La start-up Living Forest veut valoriser les forêts ardennaises autrement que par l’exploitation pure du bois

Living Forest, nouvelle start-up à impact environnemental issue d’une collaboration innovante entre l’ULiège et le start-up studio BXVentures, valorise les ressources des forêts ardennaises autrement que par l’exploitation pure et simple du bois. Elle propose des kombuchas élaborés à partir d’essences naturelles, avant un prototype de biofilms alimentaires.

Valoriser les forêts d’Ardenne tout en favorisant leur préservation et en respectant la biodiversité, c’est la mission de Living Forest. Lancée en mai 2023, la start-up est le fruit d’une collaboration inédite entre le Smart Gastronomy Lab de Gembloux Agro-Bio Tech (ULiège) et BXVentures, le premier start-up studio belge entièrement dédié à la création et au développement de sociétés qui répondent aux problématiques du changement climatique (aussi appelées “climate tech“).

Louis Falisse, CEO de Living Forest

A la tête de Living Forest, on retrouve Louis Falisse, jeune entrepreneur que nous avions déjà mis à l’honneur (lire le Trends-­Tendances du 28 juillet 2022) alors qu’il avait quitté une carrière dans la pub pour lancer Chocolow, une pâte à tartiner pauvre en sucres à base de légumes. Aujourd’hui, sans abandonner son “Nutella sain”, le trentenaire a planché sur une nouvelle gamme de kombuchas: So Wood. Cette boisson fermentée et non alcoolisée à base de thé se présente comme une alternative saine aux sodas trop sucrés grâce, entre autres, à sa haute teneur en probiotiques.

Restaurants étoilés

Le breuvage est élaboré à partir d’infusions d’essences naturelles des forêts d’Ardenne, ce qui le rend moins acide. “Nous voulions un kombucha qui se distingue, avec un goût plus fin, à la manière d’un vin ou d’un champagne”, décrit son concepteur. La gamme d’arô­mes est subtile et variée : feuilles de bouleau, aiguilles de pin sylvestre ou encore feuilles et fleurs d’aubépine. Cette boisson originale est réservée, dans un premier temps, au secteur horeca. On la retrouve dans quelques restaurants étoilés (Table de Maxime, Le Coq aux Champs). Dans une seconde étape, les produits seront disponibles dans un réseau d’épiceries fines, avant d’attaquer la grande distribution en 2025. “Pour arriver à la rentabilité, il faudrait que nous puissions écouler, d’après nos calculs, un million de bouteilles par an d’ici 2026”, s’avance Louis Falisse.

Pour obtenir ce produit après moult tests, l’entrepreneur touche-à-tout est parti d’un constat personnel. “Dans ma famille, on possède des forêts qui sont exploitées principalement pour leur bois, explique-t-il. On plante un arbre, on le fait grandir pendant des dizai­nes d’années, on le coupe, on en replante un nouveau et ainsi de suite. Au final, pendant toutes ces années de croissance, peu d’autres éléments sont valorisés alors qu’il existe de nombreuses ressources disponibles telles que les écorces, les épines, les fruits ou les feuilles, qui pourraient être extraites des arbres et des arbustes sans leur nuire.”

L’approche ambitionne aussi de mettre en avant les richesses locales. “Aujourd’hui, on trouve des feuilles de bouleau en herboristerie mais elles viennent généralement d’Europe de l’Est alors qu’elles sont disponibles chez nous.” Selon le CEO de Living Forest, le business model du bois ne doit pas être figé. “Il y a un énorme potentiel inexploité lié aux forêts et à la biodiversité.”

Pour l’épauler dans son nouveau projet, Louis Falisse est allé frapper, comme pour Chocolow, à la porte du Smart Gastronomy Lab qui possède déjà une grande expertise dans les boissons fermentées, processus complexe. Eric Haubruge, le cofondateur du laboratoire de sciences gastronomiques de l’ULiège, met en avant la construction d’un véritable écosystème. “Quand une start-up se met en place, les questions de circularité et d’économie d’énergie viennent rapidement sur la table. Living Forest s’inscrit typiquement dans ce modèle.”

“Il existe de nombreuses ressources disponibles telles que les écorces, les épines, les fruits ou les feuilles.”

Louis Falisse, CEO de Living Forest

Du kombucha aux biofilms alimentaires

L’approche se veut aussi vertueuse. En parallèle, Living Forest travaille avec le Smart Gastronomy Lab sur la valorisation scientifique du scoby (“symbiotic culture of bacteria and yeast”), la substance gélatineuse brunâtre – aussi connue sous le nom de “mère de kombucha” – qui flotte à la surface du liquide lors de sa fermentation. Cette matière vivante composée de levures, de bactéries et d’autres micro-organismes peut être exploi­tée pour développer à grande échelle circulaire – et donc à moin­dres frais – des biofilms pour emballer de la viande ou des légumes. Ce packaging innovant et durable a aussi l’avantage d’augmenter la durée de vie des aliments. Une autre application de ce coproduit de la boisson fermentée est le traitement des sols. Des pistes peu étudiées jusqu’à présent. “Un prototype pourrait déjà voir le jour l’année prochaine, annonce Eric Haubruge. La cellulose bactérienne constitue des réseaux poreux de nanofibres qui peuvent être aussi valorisés pour favoriser la conductivité dans le domaine de l’optoélectronique. Les possibilités de valorisation amplifient les chan­ces de succès de Living Forest. Les enjeux sont énormes.”

Olivier Thirifays, cofondateur de BXVentures


Le biosphère venture studio BXVentures, outre son rôle d’investisseur, a pris en charge tout le côté opérationnel de la société (levée de fonds, reporting comptable, gestion RH, etc.). «Nous voulons faire sortir des laboratoires des technologies prometteuses pour le climat, explique Olivier Thirifays, son cofondateur. Notre rôle, c’est de mettre sur pied la start-up mais aussi d’accom­pagner les entrepreneurs via nos expertises techniques et financières de façon à les décharger de ce qui n’est pas le cœur de leur métier. C’est un modèle différent car Living Forest n’est pas une spin-off, l’université n’y possède aucune part. Nous assurons sa croissance à moyen terme en nous connectant avec des partenaires de qualité pour accélérer son développement.”

“Nous voulons faire sortir des laboratoires des techno­logies prometteuses pour le climat.”

Olivier Thirifays, cofondateur de BXVentures

Doubler le transfert de technologies

Au-delà de ces débouchés créatifs à impact environnemental, le modèle unique de collaboration entre l’ULiège et BXVentures pourrait déboucher dans les prochains mois sur la création d’autres firmes dérivées de ces découvertes. Jusqu’à présent, les transferts de technologies se faisaient vers une entreprise existante, avec vente de brevets, ou via la création d’une spin-off. En s’alliant les services de BXVentures, l’ULiège expérimente une nouvelle voie pour la valorisation de la recherche universitaire. Ce qui correspond parfaitement aux ambitions de Didier Mattivi, directeur de l’ULiège RISE (Recherche, Innovation Support et Entreprise), l’instance mise sur pied pour promouvoir la recherche et l’innovation au profit de l’écosystème wallon.

Le modèle de start-up studio rajoute une corde à notre arc pour lancer ces entreprises issues de nos laboratoires tout en maximisant nos chances de succès

Didier Mattivi, ULiège Rise

“Aujourd’hui, on crée environ 10 transferts de technologie par an, que ce soit sous forme de spin-off classique ou de brevets. En collaboration avec BXVentures, en plus de Living Forest, deux autres projets pourraient être valorisés”, confie-t-il, sans en dévoiler davantage. L’objectif de Didier Mattivi est de doubler d’ici cinq ans le transfert de technologies universitaires. “Le modèle de start-up studio rajoute une corde à notre arc pour lancer ces entreprises issues de nos laboratoires tout en maximisant nos chances de succès”, s’enthousiasme-t-il.

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