Vers un protectionnisme décomplexé?
Le nouveau régime instauré par le Règlement européen relatif aux subventions étrangères entraîne plusieurs conséquences pratiques pour les entreprises ayant des activités dans l’Union européenne.
Proposé par la Commission en mai 2021 et adopté par le Parlement européen en juin 2022, le règlement est entré en vigueur le 12 janvier de cette année et s’appliquera à compter du 12 juillet. Il vise à lutter contre les distorsions causées dans le marché intérieur par des subventions étrangères afin de garantir des conditions de concurrence équitables. Ciblant initialement la Chine, il constitue aussi une réponse à l’Inflation Reduction Act américain (IRA) et à la recrudescence du protectionnisme à l’échelle mondiale.
De nombreux organismes de lobbying étrangers ont exprimé de fortes réserves sur ce nouveau règlement. Paradoxalement, de nombreux lobbyistes européens ont aussi émis des réserves, non sur le fonds du règlement mais sur la bureaucratie et la charge de travail disproportionnée qu’il génère.
Trois régimes
Ce règlement européen fonctionne avec trois outils:
– Un régime d’autorisation préalable pour les opérations de fusion/acquisition dépassant certains seuils et impliquant une entreprise bénéficiant de contributions financières octroyées par un pays tiers au cours des trois dernières années supérieures à 50 millions d’euros.
– Un régime d’autorisation préalable pour toute procédure de passation de marché public d’une valeur supérieure à 250 millions d’euros (125 millions dans certains cas) et impliquant une entreprise bénéficiant d’une contribution financière étrangère octroyée durant les trois dernières années supérieure à 4 millions d’euros.
– Un régime d’examen d’office des subventions étrangères pour lesquelles la Commission soupçonne une distorsion de concurrence. La Commission dispose de pouvoirs étendus en cas de distorsion de concurrence et peut notamment exiger le remboursement de subventions. Le règlement s’applique également aux entreprises européennes ayant reçu des contributions financières non européennes, telles que l’achat de produits ou services par des administrations locales, régionales ou centrales non européennes, britanniques par exemple, le Royaume-Uni ayant quitté l’Union européenne.
Etat des lieux
Il est urgent pour les entreprises de préparer un état des lieux de toutes les contributions financières non européennes obtenues durant les trois dernières années et de mettre en place un outil de reporting approprié. Le non-respect des obligations de notification peut entraîner des conséquences désastreuses et être un nid à contentieux, des concurrents pouvant demander l’annulation d’un marché public ou d’une opération d’acquisition. La charge de travail pour les entreprises risque de s’avérer phénoménale, aucun outil de reporting préexistant ne s’approchant de près ou de loin du reporting exigé par le règlement.
Le règlement pourra être utilisé comme un outil stratégique offensif par des entreprises européennes pour contrecarrer des projets d’acquisition de concurrents étrangers sur le marché européen ou l’attribution de marchés publics, voire pour entraver la présence et l’activité sur le marché européen d’un concurrent bénéfi-ciant de subventions étrangères.
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