Resona.now, l’IA belge qui interroge oralement vos clients et vos équipes

La start-up belge Resona.now, encore à ses tout débuts, dispose déjà d’un produit étonnant : la capacité à réaliser des interviews entièrement automatisées via l’IA. © Getty Images
Christophe Charlot
Christophe Charlot Journaliste

Après Bsit et Urbantz, Dimitri De Boose se lance dans un nouveau pari : Resona.now. Cette jeune start-up encore en gestation veut révolutionner les enquêtes qualitatives grâce à un surprenant agent conversationnel vocal alimenté par l’intelligence artificielle.

“Ce que je construis aujourd’hui, j’y pensais déjà il y a 15 ans.” Lorsqu’il évoque Resona.now, son nouveau projet, Dimitri De Boose (autrefois CEO et cofondateur de Bsit, et cofondateur de la scale-up bruxelloise Urbantz) parle d’un aboutissement logique et du bon timing, à l’heure où les innovations en matière d’intelligence artificielle et de compréhension vocale se rejoignent.

Si elle n’en est qu’à ses tout débuts, sa start-up (encore en création !) dispose déjà d’un produit étonnant : la capacité à réaliser des interviews entièrement automatisées avec l’intelligence artificielle ! Plus besoin, pour une boîte qui veut interroger sa cible, de prévoir des heures d’entretiens qualitatifs : l’IA s’en charge. La proposition de Resona.now ? Permettre à n’importe quelle organisation de créer un agent conversationnel vocal capable d’interviewer automatiquement ses publics (clients, collaborateurs…) pour obtenir une compréhension qualitative sur n’importe quel thème. Et cela, de manière aussi riche que via de traditionnels sondages.

“Aujourd’hui, quand on veut comprendre des gens ou des comportements à grande échelle, on envoie un formulaire avec une série de questions fermées. Toutefois, non seulement, cela ne capte pas d’explications détaillées, mais en plus, cela ennuie la plupart des gens”, détaille Dimitri De Boose. D’où sa volonté de créer un outil qui allie “la profondeur d’une interview humaine et l’échelle d’un formulaire”.

Fonctionnement très simple

Concrètement donc, une IA intervieweuse… Cela fonctionne de manière assez simple : les personnes cibles dont on veut obtenir l’avis reçoivent un lien sur lequel elles cliquent, choisissent la langue de l’entretien, puis entament une discussion vocale avec une IA. Le système enregistre les réponses, transcrit, analyse.

Cette approche a séduit de premiers clients pour des phases pilotes, comme la scale-up de crowdlending bruxelloise Look&Fin. Maxime Housiaux, chief marketing officer de la scale-up, l’a déjà expérimentée à deux reprises. “Nous utilisons depuis longtemps des questionnaires fermés, via Typeform. C’est efficace, mais ça manque inévitablement de nuance”, explique-t-il.

Avec Resona.now, Look&Fin a pu interroger des investisseurs utilisateurs sur leur ressenti, six mois ou un an après avoir arrêté l’utilisation de la plateforme. “Ils parlent avec une IA qui a été formée pour comprendre nos offres et rebondir intelligemment sur les propos de la personne interrogée, donc cela permet non seulement de comprendre leurs motivations, mais en même temps de leur exposer certaines de nos fonctionnalités qu’ils ne connaissent pas et qui peuvent répondre à leurs attentes.”

Un process lui-même dopé à l’IA

Le processus de Resona est structuré et s’appuie lui-même, en bonne partie, sur l’intelligence artificielle : briefing, création d’un premier agent, test, puis affinage. Une grosse partie de l’expertise de Resona.now consiste à diriger des intelligences artificielles existantes et de les faire communiquer entre elles. Ainsi, les questions que pose Resona et les thèmes abordés dans les interviews sont déterminés par… l’IA. Ou plutôt, sur base d’un briefing que le client fait à une IA avec l’aide de Resona.now.

Quelques allers-retours sont nécessaires pour formuler le briefing exact des interviews. En fonction des besoins et souhaits du client, ces dernières peuvent être plus ou moins scriptées. Et si ce n’est pas le cas, l’intelligence artificielle prend librement certaines directions dans un canevas défini et choisit elle-même sa manière de mener l’entretien.

“Cela va vite, détaille Maxime Housiaux de Look&Fin. En quelques jours, tout était bouclé pour réaliser les questions et pouvoir envoyer le lien à nos utilisateurs.”

En fonction jour et nuit

Un lien que les clients que l’on veut interroger peuvent ouvrir au moment qui leur convient pour répondre aux questions : en voiture, le soir chez eux, la nuit s’ils le veulent. L’IA intervieweuse fonctionne jour et nuit, y compris les jours de congé. De plus, elle s’adapte en fonction du comportement de l’interlocuteur.

“Si quelqu’un parle beaucoup, elle pose moins de questions ensuite, observe Maxime Housiaux. C’est intelligent. Elle peut aussi être amenée à ne pas poser certaines questions et à passer aux suivantes en fonction des réponses.” Look&Fin a, dans un second temps, réalisé une enquête auprès des investisseurs sur leur comportement en période de volatilité des marchés. Résultat : plus de 300 réponses obtenues sur 20.000 utilisateurs ciblés. Et surtout, en quelques heures seulement, puisque l’ensemble des entretiens peut être mené en parallèle. Pour Look&Fin, l’outil complète les autres canaux de feedback. “Ce qui est essentiel, c’est que l’IA ne remplace pas l’humain, avance le responsable marketing. Après l’entretien, l’utilisateur peut demander à être rappelé par un membre de l’équipe. C’est exactement la bonne manière d’intégrer l’IA aujourd’hui.”

Un outil, pas une agence

Du côté de Resona.now, l’heure est toujours à l’expérimentation et au positionnement. Mais Dimitri De Boose y voit clair : Resona n’est pas une société de sondage, ni une agence de recherche. Il ne veut pas du tout cannibaliser ou remplacer les grands instituts de sondage. Au contraire : il voit sa start-up comme un outil et ces acteurs-là comme des clients. “Je ne veux pas faire le boulot de mes clients, insiste l’entrepreneur. Ce que je vends, c’est une brique technologique, un outil qui permet à d’autres de le faire. Les boîtes de consultance, de culture interne, de change management, de market research : ce sont elles mes cibles, à terme.”

“Ce que je vends, c’est une brique technologique, un outil qui permet à d’autres de faire leur boulot.” – Dimitri De Boose (Resona.now)

Dans sa vision, chaque agence pourra créer son propre intervieweur, avec son style, son ton, son niveau de profondeur. “Pour les très gros clients, on créera même des modèles sur mesure. Ce sera leur agent, entraîné avec leur historique.” Pour l’heure, Dimitri De Boose expérimente encore les cas d’usage et rencontre le secteur. S’il fait des tests en direct avec des entreprises, c’est surtout en vue, in fine, de leur proposer une solution de leadership en interne. “Resona est un super outil pour permettre à une équipe dirigeante de faire remonter l’avis de l’ensemble des collaborateurs en quelques heures. C’est un puissant outil interne pour aller interroger les employés sur des thèmes en particulier. Cela, Resona pourrait le faire en direct. Pas des sondages.”

Tenir un dialogue grâce à l’IA

L’homme, qui avait dirigé et développé le marché de Bsit, cette start-up qui a digitalisé le babysitting en Belgique, sait qu’il doit se concentrer, ne pas disperser ses efforts et trouver rapidement un product market fit. Surtout que Resona n’est pas seul sur le créneau. Des start-up américaines lèvent déjà des millions de dollars tandis qu’en Belgique, il existe la jeune pousse flamande Conveo qui est dans la même veine. “Beaucoup de boîtes se positionnent dans la recherche et les enquêtes, mais ne sont pas purement conversationnelles, alors que c’est ce que veut faire Resona. On veut être les meilleurs sur la manière de tenir un dialogue grâce à l’IA.”

À terme, l’entrepreneur vise une équipe de cinq à six personnes pour affiner le produit et le commercialiser plus largement. Probablement avec un modèle de paiement à l’entretien réalisé, mais cela pourrait évoluer. Une levée de fonds est en préparation pour ensuite accélérer le développement, puis le lancement réel de Resona qui pourrait intéresser beaucoup de secteurs et trouver de nombreux cas d’usage. “Ce qui est passionnant, c’est qu’on peut trouver aujourd’hui des tas de services que l’on peut réaliser alors qu’on ne pensait même pas que c’était possible”, s’enthousiasme le patron de Resona.now. À l’ère de l’IA, on peut difficilement dire le contraire…

L’intelligence artificielle est présente dans la plupart des secteurs, ou presque, avec ses partisans et ses détracteurs, mais quel est son impact?

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