Vers une probable fermeture d’Audi Bruxelles qui ne reçoit aucun nouveau modèle du groupe Volkswagen

Audi Brussels ne recevra aucun modèle d’Audi et du groupe Volkswagen. Ce qui signifie une fermeture”, indique le front commun syndical dans un communiqué.

Aucun modèle de véhicule ne sera attribué à Audi Brussels par le groupe Volkswagen (auquel Audi appartient), ont appris mardi les syndicats lors d’un conseil d’entreprise extraordinaire. “Aucun projet automobile ni volume de production n’est sur le planning pour les prochaines années pour notre usine. Ce qui signifie une fermeture”, indique le front commun syndical dans un communiqué. Cependant, des “projets alternatifs” pourraient être proposés et devront être clarifiés lors du prochain conseil d’entreprise extraordinaire prévu le 17 septembre, poursuivent les syndicats. “Nous souhaitons obtenir des informations détaillées à ce sujet ainsi qu’une vue sur l’ensemble des potentiels repreneurs.”

On ne sait pas encore si l’usine fermera complètement. Des pistes alternatives sont encore à l’étude au sein du groupe, comme la fabrication de tracteurs tirant des avions à l’aéroport, ou le recyclage de moteurs. La semaine prochaine, la direction devrait également en dire plus sur la recherche éventuelle d’un repreneur.

Pas une vraie surprise

La nouvelle suscite des préoccupations parmi les plus de 3 000 employés de l’usine, qui craignent pour leur avenir. L’usine de Bruxelles, autrefois un site stratégique pour la production de modèles électriques Audi, semble être à chaque annonce en perte de vitesse. La nouvelle annonçant que l’usine ne produira pas la Q4 e-tron, un modèle qui aurait pu stabiliser sa situation, avait déjà été un coup dur. Audi Brussels devait pourtant normalement bénéficier de la production de ce modèle en plus du Q8 e-tron, mais ce projet a été annulé sans explication, renforçant déjà les inquiétudes concernant l’avenir de l’usine. Celle de juillet dernier sera pire. Audi Brussels annonce son intention de procéder à une restructuration. La direction a expliqué qu’elle cesserait plus tôt que prévu la production du modèle Q8 e-tron, dernière voiture à être assemblée à Forest. Ce projet de restructuration pourrait entraîner la suppression de 1.500 emplois dès le mois d’octobre, puis de plus de 1.100 autres l’année prochaine. Les derniers emplois de l’usine bruxelloise pourraient disparaître d’ici fin 2025.

Le gros problème de l’usine de Bruxelles est le coût de la main-d’œuvre

 L’un des principaux obstacles à la survie de l’usine est le coût élevé de la main-d’œuvre en Belgique, qui rend la production moins compétitive par rapport à d’autres sites du groupe Volkswagen, notamment en Allemagne, où l’industrie bénéficie de subventions. Selon les experts, une usine comme Audi à Forest doit se contenter de produire des voitures de luxe parce qu’il est trop coûteux pour Audi de construire, par exemple, un modèle d’entrée de gamme ou de milieu de gamme dans notre pays. En outre, bien que Bruxelles ait été un site pionnier pour la production de voitures électriques, l’avantage concurrentiel de l’usine s’érode au fur et à mesure que d’autres usines en Europe et ailleurs deviennent opérationnelles.

Un autre facteur clé de la fragilité actuelle d’Audi Brussels est la perte de son pouvoir de lobbying, notamment après le décès de Roland D’Ieteren, une figure influente qui jouait un rôle crucial dans les relations entre Volkswagen et la Belgique. Avec la disparition de D’Ieteren, l’usine a perdu un défenseur majeur, rendant la situation encore plus précaire face aux décisions stratégiques prises par la direction de Volkswagen en Allemagne.

Un problème plus large que l’usine de Bruxelles

La baisse des volumes de production, particulièrement visible avec le Q8 e-tron, reflète un problème plus large au sein du groupe Volkswagen. Le géant automobile, autrefois dominateur, semble perdre du terrain face à ses concurrents, notamment Tesla, qui dépasse désormais Volkswagen en termes de ventes de voitures électriques. Cette situation critique pousse Volkswagen à revoir sa stratégie et à réduire ses coûts. Le groupe Volkswagen, confronté à des chiffres de ventes décevants, surtout en Chine, a déjà entamé une restructuration. Avec au menu fermeture ou la restructuration de certaines usines. Hier le groupe Volkswagen avait déjà annoncé envisager des fermeture d’usine en Allemagne. Volkswagen souhaiterait mettre en œuvre des plans de réduction des coûts au sein de sa marque principale, mais aussi dans d’autres entités du groupe. Une fermeture d’usine en Allemagne constituerait un précédent historique pour le constructeur, qui n’a jamais pris une telle décision en 87 ans d’existence. “La situation économique s’est encore détériorée et de nouveaux acteurs pénètrent le marché européen”, explique le CEO Oliver Blume. “De plus, l’Allemagne continue de perdre du terrain en termes de compétitivité. Dans un tel contexte, nous devons, en tant qu’entreprise, agir en conséquence.” Volkswagen emploie près de 300.000 personnes en Allemagne. Outre son usine principale de Wolfsburg, le groupe possède des usines à Hanovre, Emden, Osnabrück, Brunswick, Salzgitter, Cassel, Zwickau, Dresde et Chemnitz. Un plan d’économies, visant à économiser quatre milliards d’euros en 2024 et dix milliards d’ici à 2026, est déjà en cours depuis fin 2023.

Audi assure toutefois explorer d’autres pistes, mais la nouvelle qu’aucun modèle de véhicule ne sera attribué à Audi Brussels semble sonner le glas de l’usine et confirmer la délocalisation de la production dans des régions où la main-d’œuvre est moins chère, comme le Mexique. Le constructeur automobile allemand est aux prises avec une surcapacité et l’usine de Bruxelles – l’ancienne Volkswagen Forest – paie le prix de coûts de production plus élevés par rapport aux autres sites d’Audi.

Perspectives de reprise ?

Quatre projets alternatifs pourraient être proposés et devront être clarifiés lors du prochain conseil d’entreprise extraordinaire prévu le 17 septembre. “Mais si des alternatives se présentent, elles pourraient sauver 200 à 300 emplois, pas plus”, estime M. Debrulle. Par ailleurs, la direction d’Audi Brussels a annoncé le départ de son CEO, Volker Germann, qui quittera ses fonctions le 15 septembre prochain. Son successeur, Thomas Bogus, prendra ses fonctions à cette date. Est-il juste là pour mettre la clé sous la porte de façon propre ou doit-il réorganiser l’usine pour fabriquer d’autres produits ? La réponse semble, pour l’instant, encore un peu floue.

Un scénario potentiel pour sauver l’usine serait une reprise par un constructeur automobile chinois, un secteur en plein essor grâce à l’essor des voitures électriques. Cette hypothèse est perçue avec un peu plus d’espoir par le syndicaliste, qui y voit la possibilité de sauver davantage d’emplois. Cependant, cette option reste incertaine. Les constructeurs chinois préfèrent souvent construire de nouvelles usines dans des pays où les coûts de main-d’œuvre sont plus bas, plutôt que de reprendre des installations existantes comme celle de Forest, qui a peu de possibilités d’expansion en raison de sa localisation urbaine.

Malgré l’incertitude, le délégué syndical CNE Ludovic Pineur reste, lui, optimiste : “On va se battre pour sauvegarder un maximum d’emplois. La direction n’a pas précipité la clôture de la phase 1 de la loi Renault (qui régit les licenciements collectifs, NDLR), ce qui est un signe positif. Leur projet initial prévoyait le départ de 1.510 travailleurs le 31 octobre, mais on n’en a même pas parlé aujourd’hui. Tant que la phase 1 est en cours, ils ne peuvent pas licencier. Moins vite on clôture cette phase, plus longtemps les gens garderont leur salaire, et les chômeurs économiques ne seront pas mis dehors du jour au lendemain”, a-t-il expliqué.  Pour le délégué CNE, la situation dépasse largement le cadre d’Audi Brussels. “L’issue de cette crise dépendra fortement des décisions politiques, tant au niveau belge qu’allemand”, analyse-t-il. “J’en appelle à la responsabilité des gouvernements pour préserver les emplois européens. Le gouvernement allemand va-t-il sauvegarder les emplois de Volkswagen (après l’annonce d’une fermeture d’usines allemandes, NDLR)?”, s’interroge-t-il, espérant une réaction forte des pouvoirs publics pour éviter une délocalisation massive hors d’Europe.

Une réouverture peu probable ce mercredi

La reprise progressive de la production, prévue à partir de mercredi, sera en tout cas perturbée. Les syndicats n’excluent pas des mouvements sociaux spontanés. “Je n’y crois pas, les ouvriers n’accepteront pas de reprendre dans ces conditions-là”, a expliqué M. Debrulle. Du côté des sous-traitants, également impactés par la situation et censés reprendre le travail dès demain/mercredi après une période de chômage économique, la colère gronde également. “La grogne risque d’être encore plus forte chez eux”, prévient M. Pineur.  La direction envisage de reprendre avec deux équipes et une cadence de quinze voitures par heure cette semaine.

Une grande manifestation des travailleurs d’Audi Brussels est par ailleurs prévue le 16 septembre prochain dans la capitale. “Plusieurs délégués des syndicats allemands de Volkswagen pourraient se rendre à Bruxelles ce jour-là, pour protester après l’annonce de VW d’envisager, pour la première fois de son histoire, la fermeture d’usines en Allemagne”, a indiqué M. Pineur. 

D’ici là, la direction espère que l’usine redémarrera tout de même pour honorer les dernières commandes de l’Audi Q8 e-tron.

Un risque pour l’usine Volvo de Gand ?

Est-ce que cela remet aussi en question de l’avenir de Volvo Gand ? Les difficultés rencontrées par Audi Brussels pourraient également affecter ce site. Cependant, Yves Wouters reste plus optimiste pour Volvo Gand, en raison de la production prévue du modèle EX30, un SUV électrique d’entrée de gamme, qui pourrait bénéficier des taxes d’importation élevées imposées aux véhicules fabriqués en Chine.

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