Une usine pilote flottante pour produire de l’hydrogène en mer
Les éoliennes en mer produisent de l’électricité. Elles pourraient aussi produire de l’hydrogène, comme veut le montrer au plus vite et avant tout le monde l’usine pilote flottante de Lhyfe, jeune pousse française aux ambitions mondiales.
L’enjeu est énorme, l’hydrogène étant à ce jour le principal moyen de verdir chimie, industries et transports lourds, à condition qu’il soit produit à base d’énergie bas carbone.
Lhyfe, créée en 2017 et dédiée à cet objectif, a donc présenté jeudi cette plateforme pilote, destinée à six mois de tests dans le port de Saint-Nazaire, avant de partir à 20 km au large des côtes françaises pour se connecter pendant douze mois à une éolienne.
“Cette plateforme de production en mer est une première mondiale, l’objectif étant de massifier à terme avec l’offshore la production d’hydrogène renouvelable”, explique le PDG de cette entreprise de Nantes, Matthieu Guesné. “Aujourd’hui, l’hydrogène renouvelable beaucoup de gens en parlent, mais très peu en font. Nous voulons ouvrir la voie”.
Sur la barge jaune citron de 300 m2, un conteneur abrite un électrolyseur, qui grâce à de l’électricité casse la molécule d’eau (H2O) pour produire l’hydrogène (H2). Le courant vient de l’éolienne et l’eau est de l’eau de mer dessalée sur place par un système de dessalement “classique” par membranes, embarqué dans un second conteneur.
“Aller vite”
Mais pourquoi des éoliennes offshore plutôt que sur terre ?
L’hydrogène produit peut être acheminé à terre par un gazoduc classique, moins onéreux que la connexion électrique lorsque l’on s’éloigne des côtes, argumentent les développeurs. Et contrairement au courant électrique, il se stocke facilement.
Les éoliennes marines sont bien plus puissantes que les terrestres aussi. “Et plus on en est loin des côtes, plus cela produit de l’énergie”, ajoute M. Guesné.
L’électrolyseur flottant peut se connecter à des parcs existants. La demande d’hydrogène pourra aussi justifier des parcs dédiés, dit-on chez Lhyfe, où l’on attend d’Allemagne un prochain appel d’offres.
Dans l’intervalle, l’équipe devra s’assurer que l’électrolyseur, produit par l’américain Plug Power, résiste au gîte, aux vagues, à la corrosion et pourra encore optimiser la taille des équipements ou la maintenance.
Dans son usine de Vendée équipée de trois éoliennes terrestres, Lhyfe a déjà pu vérifier que produire de l’hydrogène avec de l’eau dessalée et une énergie intermittente, ça marche. Depuis un an, il alimente les bus de la Roche-sur-Yon, les chariots élévateurs de Lidl…
“Changer un peu le monde”
En mer, Lhyfe vise avec son démonstrateur une capacité de production de 400 kg/jour, soit 1 mégawatt (MW), l’équivalent d’un plein pour cent voitures. A l’horizon de 2030, il envisage de produire 3 gigawatts (GW).
“C’est le genre de projets pionniers qui peut changer un peu le monde et la vitesse avec laquelle les autres s’engagent,” estime Ole Hoefelmann, directeur général de Plug Power.
Il évoque un autre grand projet d’1GW au Danemark. L’énergéticien suédois Vattenfall a annoncé de son côté développer en Ecosse un projet d’éolienne dédiée à l’hydrogène, mais la production n’est pas attendue avant 2025.
Chez Lhyfe, on “veut aller vite”, explique le directeur technique.
Il aura fallu à peine 18 mois pour construire ce pilote baptisé Sealhyfe. Ce projet de plusieurs millions d’euros, qui a reçu l’aide de la Région et de l’Ademe, a aussi le soutien de tout un écosystème qui ces dernières années s’est créé autour de l’éolien offshore entre Nantes et Saint-Nazaire: le port, les Chantiers de l’Atlantique, ou encore l’école Centrale de Nantes qui accueillera le démonstrateur sur sa base expérimentale en mer.
Face au réchauffement du climat, “on est en retard”, note Bertrand Alessandrini, chercheur et directeur du développement à Centrale. “Mais on a là une première mondiale, et on va le plus vite qu’on peut”.
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