Un francophone, heureux en Flandre, oeuvre à la transition écologique de l’industrie chimique

Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Bernard Delhaye, directeur général de Chemours Belgium, appelle les politiques au dialogue au sujet de la complexe mutation de l’industrie. “Nous partageons le même objectif”, dit-il. Ce Bruxellois confie, par ailleurs: “De fait, il n’y a pas assez de francophones qui travaillent en Flandre.”

Bernard Delhaye est Directeur général de Chemours Belgium, une entreprise chimique qui se réinvente avec les contraintes environnementales. A l’occasion de la visite du député fédéral Gilles Vanden Burre (Ecolo), jeudi 24 août, il a répondu aux questions de Trends Tendances. Ce francophone est à la tête d’une entreprise flamande, et il aime ça !

La transition et la décarbonation à l’horizon 2050 est un enjeu majeur pour vous, c’est un objectif assumé et, en même temps, il n’est pas simple à réaliser, cela doit se faire dans le dialogue…

Tout à fait. J’étais très enthousiaste à l’idée d’accueillir Gilles Vanden Burre, un député écologiste, parce que je pense que nous avons des intérêts communs. Nous sommes tous les deux impliqués dans une transition écologique qui est obligatoire, extrêmement complexe, qui prend du temps. C’est très important d’avoir une discussion technique, scientifique, fondée sur les applications de ce que nous produisons et sur la façon dont nous les produisons. Nous réalisons par exemple une membrane nécessaire pour l’électrolyse, un élément indispensable pour la transition écologique.

Toute la discussion porte sur les produits que l’on peut supprimer, ceux qu’il est impératif de  garder pour le bénéfice du bien commun, et la façon dont on les produit. En 2018, in tempore non suspecto, Chemours a établi ses objectifs de transition durable avec l’ambition une réduction de plus de 99% des émissions.

A l’horizon 2050 ?

Oui, mais en 2018, nous avons évoqué la nécessité de réaliser les investissements pour y arriver. Notre objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050, mais nous avons une étape importante en 2030 en tant qu’entreprise pour atteindre une réduction d’au moins 99 % des émissions de matières organiques fluorées. En 2018, nous avons parlé de la nécessité d’investir pour atteindre cet objectif, en tenant compte du fait que, pour certaines émissions de gaz à effet de serre, il n’existe pas encore de technologie permettant de les capturer. Il faut donc des progrès technologiques pour atteindre la carboneutralité.

Tout le problème est là : nous réalisons des produits qui sont cruciaux, le tout est de savoir comment on peut réduire au minimum les déchets ou les émissions. Nos produits sont également utilisés dans des applications médicales de pointe, notamment pour réaliser des chirurgies sans opération lourde : on ne peut tout de même pas envisager retourner à l’âge où l’on coupait un corps en deux pour réaliser une opération cardiaque, tout de même.

Dans notre industrie, il y a un héritage à gérer, nous le faisons de la manière la plus transparente possible. Oui, il y a un trajet à faire, nous le faisons courageusement. Voilà pourquoi il est important d’avoir ce dialogue avec le monde politique basé non pas sur des slogans ou de l’idéologie, mais sur base de choses concrètes.

Cela nécessite une compréhension mutuelle sur la complexité du chemin à suivre ?

De la compréhension. La complexité des produits dont on parle, chimiquement parlant, ne peut pas résumer cela dans un tweet de 140 caractères. Cela demande des discussions responsables et respectueuses de la part des deux parties. Au bout du compte, nous voulons la même chose : la société est demandeuse de  transition écologique et nous voulons, nous aussi, avoir des produits axés sur cette transition : c’est un choix et une obligation sociétale que nous partageons entièrement.

Dans la société actuelle, il y a de plus en plus d’émotion dans la politique et de moins en moins de rationalité. Nous essayons de rester dans le rationnel et des moments comme cela y contribuent.

Quelles sont les attentes que vous avez vis-à-vis d‘un Gilles Vanden Burre ?

C’est important de montrer au monde politique que nous n’allons pas contraints et forcés, vers la régulation des produits chimiques. Non, Chemours soutient cette évolution. L’important, c’est de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain : quand on parle d’interdire des substances, essayons de bien comprendre la nature du problème, le besoin sociétal que cela remplit et, surtout, la meilleure façon de les produire. Les attentes que nous avons à l’égard de Monsieur Vanden Burre et d’autres, c’est qu’ils comprennent bien les réalités techniques.

Vous êtes francophone, vous occupez une fonction importante dans une industrie en Flandre. Est-ce facile ? Dans l’actualité, on évoque le fait que trop peu de francophones travaillent en Flandre…

C’est un sujet très intéressant, que j’évoque ici à titre personnel, cela n’engage pas Chemours. Je travaille depuis 31 ans ici, chez DuPont puis chez Chemours. J’habite à Auderghem, Bruxelles. Cela fait 31 ans que je parle néerlandais ici. Au début, c’était un peu compliqué, mais j’ai toujours mis un point d’honneur à parler le néerlandais, je suis très respectueux de la courtoisie et de la loi linguistique. C’est important d’avoir un respect mutuel. J’ai toujours été accueilli ici à bras ouverts. J’apprécie de travailler ici, je suis presque devenu un « flandrien ».

De fait, il n’y a pas assez de francophones qui travaillent en Flandre.  Personnellement, je pense que la société est divisée entre le monde politico-médiatique et la société civile. On se braque beaucoup trop sur les différences qu’il y a entre les francophones et les néerlandophones, alors qu’on devrait mettre l’accent sur ce qui nous unit. Je peux comprendre les francophones qui entendent ce qui se dit dans les médias, cette petite musique des partis extrémistes selon laquelle les Wallons seraient des assistés ou des fainéants, c’est vrai que cela démotive les gens. On se demande si l’on a envie d’apprendre la langue de quelqu’un qui semble nous mépriser. Et cette question se pose souvent des deux côtés de la frontière linguistique ! Or, dans la réalité, ce n’est pas du tout le cas. Les néerlandophones apprécient beaucoup les Wallons.

Il faut faire un effort. Malheureusement, l’apprentissage des langues est insuffisant du côté francophone. Mais nous avons besoin les uns des autres : la Flandre a besoin d’emplois, il y a de l’espace en Wallonie. Tout est là pour que l’on travaille ensemble. Malheureusement, certains populistes mettent plutôt du sable au lieu de mettre de l’huile dans les rouages de notre société complexe.

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