Un cadeau à 305 kilomètres/heure, mais qui l’a payé?

© Hans Lucas via AFP

Recevoir une Lamborghini en cadeau d’anniversaire n’est pas courant. Et moins encore, lorsque papa dirige une entreprise spécialisée en contrôle de trajets.

La nouvelle s’est bien évidemment propagée à toute vitesse avec, dans son sillage, la ques­tion de savoir si les automobilistes sanctionnés n’ont pas indirectement financé cet achat. Surnommé l’empereur de la signalisation, Glenn Janssens, patron de l’entreprise de signalisation routière Trafiroad, est plus souvent l’hôte de la presse people que de celle des affai­res. En cause : son style de vie flamboyant ainsi que sa liaison tumultueuse avec Ilse De Meulemeester, Miss Belgique 1994 et sixième lors du concours Miss Monde 1995, et la bataille pour la garde de l’enfant issu de cette union – Conrad est aujourd’hui âgé de 22 ans et, depuis son anniversaire, heureux conducteur d’un bolide d’un vert qui ne passe pas inaperçu et vaut près de 250.000 euros.

Appelé dès l’âge de 19 ans à rejoin­dre l’entreprise familiale en remplacement de son père malade, Glenn Janssens avait racheté les parts de ses oncles, avec qui il ne s’entendait guère. Seul maître à bord, il avait innové, notamment en remplaçant la peinture des panneaux de signalisation par l’apposition d’autocollants, et multiplié les acquisitions. L’ascension de la S.A. Janssens avait toutefois été stoppée net en 2007 en raison de soupçons de fraude fiscale et de corruption. Au terme d’une procédure interminable, le ministère public transigea, par crainte de la prescription selon les uns, par manque de preuves dures selon les autres. Douze des 13 personnes poursuivies passèrent un accord avec la justice. La société Janssens déboursa à cette occasion 435.000 euros, comme on peut le découvrir dans le rapport de gestion de l’exercice 2015, mais elle n’était pas quitte pour autant. Durant toute cette période, l’attention médiatique fut constante, à telle enseigne que cette même année, l’entreprise modifia son nom commercial en Trafiroad.

Les communes ne peuvent pas toujours sanctionner les “petits” excès de vitesse. D’où l’intervention d’un tiers, auquel chaque infraction constatée rapporterait 24 euros.


Trafiroad est aujourd’hui la principale société d’un groupe (G-Force) qui a réalisé en 2022 un chiffre d’affaires consolidé de 100 millions d’euros. Si, avec 200 panneaux, tous déclinables en neuf versions, la signalétique reste un des piliers de l’entreprise, la moitié du chiffre d’affaires est désormais assurée par des technologies intelligentes – songeons par exemple au déploiement dans notre pays, suite aux attentats de novembre 2015 à Paris, d’un “bouclier de caméras ANPR” (Automatic Number Plate Recognition) attribué en janvier 2018 à l’association momentanée TV Proximus Trafiroad.

Et, plus récemment, à l’autorisation accordée par la ministre de la Mobilité Lydia Peeters (Open Vld) aux municipalités de conclure avec le secteur privé des partenariats visant à sanctionner les “petits” excès de vitesse dans les zones où celle-ci est limitée à 30 ou 50 km/h. Souvent en effet, les communes ne disposent pas des moyens, matériels ou humains nécessaires pour y procéder elles-mêmes. D’où l’intervention d’un tiers auquel, selon les calculs de l’Association de Villes et Communes flamandes (VVSG), chaque infraction constatée dans ce cadre rapporte 24 euros. Les communes, de leur côté, sont libres d’investir les sommes qui leur reviennent dans ce qu’elles veulent – une piscine, par exemple -, de sorte que certaines caméras sont peut-être plus budgétaires que sécuritaires.

Guillaume Capron

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