Un enjeu vital: créer des entreprises à Bruxelles
La capitale est à la croisée des chemins. Les sujets de préoccupation sont nombreux, mais il est vital de miser sur les atouts pour stimuler l’entrepreneuriat, insistent les CEO de l’agence régionale. En tête de liste, l’innovation et la diversité.
La Région bruxelloise est à la croisée des chemins. Un budget dans le rouge, de lourds débats en matière de mobilité ou de sécurité, pour ne pas parler de la complexité institutionnelle : les temps sont incertains pour la capitale. Les élections du 9 juin dernier n’ont, en outre, pas rebattu les cartes de façon évidente, contrairement à la Wallonie ou la Flandre. La préoccupation des milieux économiques est réelle. L’Agence bruxelloise pour l’entrepreneuriat, hub.brussels, ne nie pas les problèmes, mais entend prolonger son œuvre de mise en mouvement des acteurs de la ville. En témoigne son bilan et son nouveau contrat de gestion, présentés à Trends-Tendances.
“Beaucoup de Brussels bashing”
“Il y a beaucoup de Brussels bashing, regrette Isabelle Grippa, CEO de hub.brussels, lorsqu’on l’interroge sur les lamentations régulièrement véhiculées par les médias. Notre capitale est moins bien perçue par les Belges que par les étrangers. L’attractivité de la ville est bonne, sa qualité de vie reconnue et les expatriés aiment y vivre. Ce n’est pas forcément le système fiscal qu’ils regardent… Même s’il y a un effort à faire en matière de propreté et de mobilité pour les quartiers commerçants.”
La capitale est en transition et ses mutations provoquent forcément des remous. “Entre ceux qui louent Bruxelles et ceux qui la vilipendent, la vérité est au milieu, dit-elle. Prenons le piétonnier du centre: il y a eu des drames parmi les commerçants, on ne peut pas faire semblant que cela n’existe pas. Mais le taux de commerces est resté stable. Prenons Good Move, l’accessibilité en voiture n’est pas aussi fondamentale qu’on le pense pour les commerces: une personne sur deux ne prend pas sa voiture pour faire des achats. En revanche, on n’a pas tenu compte du fait qu’un tiers des déplacements dans la ville concerne les livraisons. Mais j’ai cru comprendre que le plan Good Move était sur la table des négociations gouvernementales.”
Les entreprises qui menacent de quitter la ville, c’est bel et bien une réalité. Pas de doute. “C’est effectivement un point d’attention, reconnaît Isabelle Grippa. Mais nous sommes frustrés: lors de la campagne électorale, les chiffres qui ont été envoyés ça et là n’étaient pas toujours fiables. Je suis désolée de le dire, mais il n’y a pas de fuite des entreprises bruxelloises, c’est faux. Il y a 3.000 entreprises qui quittent chaque année vers la Flandre et la Wallonie, c’est vrai, mais on oublie de dire que 2.000 arrivent ! Ce ratio est resté stable et c’est le travail d’une capitale de créer des entreprises pour, une fois qu’elles grandissent, les voir partir.” C’est davantage encore le cas en ce qui concerne la Région bruxelloise, corsetée dans un carcan institutionnel étroit qui n’est pas en adéquation avec son hinterland socio-économique.
La capitale est en transition et ses mutations provoquent forcément des remous.
Signal d’alarme rouge vif néanmoins: le taux de création de nouvelles entreprises est en chute. “En général, on crée quelque 4.000 entreprises chaque année dans la Région, ce qui donne au final un solde positif, avance Isabelle Grippa. Mais c’est là le souci dernièrement: voilà ce sur quoi on doit travailler.”
“La diversité comme atout”
Il faut dépasser le Brussels bashing ! En attendant les nouvelles impulsions d’une majorité régionale qui ne sera pas facile à composer, hub.brussels trace son chemin, avec un bilan satisfaisant et un nouveau contrat de gestion pour les cinq années à venir. Objectif: miser sur les vrais atouts de la ville, qui n’est pas le désert économique dénoncé par certains. Et permettre, précisément, la création d’activités. En misant, avant tout, sur l’innovation et la diversité qui sont les atouts de cette ville-monde.
“Travailler sur la diversité pour stimuler notre économie, c’est un postulat qui est assumé par notre nouveau contrat de gestion, explique la CEO. Nous allons renforcer le soutien à l’identité culturelle des quartiers commerçants. Bruxelles doit pouvoir assumer l’histoire de ses différents visages comme c’est le cas à New York ou à Londres, des villes où cela cartonne. Chez nous, malheureusement, on le lisse ou on le masque.” Cela doit changer et cela va changer, insiste-t-elle.
“C’est nous qui sommes à la manœuvre du sauvetage du quartier Stalingrad, illustre Isabelle Grippa. Nous sommes très fiers parce que c’est une première et c’est un beau succès.” Au sud du cœur historique de la ville, cette zone a été fragilisée par le temps et par le chantier du métro, ravivé par la polémique autour du Palais du Midi. Il fallait réagir. “Nous avons rencontré les ministres bruxellois pour obtenir une politique d’aide de type covid pour maintenir les commerces sous perfusion durant la durée des travaux. Stalingrad fait partie de notre patrimoine collectif, mais nous devons aussi y stimuler l’identité culturelle. Nous sommes à côté de la gare du Midi, c’est un quartier stratégique, on ne peut se résoudre à ce qu’il devienne un no man’s land. Plus de 186 commerçants seront soutenus et nous gérerons 3 millions pour son identité.”
“Stimuler l’économie à impact”
De façon plus large, le nouveau contrat de gestion de hub.brussels, adopté juste avant la fin de la législature, fixe le cap pour les cinq années à venir et élargit le conseil d’administration aux partenaires sociaux. “Ce contrat de gestion confirme notre statut d’organisme d’intérêt public, souligne Annelore Isaac, l’autre CEO de hub.brussels. Nous ne sommes pas là pour faire de la concurrence au privé, nous sommes comme un médecin généraliste pour accompagner les entreprises. Nous sommes surtout là pour stimuler l’entrepreneuriat, ce qui est fondamental.” En insistant sur le soutien aux femmes, aux jeunes et aux personnes issues de la diversité.
“Il est fondamental de se spécialiser et de se différencier, insiste Isabelle Grippa. Nous sommes bons pour tous les secteurs à impact social et environnemental. C’est un état d’esprit qui change dans la ville et qui est assumé dans ce contrat de gestion: l’économie ne doit pas servir uniquement à donner des dividendes aux actionnaires, elle doit aussi servir à accélérer les changements positifs dans la société. Autant elle a pu contribuer à détruire le monde, autant elle peut aider à apporter des solutions innovatrices pour panser ses plaies.” Cet impact social et environnemental, c’est bel et bien la touche apportée par la majorité sortante PS-Ecolo-DéFi. Cela peut changer à la marge, reconnaissent les deux CEO, mais l’agence garde une autonomie importante.
Leitmotiv: les entreprises doivent être perçues comme des acteurs positifs de changement. “Nous ne sommes pas des donneurs de leçons, il n’y a pas une bonne et une mauvaise économie, s’empresse de préciser Isabelle Grippa. Que ce soit clair: après six années passées à ‘hub’, je suis persuadée que les solutions viendront de l’innovation entrepreneuriale. Nous devons nous renforcer en ce sens, car cela nous donne un avantage compétitif incroyable.”
Un travail de fond a été mené pour déterminer les secteurs prioritaires. “Pour nous, il s’agit d’un secteur qui apporte de la valeur ajoutée en ce qui concerne les créations d’emplois de qualité non délocalisables: c’est un gros critère. Le deuxième, c’est l’apport d’un impact positif pour la population et le territoire. Notre service R&D a travaillé avec des données objectivées. On arrive à un résultat enthousiasmant. En premier lieu vient l’industrie culturelle et créative. C’est déjà le deuxième secteur en termes de créations d’emplois et il fera partie intégrante de ceux que nous porterons à l’international.”
“L’industrie culturelle et créative, deuxième secteur en termes de créations d’emplois, fera partie intégrante de ceux que nous porterons à l’international.” – Isabelle Grippa
Deuxième secteur prioritaire: l’économie circulaire. “Non pas dans le sens de la réutilisation d’objets de seconde main, même si c’est très bien. Il s’agit de voir, à une autre échelle, comment réutiliser au mieux les matériaux dans le secteur de la construction, notamment. Le numérique et le digital sont également au cœur de notre stratégie, mais en tant que leviers pour trouver des solutions de durabilité. Mais qu’on ne s’y trompe pas: le commerce et l’horeca restent primordiaux. Ce sont des leviers cruciaux pour l’attractivité et le lien social.”
Bruxelles, la belle en souffrance, espère que le bashing pourra être surmonté, au service des habitants. Et pour convaincre les entrepreneurs de la qualité de son écosystème. Le travail commence. Nul doute que la future majorité régionale pourrait y ajouter son grain de sel. “Mais nous ne sommes pas dans une situation où tout pourrait exploser en fonction du nouveau ministre de tutelle”, se rassurent les CEO.
Le bilan de hub.brussels en quelques chiffres
Créée en 2018, l’Agence bruxelloise pour l’entrepreneuriat emploie 350 personnes et simplifie l’accompagnement des entreprises. “Nous sommes des pionniers et notre bilan positif donne une indication de la dynamique”, souligne Isabelle Grippa. Voici quelques données qui en témoignent, rassemblées par les responsables de l’agence.
• Chez hub.brussels, un conseil est donné toutes les 7 minutes.
• Tous les deux jours, une entreprise bruxelloise se créée.
• + 25% d’entreprises accompagnées par hub.brussels en 2023.
Accompagnementet conseil
• De 2019 à 2022, le nombre annuel d’accompagnements était assez stable touchant en moyenne 4.700 entreprises. En 2023, ce nombre a connu une augmentation massive en passant à + de 5.800 entreprises (+25%).
• 28.719 accompagnements à 14.766 entreprises accompagnées en 6 ans.
• + 101.495 conseils demandés et donnés en 6 ans dont la moitié pendant la période covid.
• La moyenne d’accompagnement par entreprise sur 6 ans est de 1,9: les entreprises qui font appel à l’agence reviennent pour des services supplémentaires. Le taux de satisfaction des bénéficiaires est de 86%.
Actions collectives
• Le nombre d’actions collectives sur 6 ans est de 2.826, pour 79.948 participants (non uniques puisque la même entreprise peut participer à plusieurs actions collectives chaque année).
Création d’entreprises
• 1.142 entreprises créées en 6 ans et 84 entreprises internationales accueillies en 6 ans.
• Incubateurs commerciaux : il y en avait un, ils sont désormais au nombre de six.
• Le taux de survie des entreprises créées soutenues est nettement supérieur à celui des entreprises non soutenues : +/- 28% à 5 ans, +/- 26% à 4 ans, +/- 19% à 3 ans, +/- 14% à 2 ans, +/- 7% à 1 an.
Création d’emplois
• En plus des emplois maintenus, on décompte 2.049 nouveaux emplois dans les entreprises soutenues en 6 ans.
Entreprises étrangères
• Les entreprises étrangères soutenues implantées entre 2018 et 2022 (le total 2023 n’est pas encore publié) représentent 22% du total des entreprises étrangères implantées sur la même période.
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