Tesla, cahots passagers ou prémices d’un crash commercial?

Le constructeur automobile Tesla traverse une période chahutée par la collaboration de son patron et fondateur Elon Musk avec le président américain Donald Trump mais aussi du fait d’une concurrence accrue et d’une gamme restreinte.
Le temps où la marque caracolait en tête des ventes mondiales de véhicules tout électriques est révolu.
Elle est talonnée de très près par le groupe chinois BYD qui, en 2024, a en vendu 1,76 million (+12% sur un an) quand Tesla en a écoulé 1,79 million (-1%).
Le chiffre d’affaires de BYD, qui fait aussi de l’hybride, a en revanche dépassé celui de Tesla (107,2 milliards de dollars contre 97,7 milliards).
Elon Musk s’est néanmoins montré confiant fin janvier, affirmant que 2025 serait la “meilleure année de l’histoire de Tesla”.
Mais le groupe pâtit de son implication dans l’administration Trump.
Tesla “s’est éloigné” de sa prévision initiale d’une hausse des ventes de 20% à 30% en 2025, selon Garrett Nelson, analyste de CFRA Research, anticipant un recul de 5% “mais ce pourrait être beaucoup plus”.
Les immatriculations de Tesla ont baissé de 49% sur un an en janvier et février dans l’Union européenne.
Les nids-de-poule
Aux Etats-Unis mais aussi en France ou en Allemagne, des boutiques, des stations de recharge ou des véhicules Tesla ont été vandalisés et des manifestations organisées.
Les participants critiquent l’ingérence de Musk dans les affaires de l’Etat américain ou d’autres pays, de l’Afrique du Sud à la Roumanie, affirment que “Tesla finance le fascisme” (pancarte à New York) et appellent au boycott.
Un incendie volontaire en mars 2024 a arrêté la production de son usine d’Allemagne, où Elon Musk est très critiqué notamment pour son soutien au parti d’extrême droite AfD lors des législatives.
Son salut hitlérien présumé lors de l’investiture de Donald Trump a été décrié.
“La plus grosse inquiétude actuellement, c’est la valeur de la marque”, explique M. Nelson. “Et Elon Musk, c’est le visage de Tesla”.
“Choisir un camp, que ce soit républicain ou démocrate, ça peut faire beaucoup de dégâts” à une entreprise, ajoute-t-il, pointant la “chute dramatique” de l’action en Bourse, qui a perdu plus d’un tiers de sa valeur depuis le début de l’année, après un creux à -42% début mars.
Insistant sur sa grande volatilité – c’est la huitième fois qu’elle perd plus de 40% depuis 2018 -, Garrett Nelson affirme qu’elle “a toujours rebondi vers des records”. “Seul le temps dira si c’est différent cette fois”, relève-t-il.
Mais Tesla souffre également car sa gamme grand public inchangée depuis le Model Y en 2020.
“Manque d’innovation, manque de nouveaux modèles. C’est la raison pour laquelle Tesla a perdu des parts de marché en Chine”, estime Garrett Nelson, qualifiant de “très décevantes” les ventes du Cybertruck.
Ce pick-up, sorti fin 2023 après plusieurs années de retard, est miné par les rappels. Le dernier, le 20 mars, concerne la totalité des 46.096 exemplaires en circulation car des panneaux de carrosserie risquent de se décoller.
Le véhicule à bas coût, promis de longue date, se fait toujours attendre.
En avril 2024, déjà en difficultés, Tesla a lancé le licenciement de 10% des 140.000 employés.
Les voies d’échappatoire
Le salut de la marque pourrait venir de la conduite entièrement autonome (FSD) où elle a un “gros avantage” et qui représente une “opportunité énorme” avec un marché mondial estimé à 5.000 milliards de dollars, relève Garrett Nelson.
Selon lui, Tesla est mieux positionné que Waymo (Google), dont le robotaxi circule depuis 2010 dans plusieurs villes américaines, alors que le Cybercab – présenté en octobre – ne doit commencer qu’en juin, à Austin.
L’administration Trump prépare un “nouveau cadre réglementaire fédéral” sur le FSD et a commencé à réduire les aides pour la transition énergétique, ce qui devrait avantager Tesla.
Le contexte politique lui a permis d’attirer une nouvelle clientèle mais cela ne devrait pas compenser le volume des déçus.
Pour Garrett Nelson, Tesla et Elon Musk bénéficient d’une “loyauté” sans faille des actionnaires mais, pour les rassurer, il conviendrait de nommer une sorte d’adjoint opérationnel au milliardaire.
“Il passe actuellement la plupart de son temps à Washington. Il est moins dans la gestion quotidienne à une période cruciale pour Tesla”, estime-t-il.