollars (1,4 milliard d’euros) et la marque de shapewear (lingerie gainante) Skims. Cette dernière, co-fondé par Kim Kardashian devrait voir ses ventes atteindre 750 millions de dollars en 2023. On peut parler d’une véritable success-story puisque l’entreprise est évaluée à quatre milliards de dollars quatre ans après sa création. Aujourd’hui presque uniquement disponible en ligne, Skims prévoit également d’ouvrir ses premiers magasins l’année prochaine à Los Angeles et à New York. De quoi l’asseoir un peu plus dans le paysage et se poser en rival sérieux de Victoria’s Secret.

D’autant plus qu’aux pertes financières et la progression de la concurrence, s’ajoute une valse des dirigeants au sein de Victoria’s Secret. Les anciens ont quitté l’entreprise. Exit le milliardaire Les Wexner, véritable architecte de l’image sulfureuse de la marque et un peu trop proche Jeffrey Epstein, mais aussi Ed Razek qui supervisait le marketing de la marque. Amy Hauk, nommée en 2022, ne restera elle que 6 mois. Ce qui fait dire aux analystes que si la marque sait plus ou moins ce qu’elle ne veut plus être, elle ne semble pas encore savoir exactement où elle va.

“Le sexe peut être inclusif”

Pour tenter d’enrayer la tendance, elle réessaye même les vieilles casseroles. Elle a relancé le mois dernier son fameux défilé de mode télévisé avec ses fameux anges. Ce dernier avait atteint un statut presque mythique dans les années 2000, attirant 12,4 millions de téléspectateurs en 2001. Accusée de body shaming, de sexisme ou encore de grossophobie, Victoria’s Secret décide d’arrêter ses défilés emblématiques en 2018. Cette pause, presque forcée, n’aura donc été que de courte durée. Dans sa version 2023, on note un effort évident pour se monter plus inclusif, mais le tapis rose signature et la présence de mannequins historiques ont brouillé le message.

Le signal d’un retour du sexy à l’extrême?

Lors d’une présentation aux investisseurs à New York la semaine dernière, la marque a soulevé un coin du voile autour de sa stratégie, peut-on lire sur CNN. Selon Greg Unis, président de la marque Victoria’s Secret et de Pink, la sous-marque de la société ciblant les jeunes consommateurs, « le sexe peut être inclusif. Le sexe peut célébrer les diverses expériences de nos clients ».  Pour parvenir à ce doublé audacieux, la marque souhaite réinvestir dans les sous-vêtements de sport, les vêtements d’intérieurs et les maillots de bain. Les 1.400 magasins devraient aussi être modernisés et il est prévu d’ouvrir pas moins de 400 nouveaux points de vente en dehors de l’Amérique du Nord. De quoi permettre à Victoria’s Secret d’à nouveau déployer ses ailes ? Aussi difficile à prévoir que le sexe des anges.

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