Van Hool: comment un combat fratricide a mené l’entreprise à sa perte
Derrière le fiasco de Van Hool se cache une guerre sans merci entre frères et sœurs. Une bien moche guerre successorale autour d’actions. Récit d’un carnage.
Le gestionnaire de crise Marc Zwaaneveld y croyait pourtant. Mais le plan reprise du constructeur de bus Van Hool s’est heurté à un mur. Ou plutôt à une querelle familiale que même un sentiment d’urgence n’aura pu apaiser. Aujourd’hui, seule la relance après la faillite reste sur la table.
10 enfants et un mode de succession féodal
La faute à dispute qui gronde depuis plusieurs décennies entre les frères et les sœurs de la famille Van Hool. Le conflit remonte au décès du fondateur Bernard Van Hool en 1974. Il meurt brutalement d’une crise cardiaque lorsqu’il est à Batibouw. Il laisse 10 enfants. C’est le début des ennuis. Car la famille va s’empêtrer dans des querelles internes.
La société Van Hool a été fondée en 1947 par Bernard Van Hool. Dès le début, il implique ses quatre fils aînés (Alfons, Denis, Jos et Paul) qui seront ensuite suivis par les quatre autres (Leopold, Herman, Marcel et Leon). Les deux filles (Simone et Ingrid) n’y auront pas leur place, mais les gendres seront autorisés à y travailler. Après la mort du patriarche, à la tête de Van Hool se succéderont Leon et puis Carl. La société fonctionne alors comme un véritable clan, mais sans chef incontesté. “Le pouvoir était très équitablement réparti. Cette ligne était même tirée jusqu’aux villas privées. Chaque frère possédait un huitième de la villa de l’autre. Chaque frère était propriétaire de l’autre, et vice versa. Le même modèle était appliqué à chaque société anonyme du groupe, et il y en avait des dizaines”, explique un initié au Standaard.
Si les choses se passaient relativement souplement jusque-là, c’est à la troisième génération que les choses se compliquent. A ce moment-là, seuls cinq membres étaient considérés comme des successeurs potentiels au trône (Isabelle, Carl, Wim, Marc et Filip). De quoi installer une certaine jalousie, pour ne pas dire rancœur. D’autant plus que le système de succession était pour le moins féodal puisqu’il était de bon ton que le flambeau passe du père au fils (sans pour autant que ce soit la personne la plus compétente). Aigreur et incompétence faisant rarement bon ménage, les tensions seront d’autant plus vives que pour arriver à une décision, il fallait un consensus.
Le triple effet Van Hool
Ce qui fait que lorsqu’à la fin des années 1990, certains membres proposent de professionnaliser et de simplifier le conseil d’administration, c’est le clash. Trois des huit branches initiales (les huit fils) choisissent de se retirer et vendent leurs parts.
Cette rupture va avoir un double effet pour Van Hool. Le premier est une note salée pour l’entreprise qui va devoir se délester d’un gros chèque pour racheter les parts. Le second est que le management va se retrouver décapité, ou presque. Quatre des cinq successeurs potentiels quittent le navire. Seul Filip Van Hool va rester. Et si selon la légende, il ne peut en rester qu’un, sa position n’est pas très enviable. Parmi les cinq branches qui ont décidé de rester, l’ambiance est à la suspicion. Qui profitait le plus de l’entreprise ? Entre bisbille et paranoïa, la moindre note de frais pouvait faire l’objet de discussions. Une structure archaïque qui faisait plus que plomber le fonctionnement de l’entreprise. Il faudra attendre 2013 pour que les membres de la famille acceptent qu’il ait qu’un seul CEO. Et même, il n’aura pas totalement les mains libres. Van Hool est confronté à une pression concurrentielle croissante, mais la famille continue de se chamailler et de bloquer toute modernisation de l’entreprise.
La rupture va même avoir un troisième effet, puisque le rachat des parts en 1999 va créer un nouveau champ de tension. Les deux filles du fondateur qui n’ont jamais reçu d’action se sentent lésées. Et qu’importe si elles ont reçu des biens immobiliers, elles attaquent en justice. Cette procédure judiciaire fera, qu’en 2008, deux tiers des actions du constructeur de bus seront placés sous séquestre chez un notaire. Cela fait maintenant 16 ans que la situation est bloquée, empêchant toute action dans un sens ou dans l’autre. Les membres de la famille encore actifs dans Van Hool reprochant aux descendants des deux sœurs de les avoir empêchés de relancer l’entreprise. Ces dernières répliquent qu’aucune proposition réaliste ne leur a jamais été proposée. Et malgré un marathon ce week-end et des réunions jusqu’au cœur de la nuit, chacun est resté sur ses positions. Malgré le fiasco annoncé, personne n’a rien lâché. Lundi matin les différents membres de la famille se querellaient encore dans un improbable dialogue de sourds.
Pire, ce conflit familial est aujourd’hui le dernier clou du cercueil de l’entreprise. Tant qu’un jugement risque d’obliger une entreprise (ou le gouvernement) à effectuer des paiements à la partie adverse, personne ne se risquera à sauver Van Hool de la faillite. Ou pour l’exprimer plus concrètement : les éventuelles parties prêtes à injecter des capitaux dans Van Hool n’ont aucune certitude juridique que leur contribution ne serait pas réclamée ultérieurement par une partie des membres de la famille. Surtout si Van Hool redevenait à nouveau une entreprise rentable.
La faillite est donc désormais inévitable. Elle devrait être demandée après le week-end pascal. Il restera au curateur de trancher pour un éventuel repreneur.
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