Umicore met ses batteries à zéro

L’ACTION ­UMICORE peut-elle se redresser ? © Belga
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Umicore, le spécialiste des matériaux avancés et du recyclage, accuse au premier semestre une perte de près de 1,5 milliard d’euros, en raison de l’échec avoué de son projet d’investissement dans les batteries pour véhicules électriques.

Le groupe Umicore a décidé de passer au bleu ses investissements ambitieux dans les batteries. Résultat, il accuse au premier semestre une énorme perte de 1,47 milliard d’euros,  qui est la conséquence d’une dépréciation accélérée, d’un montant de 1,6 milliard, de ses investissements dans les batteries pour véhicules électriques.

Pari perdu

Umicore avait en effet nourri de grandes ambitions dans l’électrification du parc automobile, mais a dû revoir nettement ses ambitions en raison de deux éléments : d’une part un engouement bien moins important et moins rapide que prévu pour les voitures électriques, et d’autre part, la concurrence entre les batteries NMC (Nickel-Manganèse-Cobalt), plus faciles à recycler, avec une meilleure capacité énergétique, mais plus chères, et les batteries LFP (Lithium-Fer-Phosphate), moins chères, qui sont utilisées dans les véhicules électriques meilleur marché. Umicore avait fait le pari des batteries NMC, pari perdu.

« Depuis quelques mois, les projections de croissance à court et moyen terme pour le marché des véhicules électriques ont été considérablement revues à la baisse, ce qui a eu un impact significatif sur l’activité Battery Materials d’Umicore. Aujourd’hui, nous partageons les éléments sur la manière dont nous nous adaptons à cette nouvelle réalité. L’importante dépréciation de nos actifs Battery Materials est douloureuse et reflète l’évolution de la situation telle que nous la percevons aujourd’hui», déclare  Bart Sap, CEO d’Umicore.

Umicore annonce donc avoir « développé un scénario pour réaligner ses opérations sur la nouvelle réalité du marché » pour sa division batterie (Battery Materials) , et « dans ce scénario, Umicore prévoit que l’EBIT (le résultat opérationnel, avant charges financières et impôt, NDLR) de Battery Materials restera en dessous du seuil de rentabilité en 2025 et 2026, et que des rendements supérieurs au coût du capital seront atteints dans les dernières années de cette décennie ». En résumé, la division batterie, qui devait être la vache à lait du groupe pour cette décennie, ne va plus délivrer grand-chose.

Moins 50% sur un an

Une opération vérité qui, à vrai dire, était attendue par les analystes et le marché : l’action Umicore a en effet perdu 50% sur un an. « Nous accueillons positivement le fait qu’Umicore revoie à la baisse ses ambitions dans le domaine des matériaux pour batteries et adopte un point de vue plus réaliste, commente Frank Claassen, senior analyst auprès de Degroof Petercam. Nous avons toujours eu une vision prudente des investissements de plusieurs milliards d’Umicore dans Battery Materials, estimant que les rendements ne sont pas suffisamment attrayants compte tenu d’une feuille de route incertaine en ce qui concerne la pénétration des véhicules électriques, la montée en puissance de la production, les développements technologiques (NMC vs LFP ?) et l’environnement concurrentiel. La dépréciation de 1,6 milliard d’euros est douloureuse, mais elle n’est pas totalement inattendue après toutes ces nouvelles négatives. Son ampleur est toutefois assez impressionnante ».

Mauvais cheval ?

« La question reste de savoir si Umicore a misé sur le mauvais cheval avec ses cathodes en NMC au lieu du LFP, ajoute l’analyste. Le NMC présente les avantages d’une densité énergétique et d’une recyclabilité plus élevées, mais le LFP est moins coûteux. Il est indéniable que le LFP a gagné plus de terrain qu’on ne le pensait dans les segments de volume à bas prix. En outre, les équipementiers automobiles hésitent davantage à utiliser les NMC, et certains envisagent de passer au LFP pour certaines de leurs usines. Le risque existe que les NMC ne deviennent qu’une niche au lieu d’un segment de marché de masse et qu’une surcapacité se profile à l’horizon », prévient Frank Claassen.

Sans cette opération vérité, les autres divisions du groupe (recyclage de métaux, pots catalytiques et matériaux avancés), continuent de bien fonctionner. Umicore affiche au terme du premier semestre un chiffre d’affaires de 7,4 milliards d’euros (contre 10 milliards au premier semestre 2023), avec un EBITDA (revenu opérationnel avant intérêt, impôts et dépréciation et amortissements) de 393 millions (contre 519 millions pour le premier semestre 2023). Des chiffres un peu en dessous des prévisions des analystes, cependant.

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