Viande artificielle: beau temps pour les mouches!
Des mouches noires génétiquement modifiées par une PME anversoise s’apprêtent à dynamiser la fabrication de viandes cultivées.
Malgré son appellation guerrière, liée à son aspect qui évoque – avec un peu d’imagination il est vrai – l’uniforme, la Black Soldier Fly (BSF), ou mouche soldat noir en VF, est pacifique. Venue d’Amérique, elle ne pique pas, ne mord pas et ne peut donc transmettre aucune maladie.
Aujourd’hui, elle est l’objet de toutes les attentions. Scientifiquement dénommées Hermetia illucens, ces petites bêtes possèdent en effet d’extraordinaires capacités que l’industrie, toujours en quête de nouveaux pactoles, cherche à valoriser. À commencer par l’appétit quasi illimité de ces mouches pour les déchets organiques dont elles – ou plutôt leurs larves – peuvent réduire la masse de près de trois quarts en moins d’un mois ! Après avoir fourbi ses premières armes aux abattoirs d’Anderlecht, la start-up bruxelloise Wastech a pris langue avec le groupe Delhaize qui a ainsi pu lancer, fin de l’année dernière, une première dans le commerce de détail belge : traiter les invendus de ses supermarchés par des larves vivantes, puis transformer ces dernières en protéines servant de complément à l’alimentation animale.
La conversion manuelle de quelque 20 tonnes de déchets en trois tonnes de larves de mouches, et donc de protéines, a été fixée pour objectif. “Il n’est pas inconcevable qu’un jour ce supplément protéique nourrisse des poules dont les œufs seront vendus chez Delhaize, et alors la boucle sera bouclée”, s’enthousiasme Tessa Deryck, responsable de la réduction des déchets et des emballages du groupe.
Les mouches soldat noir peuvent réduire une masse de déchets organiques de près de trois quarts en moins d’un mois.
Petites bêtes, grande armée et grandes capacités
Avoir pareils “soldats” à disposition est bien évidemment enchanteur mais pouvoir les transformer en troupes spécialisées serait plus grisant encore. C’est l’objectif de Flyblast, une start-up anversoise capable de modifier par génie génétique, l’ADN de l’Hermetia illucens pour exprimer des molécules spécifiques. Et cela, de deux manières : soit en surexprimant ou supprimant un gène existant, soit en introduisant des gènes entièrement nouveaux dans l’ADN des BSF, permettant ainsi l’expression de molécules qui ne sont pas naturellement présentes dans l’espèce. Et c’est là que le tiroir-caisse commence à tinter.
En 2013, Mark Post, professeur en physiologie vasculaire à l’Université de Maastricht, présentait le premier hamburger cultivé au monde au départ d’une idée relativement simple : prélever par biopsie sur des bovins des cellules qui ont le pouvoir de réparer les tissus de ces animaux lors de blessures. Puis, de placer ces cellules dans des bains de nutriments et de facteurs de croissance afin de favoriser leur prolifération. La mise au point de ce Frankensteak, ayant quand même coûté qulque 250.000 euros pour moins de 150 grammes, pas grand monde n’aurait à l’époque misé un florin sur son avenir.
Depuis, les mentalités ont évolué. Consommer de la viande artificielle devient acceptable, à condition que son prix le soit également. Parmi les protéines nécessaires à sa croissance figure en effet l’insuline, à elle seule responsable de 85% de son coût, que des mouches génétiquement modifiées produiront à bas prix dès 2026 dans une usine pilote.
Guillaume Capron
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