Xavier Lombard (Leexi): “J’ai refusé un million d’euros pour ma start-up!”

Une histoire familiale. L’équipe à la tête de Leexi, formée par Xavier Lombard, sa femme et ses deux fils, a préféré, à ce stade, se préserver de toute interférence d’investisseurs extérieurs. © PG
Christophe Charlot
Christophe Charlot Journaliste

Courtisé par plusieurs fonds désireux d’investir dans son entreprise Leexi spécialisée en intelligence artificielle, Xavier Lombard explique pourquoi l’offre à un million mise sur la table par un célèbre fonds flamand ne l’a pas convaincu d’ouvrir son capital.

Se voir proposer un million d’euros par un célèbre fonds flamand pour développer sa start-up. Mais le refuser. Voilà un cas de figure plutôt rare sur la scène tech. Les jeunes pousses sont généralement habituées à courir après les fonds pour assurer leur croissance. C’est pourtant la décision qu’a prise Xavier Lombard, le patron de la start-up bruxelloise Leexi, spécialisée en intelligence artificielle.

Au mois de décembre passé, le fondateur de Leexi a reçu une proposition concrète et alléchante d’un des deux fonds flamands les plus en vue sur le créneau de la tech. “On nous a fait une offre d’investissement au capital de 1 million d’euros pour 7,5% du capital”, confirme Xavier Lombard. Un investissement qui se serait fait en deux fois. Etil aurait permis à Leexi d’être valorisée entre 12 et 15 millions d’euros. Pour une jeune pousse comme elle, ça pouvait s’envisager. Pourtant, Xavier Lombard n’a pas accepté.

“Il y a un an, nous pensions qu’il était indispensable de réaliser des augmentations de capital régulières”, confie Xavier Lombard, qui en est à sa troisième start-up tech. À l’époque, comme beaucoup de start-up en pleine croissance, Leexi voyait dans le financement externe une opportunité de soutenir sa R&D, de recruter et d’accroître sa trésorerie. Mais aussi de rémunérer ses fondateurs, qui ne se sont pas payés pendant les deux premières années d’activité.

Au démarrage de Leexi, qui propose une solution d’IA pour retranscrire et décrypter intelligemment les réunions d’équipe (compte-rendu, résumé, préparation de to-do). Pas mal d’observateurs laissaient penser que le défi serait compliqué et que des fonds aideraient à tenir. “On nous disait qu’il y avait trop de concurrence, que la barrière à l’entrée était trop faible face aux géants américains. Aujourd’hui, nous avons renversé les pronostics”, assure le CEO.

Leexi, rentable et en forte croissance

La dynamique a, de fait, bien changé. Leexi génère aujourd’hui un chiffre d’affaires récurrent en très forte augmentation : la firme vise 4 millions d’euros de revenus annuels d’ici la fin de l’année. Du coup, la start-up belge est courtisée par des fonds. “Depuis six mois, les fonds d’investissement nous contactent régulièrement. Qu’ils soient français, belges, américains ou britanniques, ils se montrent intéressés à entrer dans l’aventure.”

Cela n’a rien d’étonnant : Leexi se trouve sur l’un des créneaux les plus “hot” de la tech aujourd’hui. Un créneau dans lequel les investisseurs, partout dans le monde, continuent de croire. Et la firme fait parler d’elle dans le microcosme. Son produit séduit et bénéficie d’un certain bouche à oreille. Le “bot” de Leexi, qui enregistre les réunions Teams avant de les décrypter, apparaît de manière très visible à l’écran de toutes les réunions des utilisateurs. Que ce soit en interne ou en externe. De quoi susciter la curiosité.

Face aux demandes régulières, Xavier Lombard a souvent accepté d’écouter les propositions. Notamment celle de Volta Ventures, l’un des fonds d’investissement flamands les plus en vue dans le numérique belge, qui est venu frapper à sa porte. “Ils ont construit un excellent produit avec une bonne intégration et une forte traction commerciale, expliquent Koen De Waele et Frank Maene, associés de Volta Ventures. Par conséquent, un investissement dans Leexi pourrait être intéressant pour nous car ils sont positionnés sur un marché de grande envergure avec une forte dynamique, et ils sont dirigés par une équipe expérimentée.”

Le fonds aurait été prêt à injecter un montant de l’ordre de 1 million d’euros contre environ 7,5% du capital. Un deal intéressant sur le papier, mais que les fondateurs de Leexi ont quand même refusé. “Xavier souhaite continuer à autofinancer”, observent les responsables de Volta Ventures.

Contrairement à de nombreuses start-up qui lèvent des fonds pour survivre ou financer leur hypercroissance, Leexi affiche une trésorerie saine et un cash-flow positif.

Pas les meilleurs, mais la meilleure équipe

Pourquoi ? D’abord, parce que l’entreprise est rentable. Contrairement à de nombreuses start-up qui lèvent des fonds pour survivre ou financer leur hypercroissance, Leexi affiche une trésorerie saine et un cash-flow positif. “Nous embauchons des développeurs et des commerciaux sans avoir besoin d’investisseurs”, précise le fondateur. Et même s’il est communément admis qu’une levée de fonds reste préférable quand la boîte n’a pas besoin d’argent (pour obtenir de meilleures conditions), Xavier Lombard maintient que cette période faste devrait encore durer.

Surtout qu’à retarder une éventuelle levée de fonds, cela permettrait à la jeune pousse de continuer sa croissance. Cela lui permet donc d’obtenir une meilleure valorisation et de minimiser la dilution. “Sans oublier que pas mal d’entrepreneurs préfèrent rester maîtres chez eux plutôt que de lever un million d’euros qui pourraient ne pas changer tellement les choses, glisse un observateur du financement tech. Pourquoi s’ennuyer à ouvrir le capital, à ce montant, si ce n’est pas nécessaire. À trois ou quatre millions, cela aurait sans doute été différent.”

Xavier Lombard refuse surtout, dit-il, d’être incité par des fonds à investir massivement sur la croissance et de perdre la rentabilité au profit d’une croissance trop rapide. “Il est très difficile de passer d’un modèle déficitaire à un modèle rentable après avoir pris l’habitude de perdre de l’argent et de faire appel, systématiquement, aux investisseurs”, affirme le dirigeant.

Conserver un management resserré

Ensuite, à côté de l’aspect financier, un facteur “émotionnel” a pesé lourd dans la balance. L’équipe dirigeante de Leexi, formée par la famille du dirigeant (son épouse et deux de ses enfants), tient à garder un management resserré, sans interférence d’investisseurs extérieurs. “On ne veut pas de managers parachutés par les fonds. Ils pourraient nuire à notre culture d’entreprise”, explique Xavier Lombard, qui se souvient avoir vécu ces situations par le passé. Surtout qu’une des particularités de Leexi réside, d’après son boss, dans son approche atypique du recrutement. “Nous ne recrutons pas forcément les meilleurs profils IT ou commerciaux. Mais ceux qui s’intègrent parfaitement à notre équipe, insiste le CEO. Cette vision, tout le monde la trouve géniale, mais tout le monde ne va pas forcément la cautionner.”

Pour Xavier Lombard, même si elle n’a pas été la plus facile à prendre, la décision de refuser des fonds était la bonne. Mais il se dit “loin de fermer la porte aux investisseurs. Nous restons en contact. Leexi pourrait lever en étant plus mature dans son développement autofinancé”. À ce titre, l’évolution de la start-up dans les prochains mois sera déterminante. Entre nouveaux contrats avec de grands groupes, nouveaux développements technologiques ou encore engagement des talents, les défis sont nombreux. Sans oublier le marché : “Un point d’attention serait cependant la concurrence intense et le risque d’un outil horizontal face à des outils verticaux spécialisés”, notent les responsables de Volta Ventures.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content