Tom Schoors, managing partner de A&O Shearman Belgium: “La fusion avec Shearman nous permet d’offrir un service intégré au niveau mondial”

Tom Schoors
Tom Schoors © D.R.
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Voici quelques semaines, le grand cabinet d’avocats Allen & Overy, situé à Londres, a fusionné avec Shearman & Sterling, situé à New York.

A&O Shearman intègre le top 3 des cabinets internationaux : la plateforme affiche un chiffre d’affaires de plus de 3.5 milliards de dollars, a des bureaux dans une trentaine de pays et emploie 4.000 avocats, avec un total de 800 associés. En Belgique, A&O Shearman compte 22 associés, et 110 avocats.

Quel est l’impact de ce rapprochement pour les bureaux de Bruxelles et Anvers ? C’est ce que nous avons demandé à Tom Schoors, Managing Partner de A&O Shearman Belgium.

Pourquoi cette fusion ?

La raison principale est d’accroitre notre présence aux Etats-Unis, un pays où A&O avait encore une présence relativement modeste. Nous avons désormais une plateforme crédible et importante aux États-Unis avec un nom, une marque qui dans ce pays a un impact plus important que celui de A&O, qui était un nom perçu comme britannique.

Que change cette opération pour vous et vos clients belges?

L’impact de la fusion se fait surtout sentir aux États-Unis. Mais ce n’est pas sans incidence en Belgique.

D’abord en raison de la dynamique que cela nous apporte. Dans un monde et dans un secteur juridique qui évoluent tellement vite, en raison notamment de l’intelligence artificielle, rester immobile n’est pas une option. Par ailleurs, cette fusion nous permet d’offrir un service intégré au niveau mondial, ce qui est très important pour nous. Il est difficile de trouver des entreprises d’une certaine taille qui n’ont aucun lien avec les États-Unis ou le Moyen-Orient, … Dans notre clientèle typique, un business belgo-belge n’existe guère.

Pour nous, cette fusion avec Shearman & Sterling va également nous permettre de nous renforcer dans le droit de la concurrence. La présence des institutions européennes à Bruxelles a pour conséquence que de très grands cabinets américains, qui ne sont nulle part en Europe, ouvrent néanmoins un petit cabinet à Bruxelles dans le domaine du droit de la concurrence. C’était le cas chez Shearman & Sterling. Et c’est un domaine dans lequel nous souhaitons nous développer encore plus.

Je pense que la fusion des deux cabinets nous offre aussi la possibilité d’établir des relations avec des nouveaux clients. C’est amusant, parce que ce que nous découvrons à l’occasion de certaines discussions avec nos clients, c’est que ces derniers travaillaient déjà régulièrement avec Shearman & Sterling aux Etats-Unis. Cette combinaison nous permet donc de renforcer nos relations avec nos clients. Tout cela en restant un cabinet intégré. Nous ne sommes pas une franchise. Cela signifie que tout le monde a un intérêt aligné.

Et quelle est la différence entre « franchisé » et « intégré »?

La différence est qu’avec les franchises, chaque cabinet domestique travaille pour son propre compte. Un exemple : dans un système de franchises, certains pourraient être incités à tirer un dossier vers eux en disant : il y a dans ce dossier des aspects de droit américain, ou des aspects de droit anglais…Va-t-on ouvrir le dossier à Londres ou à New York ? Par contre, quand on parle d’un cabinet intégré, cette question perd son importance. D’ailleurs, il ne s’agit pas uniquement d’un élément financier. Cela signifie aussi qu’il existe une collaboration renforcée entre des bureaux établis dans des juridictions différentes. Comme notre but commun est de réaliser le meilleur résultat pour nos clients, peu importe que le dossier soit ouvert en Belgique, à Paris ou à New York.

Comment êtes-vous structurés ?

Nous avons d’une part des « Practice Groups » : droit des sociétés, litige, la fiscalité …. Et d’autre part, nous avons des spécialistes des secteurs : Private Capital, Technology, Energy… Cette structure nous permet de bien collaborer. Par exemple, j’ai fait pas mal de dossiers dans le secteur de l’énergie. Je m’occupe beaucoup des éoliennes offshore. Mais je ne suis pas un spécialiste en droit financier. Je collabore donc régulièrement avec mes collègues spécialistes du monde bancaire. Cette interaction entre les groupes d’une part et les secteurs d’autre part fonctionne très bien.

Vous parliez d’un monde en mutation. Comment se concrétise l’arrivée de l’IA et du « legal tech » chez vous?

L’IA ne va pas remplacer l’avocat, enfin pas tout de suite : nous ne savons pas ce que l’avenir nous apportera. Mais aujourd’hui déjà, l’innovation dans le secteur juridique est primordiale. Je suis convaincu que le cabinet qui est « front runner », qui fait la course en tête, va gagner du terrain. Avant la concrétisation de la fusion, Allen & Overy avait déjà lancé Harvey, une plateforme legaltech basée sur une version améliorée et spécialement taillée pour le monde juridique des modèles GPT de OpenAI. C’est une IA que nous utilisons déjà tous les jours dans notre cabinet. Elle ne résout évidemment pas tous les problèmes des clients, mais elle supporte notre travail et nous permet de travailler de manière beaucoup plus efficace.

Comment, par exemple?

En nourrissant le système de certaines informations et certains paramètres, on peut lui demander de réaliser des présentations, de faire des résumés sur un sujet. Je suis un « litigator », un spécialiste des litiges. Nous avons des documents qui proviennent de la partie adverse, et nous pouvons demander au système d’en faire un résumé. Mais cela va plus loin. Nous avons un produit qui s’appelle ContractMatrix, un système développé avec Harvey et Microsoft, et qui est notre propriété. Et ce produit est spectaculaire. Il effectue une relecture totale des contrats (on parle de contrats de centaines de pages) et on peut l’interroger sur des sujets très précis. Nous avons la réponse immédiatement. Il peut aussi faire des propositions en vue de modifier certaines clauses afin qu’elles soient plus favorables à l’une ou l’autre partie.

Et pour nous, l’atout le plus important sont les « librairies », qui contiennent tous les précédents qui ont été traités par le cabinet. Le système peut y aller chercher des précédents. C’est assez impressionnant.

Évidemment, il faut un peu de temps au début pour maitriser le système. Mais une fois que l’on s’est familiarisé, il nous permet de gagner énormément de temps. Et je suis convaincu que ce n’est que le début.

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