Technifutur, un centre de compétences au service du développement régional
Après 28 années passées chez Agoria, dont les huit dernières en tant que directeur Wallonie, Thierry Castagne entame une nouvelle aventure en reprenant les rênes de Technifutur. L’occasion de présenter le premier des 25 centres de compétences actifs en Wallonie.
La boucle est bouclée. Thierry Castagne revient à ses anciennes amours. ” C’est un peu vrai, reconnaît-il. A mes débuts en 1990 chez Agoria, qui s’appelait encore Fabrimétal à l’époque, j’ai participé à la création du centre de compétences Technifutur. C’était en tant que jeune conseiller en charge de l’emploi et de la formation. J’y reviens désormais dans une fonction opérationnelle. Certains blaguent en disant que je suis passé du ministère de la parole au ministère de l’action. ” Un changement qui n’est pas pour déplaire à ce fin connaisseur du tissu économique wallon. Au fil de ses 28 années passées au sein de la fédération des entreprises de l’industrie technologique, il a développé un précieux réseau qui lui sera fort utile dans ses nouvelles fonctions de CEO où il succède à Noël Scherer.
Avenue de la technologie
Implantée dans le parc scientifique du Sart Tilman, Technifutur est une ASBL créée en 1991 via un partenariat public-privé entre Agoria, les syndicats, le Forem et l’ULiège. Des 25 centres de compétences que compte la Wallonie, cette structure, la première de ce type à avoir été créée dans la Région, est également aujourd’hui la première en termes d’activité. Son core business ? La formation. Et elle s’inscrit dans un écosystème très naturel. ” Pour créer et développer une entreprise, vous devez avoir des hommes et des femmes formés, qualifiés et motivés, de la recherche et de l’innovation, et des structures pour lancer les nouveaux produits et services sur le marché, explique Thierry Castagne. Voilà pourquoi, dans l’environnement d’Agoria, nous avons toujours eu trois piliers. D’abord, la formation et les compétences symbolisées par Technifutur ainsi que les autres centres de compétences. Ensuite, l’innovation et la R&D avec Sirris. Enfin, le business development avec les pôles de compétitivité – principalement, en ce qui nous concerne, le génie mécanique avec MecaTech, mais nous travaillons également avec les autres pôles. ”
Outil créé pour former et fournir les compétences utiles au développement socio-économique régional, Technifutur constitue la base de cette chaîne entrepreneuriale. Un écosystème que l’on retrouve également physiquement rue Bois-Saint-Jean où est localisé le centre de compétences et que ” l’on pourrait rebaptiser avenue de la Technologie, de l’Innovation et des Compétences, sourit Thierry Castagne. Outre Technifutur, le site accueille entre autres rien moins que Sirris, Eurogentec, EVS ou encore Technord. ” En un peu moins de 30 ans, Technifutur a remarquablement évolué et compte aujourd’hui une centaine de personnes pour un budget en 2019 de l’ordre de 19 millions d’euros. ” C’est une belle réussite, poursuit le nouvel administrateur délégué. En 1991, lancer une formation en technologie était disruptif. Et aujourd’hui encore, on vient du monde entier voir comment cela fonctionne. Au début, ce n’était pas nécessairement évident de faire travailler ensemble des acteurs comme le Forem et l’ULiège, qui s’adressent à des publics différents. Pourtant, aujourd’hui, lorsque l’on se retrouve autour de la table, difficile de coller une étiquette sur les personnes. Nous travaillons tous ensemble et avec nos partenaires. ”
Au service des clients
Technifutur s’adresse à deux types de clients : les entreprises et les stagiaires. Les premières sont au nombre de 800 et recouvrent tous les secteurs (privé, public et non-marchand). Les seconds (16.000) sont les travailleurs, les demandeurs d’emploi, les élèves et les enseignants (200 écoles). Les entreprises sont pour l’essentiel wallonnes mais il arrive régulièrement que l’une ou l’autre société bruxelloise ou flamande, voire néerlandaise ou allemande, vienne trouver son bonheur sur les hauteurs de Liège. ” Ce qui est intéressant, c’est que les différents publics ont l’occasion de se rencontrer et de se mélanger, ajoute Thierry Castagne. On assiste à un vrai décloisonnement, qui n’existait pas avant la création de Technifutur. ”
Si la formation est l’essence-même du centre, les services qu’il propose sont bien plus larges et évidemment adaptés à chacun de ces différents publics. Premier et non des moindres car il peut susciter nombre de vocations : la sensibilisation à la technologie au travers de l’éducation. Un service prodigué aux écoles mais également via des séminaires – une quarantaine sont organisés bon an mal an – ainsi que des salons. A cette fin, Technifutur est d’ailleurs de plus en plus présent sur les réseaux sociaux. Autre activité : la sélection – un quart du personnel de Technifutur est composé de personnes détachées du Forem. Ils proposent aux demandeurs d’emploi des bilans de compétences, et notamment des essais-métiers ainsi que des remises à niveau. A noter que la formation proprement dite peut être réalisée sur site mais également via e-learning.
Technifutur travaille par ailleurs de plus en plus à la demande des entreprises qui souhaitent des formations sur mesure. ” Pour nombre de sociétés, parmi les défis qui se profilent à l’horizon, figure le transfert de compétences et la transmission aux plus jeunes, nécessités par le départ à la retraite des collaborateurs les plus âgés, explique Thierry Castagne. Nous travaillons également sur la validation de compétences. Il arrive régulièrement qu’un travailleur puisse exciper d’une expérience de 20 ans sans pour autant avoir le diplôme. L’opportunité lui est ici offerte de valider son expérience et ses acquis. ” Des stages pour les demandeurs d’emploi mais également pour les étudiants sont également régulièrement mis en place.
Technifutur dispense 400 formations sur catalogue ou sur mesure dans 17 domaines d’activités répartis sur sept pôles.
Lutte contre la pénurie d’emplois
Technifutur dispense 400 formations sur catalogue ou sur mesure dans 17 domaines d’activités répartis dans sept pôles : assemblage, productique, microtechnologies, mécatronique, maintenance, TIC-numérique et automobilité. Technifutur vient récemment d’acquérir le centre de compétences automobiles du campus de Francorchamps qui forme les techniciens de l’automobile, des sports moteur, des écotechnologies et de l’industrie. Parmi les priorités de Technifutur figure la lutte contre les pénuries dans certains métiers. ” Quand on interroge les industriels aujourd’hui, explique Thierry Castagne, on constate que leur première préoccupation, outre les problèmes de compétitivité salariale et énergétique, c’est de trouver du personnel compétent. Dans ce cadre, on a mis en oeuvre avec le ministre de l’Economie, Pierre-Yves Jeholet, des actions de formation additionnelles à celles que l’on organise habituellement pour les demandeurs d’emploi. On a par exemple 32 stagiaires en plus par an en usinage (premier métier en pénurie), 24 en codage informatique et 28 en électromécanique. ”
On l’a dit, une autre activité importante du centre de compétences est l’action qu’il mène à destination des écoles en vue de faire découvrir aux plus jeunes la technologie sous toutes ses facettes. Au travers de Technikids pour les enfants de 9 à 12 ans et Techniteens pour les adolescents, ce ne sont pas moins de 4.000 élèves qui vienchaque année chez Technifutur. Technikids concerne les écoles mais également les entreprises pour les enfants du personnel. Des entreprises comme CMI et NRB y ont déjà participé. ” Les enfants programment des robots, puis passent à des machines-outils en commande numérique, effectuent des petites manipulations. Il faut voir les sourires des enfants quand ils sortent après la journée qu’ils ont passée chez nous “, ajoute Thierry Castagne.
Industrie 4.0
Le 13 décembre dernier, le gouvernement wallon a approuvé la mise en place de deux démonstrateurs 4.0, l’un dédié au secteur de la construction et l’autre aux PME industrielles. Ces deux démonstrateurs s’inscrivent dans l’esprit de la stratégie Digital Wallonia 2019-2024. Un projet qui tient Thierry Castagne à coeur, d’autant qu’il était déjà aux prémices de l’industrie 4.0. ” Avec Agoria, nous avions lancé en 2012 Factories of the Future en collaboration avec les centres de compétences Technocampus et Technifutur, Sirris et le pôle MecaTech. En 2017, nous avons créé avec Digital Wallonia, le volet Digital Wallonia Made Different qui s’occupe de l’industrie du futur. Aujourd’hui, avec cette décision du gouvernement wallon, nous allons pouvoir disposer d’un démonstrateur en Wallonie, c’est-à-dire une plateforme de sensibilisation à l’industrie 4.0 destinée tant aux entreprises qu’aux demandeurs d’emplois et aux écoles. Cet outil n’est pas seulement destiné à la formation mais permettra également aux entreprises de voir en quoi consiste l’industrie 4.0 et ainsi estimer si cela vaut la peine pour elles d’y investir. ”
” Il sera logé pour partie dans le Hainaut, chez Technocampus, et pour partie chez Technifutur, avec un investissement Feder (Fonds européen de développement régional) de 450.000 euros. Le jumeau de ce démonstrateur sera installé au Val Benoit au service de l’enseignement supérieur, et il sera connecté avec celui de Technifutur. C’est vraiment un projet ambitieux qui est lancé avec des investissements complémentaires réalisés à Charleroi et Liège. ”
Les chiffres clés
- Technifutur a plus que doublé son budget en l’espace de 10 ans, de 8 à 18,8 millions d’euros dont 30% proviennent du privé entreprises et fonds sectoriels) et 70% du public (Wallonie, Forem, FSE et Feder) pour les heures prestées pour les demandeurs d’emploi.
- Le centre dispense 400 formations sur catalogue ou sur mesure dans 17 domaines d’activités.
- Il occupe une centaine de personnes dont 75 sur payroll (35 formateurs) et 25 détachés (Forem et enseignement).
- Il fait appel à plus de 250 formateurs externes qui représentent au total l’équivalent de 35 équivalents temps plein.
- Ses formations concernent 16.000 personnes par an et représentent un volume de 800.000 heures d’activité.
- Le taux d’insertion des demandeurs d’emploi passés par Technifutur est de 78% et proche de 100% pour les métiers en pénurie.
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