My American Shop: le succès fulgurant de deux jeunes prodiges belges de l’e-commerce

Antoine Libois, CEO, et Maxime Loison, cofondateur de My American Shop © PG
Christophe Charlot
Christophe Charlot Journaliste

En quelques années seulement, Antoine Libois et Maxime Loison ont réussi à hisser leur plateforme ­
d’e-commerce parmi les plus gros “pure-players” en Wallonie dépassant 11 millions d’euros de chiffre d’affaires. En vendant des canettes de Fanta et des Snickers originaux. Retour sur une “success story” étonnante.

S’il est une visite qui rend fous les fanas de confiseries originales et de sodas étrangers, c’est bien celle des entrepôts de l’e-commerce My American Shop à Nivelles. Au 10 de l’avenue Robert Schuman, à deux pas des locaux de la star informatique Easi, se superposent des milliers de canettes de Fanta aux goûts plus originaux les uns que les autres : raisin, pêche, guarana, ananas… Des saveurs totalement introuvables dans les rayons belges. Pareil pour les Snickers qui se déclinent, par exemple, au citron et à la fraise. Ou le Red Bull aux fruits de la passion…

Les quelque 2.000 références qui s’affichent sur le site web de cet e-commerce made in Belgium affichent toutes la même particularité : elles sont importées des Etats-Unis ou d’Asie et ne sont pas distribuées officiellement en Europe. Et cela plaît aux clients de cette boutique en ligne qui emploie aujourd’hui une cinquantaine de personnes, génère pas moins de 11 millions d’euros de chiffre d’affaires et affiche la rentabilité. Plutôt pas mal, surtout dans un domaine, l’e-commerce, où les gros acteurs 100 % belges sont loin d’être légion. “Ils semblent déjà atteindre un chiffre d’affaires énorme, analyse Damien Jacob, spécialiste de l’e-commerce et fondateur du cabinet Retis. C’est rare chez nous et cela les place, clairement, parmi le top des pure players du côté wallon !”

Ce n’est pas la seule chose qui marque les esprits ; l’âge des deux fondateurs de My American Shop est également surprenant. Antoine Libois, l’actuel CEO, n’a que 23 ans, et son cofondateur, Maxime Loison, est à peine plus âgé. Pourtant, lorsqu’on écoute le jeune entrepreneur exposer sa stratégie et détailler ses plans de croissance, son âge devient rapidement un détail.

L’homme sait bien ce qu’il veut et vers où il entend diriger son entreprise. “Notre vision, plante immédiatement Antoine Libois, ce n’est pas l’e-commerce en soi, mais l’importation de ces produits ethni­ques. Nous sourçons des produits aux Etats-Unis et en Asie et nous établissons des lignes d’im­por­tation vers notre hub de 5.000 mètres carrés à Nivelles, d’où nous gérons la logistique de distribution, dont l’e-commerce fait partie.”

Mais pas que : si le site web est le canal de vente d’origine de My American Shop, la firme wallonne commence aussi à représenter des marques pour leurs produits asiatiques ou internationaux. “Des petites marques cherchent à se développer sur notre marché et veulent trouver un distributeur exclusif, détaille le CEO de My American Shop. Nous voulons trouver des partenariats dans ce domaine où nous endossons alors le rôle de distributeur grossiste.”

Le site d’e-commerce est, par exemple, devenu le distributeur de “Hot Chip”, les chips les plus piquantes du monde (qui ont fait le buzz dans les cours de récré) et dont le packaging est en forme de… cercueil. Un défi pour My American Shop : “c’est une évolution très intéressante, observe Damien Jacob, mais aussi un choix stratégique qui doit être bien manœuvré pour être bien fait : faire de la visibilité pour ces produits en dehors de l’e-shop mais ne pas se faire concurrence à soi-même. Et s’assurer d’être un acteur qui a assez de poids pour compter”.

MY AMERICAN SHOP ­dispose de 2.000 références dans son catalogue.

700 colis par jour !

Jusqu’ici, toutefois, le duo d’entrepreneurs a montré qu’il parvient à gérer ses ambitions. La croissance rentable qu’ils sont parvenus à réaliser en témoigne. Depuis 2020, la boîte d‘e-commerce a multiplié son chiffre d’affaires par 11 et bien plus que doublé ses effectifs. Pour y parvenir, My American Shop a pu notamment s’appuyer sur une levée de fonds de 3,9 millions d’euros en 2022 lui permettant, notamment, de passer de son entrepôt de Floreffe (900 m2) à celui de Nivelles (5.000 m2). Elle a aussi permis à la société d’engager de nouvelles compétences avec des profils expérimentés : des key people issus du secteur du retail, du FMCG (Fast-moving consumer goods) ou de l’e-commerce qui ont, notamment, rejoint la direction financière, le marketing, la logistique…

Ce dernier point a été un travail continu d’amélioration pour le duo d’entrepreneurs. L’e-commerce de produits alimentaires se révèle assez spécifique, en effet : des produits parfois lourds (canette, etc.), avec des dates de péremption, mais aussi des contraintes réglementaires par marché. Chaque marché dispose en effet de ses spécificités sur l’alimentaire, ce qui peut avoir un impact important. “En tant qu’importateur, My American Shop est responsable de la mise en vente des produits, reconnaît Antoine Libois. On ne peut pas vendre les yeux fermés les mêmes produits sur tous les marchés. Par exemple, certains pays refusent que des produits dépassent certains taux de caféine.” Ils doivent, de surcroît, être étiquetés spécifiquement pour chaque marché afin d’en afficher la composition et les infos légales liées.

Au niveau logistique, la firme a fait un solide travail de développement de logiciel interne pour optimiser ses process. Un enjeu essentiel quand on doit préparer et expédier 700 colis quotidiens ! “C’est une complexité à gérer, note Damien Jacob, spécialiste au cabinet Retis. Surtout pour des produits relativement lourds par rapport à leur valeur. Et qui affichent une date limite de consommation.”

S’entourer de gens 
“plus inteligents”

Après la levée de fonds, les deux fondateurs se sont aussi entourés de cadors de l’entrepreneuriat et de l’e-commerce. Jérôme Gobesso, fondateur de la pharmacie en ligne Newpharma (rachetée par le groupe Colruyt) et ­Olivier Witmeur ont rejoint le conseil d’administration. “J’aime m’entourer de gens plus intelligents que moi, précise, un brin amusé, Antoine Libois. Gérer une cinquantaine de personnes est un défi managérial et savoir bien se faire accompagner par des gens qui savent le faire est fondamental pour moi.” Le jeune homme a compris, d’ailleurs, qu’il doit laisser la place aux équipes en termes d’autonomie et de confiance.

Autre grande évolution qui a permis à My American Shop d’assurer sa croissance ? L’élargissement de l’offre de produits. En plus d’étoffer sa gamme de produits américains, l’e-commerce s’est aussi tourné vers les nouveautés asiatiques, particulièrement les produits spéciaux japonais. Plus de 40 % des ventes concernent désormais des produits en provenance d’Asie. Comme le Pepsi Peach Oolong, au goût de pêche et de thé Oolong ou encore le Mentos mixant les goûts de pommes rouges et vertes. Au-delà des produits originaux comme ceux-là ciblant les Européens en quête de nouveautés, My ­American Shop vise également les Asiatiques vivant en Europe et qui veulent retrouver des produits de chez eux… Dans cette démarche d’élargissement de l’offre, la jeune pousse n’en est qu’au tout début. Antoine Libois se montre, en effet, hyper optimiste sur les possibilités.

Pour l’instant, My American Shop dispose de 2.000 références dans son catalogue. Mais “ce n’est rien par rapport au potentiel, insiste le jeune CEO. Il y a encore des clients que l’on pourrait atteindre avec l’élargissement de l’offre”. Sans compter qu’il n’exclut pas non plus d’élargir les pays d’origine des produits. “S’il y a un Fanta hyper original en Egypte, comme le Fanta Banane, pourquoi ne pourrions-nous le proposer à nos visiteurs?” Cela peut paraître anodin, mais c’est loin de l’être quand on sait que l’an passé, la seule variété de Fanta Berry a été écoulée à 185.000 unités par la firme wallonne, cela donne une idée des possibilités.

S’il y a un Fanta hyper original en Egypte, comme le Fanta Banane, pourquoi ne pourrions-nous 
le proposer à nos visiteurs?” – Antoine Libois

Surtout que, forcément, la marge sur ces produits est relativement intéressante : les variantes de Fanta sont vendues entre 2,39 et 3 euros sur le site de My American Shop… Le défi des équipes de l’e-commerce ? Trouver le produit original qui va cartonner. Pour cela, le site d’e-­commerce se base majoritairement sur sa “communauté” (c’est comme cela que le CEO définit ses clients) qui fait remonter les nouveautés et fait part de ses demandes.

Une boîte en centaines de millions

Ensuite, bien sûr, la croissance pourra venir de l’internationalisation de My American Shop. Aujourd’hui déjà, l’e-commerce réalise l’essentiel de son business, 70 %, en dehors de nos frontières : en Espagne, aux Pays-Bas et en France, essentiellement. Sur la France, le site d’e-commerce a accéléré sa présence via deux acquisitions sur ce marché-là. Des concurrents comme My Little America dont elle a, essentiellement, récupéré le fonds de commerce. De quoi aider l’acteur belge à se faire connaître.

S’il ne le dévoile pas, rien n’empêcherait My American Shop de procéder à d’autres acquisitions et de renforcer sa présence sur d’autres marchés européens. C’est en tout cas la vision qu’a Antoine Libois qui anticipe de doubler son activité cette année pour arriver à 20 millions d’euros. Et, à plus long terme, “on se voit comme une boîte bien plus grosse, affiche le CEO. Nous voulons devenir un leader européen des produits ethniques. Une boîte en centaine de millions d’euros…”. Le tout en partant de la Belgique !

Et l’écologie?

La question est délicate mais le CEO de My American Shop ne l’évite pas. L’impact de son e-commerce sur l’environnement n’est évidemment pas neutre.
“Le transport est inhérent à notre business, reconnaît Antoine Libois. On réfléchit à le faire de la meilleur manière sur le plan environnemental. Surtout sur l’aspect livraison en Europe car, au niveau de l’importation elle-même, ce n’est pas ce qui pollue le plus. C’est un travail important de le faire de la meilleure manière, mais ce n’est pas évident. Et même si ce n’est pas exceptionnel, nous soutenons des initiatives de reforestation. Et nous travaillons fortement au niveau sociétal : nos préparateurs de commandes sont 100% issus de la réinsertion et nous donnons de l’emploi à des personnes à mobilité réduite. C’est là qu’on sait qu’on peut vraiment agir…”


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