Le difficile équilibre de l’hypercroissance : le cas GoStudent
Elle a connu et participé à l’hypercroissance de l’une des start-up européennes les plus en vue. Laura Warnier a été Chief Growth Officer de la plateforme autrichienne GoStudent. Rencontre.
Dans la tech européenne, la scale-up GoStudent est un nom qui compte. Après plusieurs centaines de millions d’euros levés et une croissance gigantesque pendant plusieurs années, le spécialiste du soutien scolaire par internet est devenu une grosse boîte qui compte plusieurs centaines d’employés.
Au tout début de l’aventure, il y avait une Belge : Laura Warnier, l’une des premières employées de la firme. C’est à elle que les fondateurs de la start-up ont fait appel pour créer l’un des réacteurs de la start-up : l’équipe de vente et marketing.
« Il n’y avait pas de vendeurs quand je suis arrivée, se souvient Laura Warnier qui a, depuis, quitté GoStudent. C’était avant le Covid et les parents ne pensaient pas vraiment à des cours en ligne pour leurs enfants. Ils cherchaient des profs particuliers en présentiel, pas en ligne. » L’équipe de vente s’est révélée cruciale pour convaincre, par téléphone, les parents qui souhaitaient du soutien scolaire pour leurs enfants. La vente est rapidement devenue un enjeu majeur pour GoStudent qui a vu ses équipes sales passer de 0 à 200 personnes en très peu de temps: 20 personnes la première année, puis de plus en plus, un peu partout en Europe. Jusqu’à arriver jusqu’à 800 personnes.
Une croissance des équipes qui s’est faite un peu sur le tas, en construisant tout un modèle. Tout d’abord pour définir les profils sales souhaités: « Nous avons fait pas mal d’essais au début, car on ne savait pas bien quels profils allaient convenir, détaille Laura Warnier qui était l’une des invitées de la dernière Trends Winter University. Mais nous cherchions des très jeunes, pas seulement pour le prix, mais parce qu’il est plus facile de vendre du soutien scolaire quand on sort soi-même des études. Nous engagions des jeunes qui sortaient de l’école et qui avaient faim de trouver un boulot. C’étaient les plus motivés… ».
Playbooks, data et pitch de vente
Au fur et à mesure que la firme grandissait, l’approche se structurait également. Avec des playbooks pour former les vendeurs. « Documenter les processus est très utile, confirme Laura Warnier. Il ne faut pas hésiter à aller dans la technique des process notamment de déterminer à quel moment appeler, quand on prévoit un deuxième appel, combien de fois on essaie, etc. Un pitch peut aussi être créé pour savoir comment se comporter, quelles questions poser, etc. Cela permet d’aiguiller les vendeurs dans la direction qui est la plus efficace en fonction de l’entreprise, en fonction de l’historique de vente évidemment. »
Laura Warnier conseille, par ailleurs, de connecter les vendeurs à un CRM où ils trouvent un maximum d’informations sur les clients, permettant d’affiner l’approche et aussi de collecter des informations sur les ventes elles-mêmes, pour ensuite optimiser et les rendre plus performantes. Grâce à la data, « il est en effet possible de voir quels sont les vendeurs qui arrivent le mieux à convaincre les prospect pour un test gratuit, mais n’arrivent pas à vendre la partie payante et de comprendre pourquoi », détaille Laura Warnier.
Comme la scale-up avait une vision très internationale, toute la documentation avait été faite en anglais. Idéal pour l’hypercroissance à laquelle s’attendait la jeune pousse présente dans toute l’Europe. Avec des équipes dédiées dans chaque pays. Des équipes formées par Laura Warnier qui confesse avoir réalisé pas moins de 800 interviews de recrutement en 4 ans…
Conserver la culture
Dans ce contexte d’hypercroissance, l’un des enjeux a bien sûr été de conserver la culture de l’entreprise. Un enjeu trop souvent galvaudé, mais fondamental aux yeux de Laura Warnier. « Au départ, ce sont toujours les fondateurs et les tout premiers employés qui créent la culture de la start-up, détaille l’entrepreneuse. Parfois de manière informelle, mais quand la structure grandit beaucoup, c’est de plus en plus compliqué parce qu’on doit beaucoup engager, et vite. Du coup, on ne fait pas toujours les bons choix et cela peut avoir des impacts négatifs sur l’entreprise. Au début, les start-up ont besoin de profils assez entrepreneuriaux qui sont forcément assez attachés au projet et à la boîte. Mais plus la structure grandit plus on engage des profils qui viennent de grandes boites qui ont une culture de manager et d’employés. Ils peuvent être moins attachés à la start-up et sont inévitablement moins proches des fondateurs. La culture change. Et les fondateurs doivent aussi accepter que la culture n’est plus seulement la leur, qu’elle dépend aussi des équipes. »
C’est à ce moment-là qu’intervient la nécessité de (re)définir les valeurs de l’entreprise qui doivent être ancrées dans chaque décision importante dans la scale-up.
La jeune femme reconnaît aussi qu’intervient un moment où les fondateurs (ou les tous premiers employés, ceux-là mêmes qui ont défini la culture d’entreprise), doivent évoluer. « Au départ, la démarche est très entrepreneuriale, détaille Laura Warnier. Mais dans le cadre d’une hypercroissance, les choses évoluent vite et il n’est pas rare que la structure devienne plus rigide, que des process soient mis en place et que de la politique intervienne. Les réunions accueillent plein de monde et si l’on n’y est pas, on n’a plus l’information. Pour ceux qui ont l’esprit d’un entrepreneur, cela peut être difficile de s’adapter. Il est souvent important de prendre du recul et de se demander s’ils sont toujours les mieux placés pour faire évoluer l’entreprise dans sa prochaine phase et si cela leur donne toujours le même plaisir. Cette introspection peut être difficile et émotionnelle, mais elle permet de tirer des leçons et de grandir. L’entreprise évolue… les fondateurs et employés également. »
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