Dans les coulisses de Hexa, la fabrique à licornes

Créateurs de déjà trois licornes du numérique et de plusieurs centaures, ces start-up générant 100 millions de revenus récurrents, les fondateurs du start-up studio belge Hexa (anciennement eFounders) ont désormais mis en place une méthodologie pour arriver à créer 30 start-up par an. Trois fois plus qu’aujourd’hui. À la tête d’un écosystème d’une quarantaine d’entreprises valorisées 5 milliards de dollars, ils pensent le multiplier par cinq dans les années à venir. Retour sur les ambitions et les méthodes de la fabrique à licornes.
Trois millions cent mille dollars. C’était le montant que venait de lever la start-up Front, née au sein d’eFounders, lorsque nous avons consacré, en octobre 2014, notre premier article à ce start-up studio. La jeune firme, qui propose des solutions innovantes de gestion collaborative de boîtes e-mail partagées (les info@, support@…), commençait à peine à décoller. Quant au studio, lancé au sein de l’Icab à Etterbeek, il ne comptait encore que cinq jeunes pousses : Mailjet, Mention, TextMaster, Aircall et Front. Pour le reste, les fondateurs parlaient encore en noms de code : DesignX, OfficeX, ExpertX… Mais l’écosystème méritait déjà qu’on s’y attarde. Une valorisation de 40 millions d’euros pour ces cinq premières entreprises, une quarantaine de personnes engagées et surtout, une ambition : créer des start-up en série et les mener au succès.
Dix ans plus tard, eFounders est devenu Hexa. Avec 48 entreprises initiées, 2.100 personnes employées et une valorisation globale des entreprises créées qui avoisine les 5 milliards de dollars, la trajectoire est spectaculaire. Trois licornes sont déjà nées sous leur impulsion (Front, Aircall et Spendesk). Mais, loin de se satisfaire de ces succès, les fondateurs Thibaud Elzière et Quentin Nickmans voient plus grand. Beaucoup plus grand. Leur ambition est d’avoir environ 100 entreprises en portefeuille d’ici 2030 et d’arriver, à ce moment-là, à lancer 30 nouvelles start-up par an. Tout en prévoyant, d’ici cinq ans, de faire grimper la valorisation de l’ensemble des boîtes de 5 à… 25 milliards de dollars. Un objectif colossal qui marque l’ambition de faire passer à l’échelle un modèle déjà bien huilé. Un modèle basé sur la création de start-up (via la division Build de Hexa), mais aussi sur l’aide à la croissance pour des start-up extérieures (division Scale, voir encadré).
Hexa Scale : accélérer la croissance des start-up
En parallèle de la création de nouvelles entreprises, Hexa a lancé fin 2023 “Hexa Scale”, une division dédiée à l’acquisition et à l’accélération de start-up déjà établies, avec un chiffre d’affaires entre 2 et 10 millions d’euros de revenus annuels.
L’objectif ? Optimiser leur croissance et les transformer en leaders du marché. C’est sur base de l’histoire de Yousign qu’est née l’approche.
Initialement créée en Normandie, cette start-up spécialisée dans la signature électronique peinait à franchir un cap. Hexa est intervenu en 2019, investissant et appliquant sa méthodologie : structuration produit, vision internationale, stratégie d’acquisition client.
Résultat ? En cinq ans, Yousign est passée de 2 à 30 millions d’euros de chiffre d’affaires, attirant des talents de premier plan et devenant un acteur majeur de l’e-signature en Europe.
Hexa Scale veut désormais répliquer ce succès à grande échelle. Tout récemment, un nouveau deal vient d’être signé avec la firme Veevart dans laquelle Hexa a pris une part majoritaire pour 5 millions d’euros. Avec l’idée de l’aider à accélérer sa croissance.
“C’est une véritable seconde ligne d’activité que je vois se développer fortement à l’avenir, précise Quentin Nickmans. Peu d’acteurs (souvent trop financiers) peuvent se permettre d’être réellement impliqués de manière opérationnelle dans les entreprises dans lesquelles ils investissent.”
Hexa Scale fera partie des ingrédients de la croissance de l’écosystème, au même titre que “Build”, son activité historique.

Le bon marché, au bon moment

Tout commence en 2011, lorsque Thibaud Elzière, fondateur de Fotolia, et Quentin Nickmans, entrepreneur belge, décident de lancer un start-up studio, à l’époque une idée encore floue en Europe.
Leur concept ? Identifier des besoins réels dans les entreprises, à partir de leurs propres expériences, concevoir des solutions logicielles, et associer des entrepreneurs talentueux pour les développer. Le tout sur la thématique bien précise du “futur of work” et sous l’angle des “software as a service“, c’est-à-dire des logiciels qui tournent en ligne et auxquels les entreprises s’abonnent.
Une niche B to B que Quentin Nickmans et Thibaud Elzière identifient comme prometteuse. “Plutôt que de laisser les entreprises développer des parties de solutions dont elles ont chacune besoin, nous nous sommes dit qu’on pourrait leur proposer une bibliothèque de logiciels pour les aider”, détaille Thibaud Elzière.
À l’époque, le SaaS n’est pas encore un secteur d’investissement prisé en Europe. “En 2011, les VC (venture capitalists, ndlr) n’investissaient pas encore vraiment dans le SaaS, c’était un pari”, se souvient Quentin Nickmans. Mais le duo semble être “au bon endroit, au bon moment”.
“En 2011, les VC n’investissaient pas encore vraiment dans le SaaS, c’était un pari.” – Quentin Nickmans
Les premières années sont celles de l’expérimentation. Le studio crée un à deux projets par an, apprend à structurer son approche et à définir le bon équilibre entre leur implication de fondateurs et l’autonomie des start-up.
Ils construisent aussi, sur le tas, le modèle de start-up studio. À l’origine, les fondateurs du studio trouvent des idées, recrutent un duo de cofondateurs (un CEO et un CTO) qui reçoivent un “salaire minimum vital” et prennent les commandes de la boîte. Le studio consacre au minimum 500.000 euros au lancement de chaque nouvelle entreprise. Après environ 18 mois (à l’époque ; 12 mois actuellement) et une première levée de fonds, l’idée est de laisser vivre la start-up, tout en conservant une part minoritaire, mais importante, du capital.
On les a souvent comparés à Rocket Internet à leurs débuts. Mais là où Rocket Internet dupliquait des modèles existants, et ne créait pas des entreprises indépendantes, eFounders s’est toujours concentré sur la création pure et l’innovation. Et les premiers succès viennent rapidement. Mailjet, Mention et Front lèvent leurs premiers millions, et surtout, montrent que le modèle eFounders peut fonctionner. En fin d’année 2016, les neuf entreprises sorties d’eFounders valent… près de 150 millions d’euros.
Un chiffre déjà très positif à l’époque même s’il est loin d’être suffisant puisque, pour les créateurs du studio, le modèle est celui de la constitution d’un portefeuille. Un peu comme un fonds d’investissement, sauf qu’en initiant la création des entreprises plutôt qu’en investissant dans des projets déjà existants, cela leur permet d’entrer à des valorisations nettement inférieures (entre 5 et 10 fois moins qu’en seed !). C’est éventuellement sur quelques dividendes, quelques opérations secondaires, qu’ils peuvent générer du cash… Mais surtout sur d’éventuelles “exits” (reventes d’entreprises). Elles ont d’ailleurs lieu, de temps à autres dès 2017 avec les ventes de Hivy (2017), TextMaster (2018), Mention (2018) ou Mailjet (2019). Des sorties “positives”, mais loin des ambitions d’eFounders et des belles histoires dont le marché raffole.
Qu’importe, le portefeuille grandit avec d’autres start-up hyper prometteuses et, surtout, l’évolution des start-up labellisées eFounders valide l’approche du studio. Et les forces du studio apparaissent : il identifie les bonnes problématiques et trouve les entrepreneurs talentueux et ambitieux. Un point absolument crucial pour la réussite du modèle : bien s’entourer et parvenir à trouver le bon équilibre pour ne pas jouer les belles-mères encombrantes.
“C’est là que Quentin, Thibaud et les associés sont très forts : ils parviennent à laisser rapidement partir le bébé, observe Séraphie De Tracy, fondatrice de Cohort, une des start-up issues de l’écosystème. Ils confient rapidement l’idée et son développement aux entrepreneurs qui sont bien ceux qui décident. Il n’y a pas d’ingérence et pas de pression.” Un savant dosage qu’il a fallu apprendre. “Nous étions très impliqués dans les premières années des start-up. Il a fallu apprendre à nous détacher plus vite, à faire en sorte qu’elles puissent voler de leurs propres ailes”, admet Quentin Nickmans.
Attirer talents et investisseurs
Car pour décoller, les entreprises doivent ne pas être trop dépendantes des services mutualisés du studio, et surtout, être suffisamment ambitieuses pour devenir des géants internationaux. En “période d’incubation”, le studio apporte toutes les facilités grâce à une “core team” qui se charge de l’administratif, du recrutement, de l’aide au développement du produit, etc. “On vit au quotidien avec les équipes, se souvient la fondatrice de Cohorte, qui propose au monde du retail des solutions 2.0 de fidélisation des clients. Les gens du studio sont comme des membres de l’équipe, mais ils n’imposent ni le mode opératoire ni la direction.”
Bien sûr, les premiers succès d’eFounders ont permis d’attirer de bons talents. Majoritairement à Paris où le start-up studio a, depuis longtemps maintenant, son centre névralgique, même si l’entreprise derrière le studio se trouve en Belgique.
Autre grande force : être parvenu à attirer les meilleurs investisseurs sur les premiers projets, notamment en incorporant les boîtes sur les géographies les plus porteuses selon les marchés. Ainsi, Front a rejoint le célèbre YCombinator et s’est directement installée aux États-Unis où elle a trouvé des clients tels que Uber, Airbnb, etc. C’est aussi sur ce marché qu’elle a trouvé ses premiers investisseurs : SoftTech, Point Nine Capital et quelques noms de la tech US comme l’ancien créateur de Gmail ou l’un des chefs produits de chez Yahoo!.
Rapidement, les plus grands fonds d’investissement se sont intéressés aux boîtes nées dans l’écosystème d’eFounders : Balderton, Sequoia, Battery, Salesforce Ventures, etc. Des investisseurs qui crédibilisent chacune des boîtes investies.
Or, être connecté aux bons investisseurs se révèle, pour beaucoup de start-up, un enjeu de taille. Aujourd’hui, faire partie d’eFounders/Hexa est devenu un atout majeur pour une jeune pousse. Julien Bellemare, CEO de Catalog, une start-up qui propose une solution de gestion des commandes B to B, en sait quelque chose : fondée en 2023, sa firme née au sein d’eFounders a levé 3 millions d’euros en 2024 auprès du fonds britannique LocalGlobe, de Helloworld et de Kima Ventures (le fonds d’amorçage de Xavier Niel).
“La première entrée auprès des investisseurs est plus facile, admet Julien Bellemare, CEO de Catalog. Tous les investisseurs regardent les boîtes du start-up studio, puis mènent leur analyse.” Dans la phase de levée de fonds, les entrepreneurs sont d’ailleurs particulièrement soutenus par les fondateurs du studio. “Ils proposent un accompagnement intense et performant, enchaîne Julien Bellemare. Ils nous aident à nous préparer mentalement et techniquement à l‘exercice du roadshow.”
Les succès phénoménaux de Front, Aircall et Spendesk
En 2016, le studio eFounders lui-même lève 10 millions d’euros auprès d’entrepreneurs et de familles belges pour passer à l’échelle. “On nous disait que nos boîtes étaient intéressantes et sympas. Alors on a décidé de lever des fonds pour faire trois ou quatre fois plus”, s’amuse Thibaud Elzière. C’est le début de la seconde phase du studio car avec cet apport de cash, eFounders, qui doit financer les premiers mois de la création des start-up, monte en puissance.
L’objectif : passer d’un à deux projets par an à trois ou quatre. Le studio devient plus structuré, plus ambitieux, et attire toujours plus de talents du secteur du digital. Et trois des projets cartonnent littéralement : Front explose aux États-Unis, Aircall révolutionne la téléphonie cloud tandis que Spendesk démarre sur les chapeaux de roue et s’impose comme un leader de la gestion des dépenses professionnelles. Les levées de fonds se multiplient également.
En 2021, Aircall annonce un tour de table à 120 millions de dollars qui l’élève au rang de licorne. En 2022, Spendesk lève une centaine de millions pour la rejoindre dans le club des entreprises valorisées à plus d’un milliard de dollars. Et la même année, Front, basée à San Francisco, lève 65 millions de dollars (portant à 204 millions le montant total levé), valorisant la boîte à… 1,7 milliard de dollars !
Mais c’est en 2021 que les prémices d’une révolution du modèle eFounders commencent à se manifester. Le studio décide de se décliner en mode fintech et annonce le lancement de LogicFounders, un start-up studio parallèle entièrement consacré à ce créneau. Concrètement, LogicFounders constitue une marque au sein de la maison mère (et s’opère toujours au sein de la même entreprise, basée à Bruxelles). Pour cela, les fondateurs s’associent à Camille Tyan, entrepreneur français ayant créé PayPlug, racheté en 2016 par Natixis.
À ce moment, le start-up studio a déjà créé une trentaine de sociétés, dont trois qui sont devenues des licornes et d’autres dont le chiffre d’affaires annuel récurrent atteint 100 millions d’euros. Cinq cartons sur 30 entreprises, un score plus performant que bien des venture capitalists. “C’est à ce moment qu’on commence à se dire que, si la fintech rencontre le succès, on peut créer quelque chose de bien plus grand, précisent Quentin Nickmans et Thibaud Elzière. Et que l’on peut accueillir des entrepreneurs pour les aider à réaliser leurs idées avec notre savoir-faire de studio.”
Cinq cartons sur 30 entreprises, un score plus performant que biens des “venture capitalists”.
C’est le début d’une longue réflexion, et surtout d’une révolution. De start-up studio, les deux serial entrepreneurs, accompagnés de leur associé Amaury Sepulchre, qui les a rejoints tôt dans l’aventure, passeront progressivement à un… studio de studios. L’idée ? Évoluer d’un modèle unique de création de start-up en SaaS à un écosystème de plusieurs studios spécialisés sur des verticales comme LogicFounders pour la fintech, puis 3Founders pour les sujets liés au “Web 3″…
De start-up studio à studio de studios
Fin 2022, Quentin Nickmans, Thibaud Elzière et les équipes se jettent à l’eau : ils officialisent leur démarche et créent Hexa, une marque qui vient se placer au-dessus d’eFounders et des autres verticales. Une démarche qui témoigne de leur passage à l’échelle. Hexa créera de nouveaux start-up studios qui eux-mêmes lanceront des start-up tech pour aborder des tas de nouvelles problématiques : santé, intelligence artificielle, cleantech, etc.
Avec cette mutation, le rôle des fondateurs historiques change profondément. “Nous nous interdisons même d’amener des idées. Ce sont désormais les entrepreneurs qui viennent avec leurs projets et nous leur offrons l’infrastructure pour réussir”, expliquent en choeur Thibaud Elzière et Quentin Nickmans. Jusqu’en 2022, Hexa finançait ses start-up via un holding “evergreen”, réinvestissant ses profits pour lancer de nouveaux projets.
Mais pour passer de trois à quatre start-up à plus de 10 par an, une nouvelle approche était nécessaire. “C’est ainsi qu’Hexa a levé 15 millions d’euros pour créer un fonds dédié, qui investit automatiquement dans chaque start-up une fois qu’elle a sécurisé une levée de fonds “seed” externe, précise le CFO de Hexa dans une note publiée en ligne. Ce modèle garantit une validation indépendante des projets et assure qu’Hexa conserve une totale liberté dans la sélection des entreprises qu’il lance. Concrètement, ce fonds fonctionne par une transaction secondaire entre Hexa et le fonds : Hexa vend une partie de ses parts dans une start-up en échange de liquidités, qui sont ensuite réinjectées dans la création de nouvelles entreprises. Ce mécanisme permet de fluidifier la trésorerie et d’accélérer le rythme de création de start-up.”
Les investisseurs ont trouvé l’approche intéressante puisque le fonds a obtenu 15 millions d’euros, garantissant un investissement dans une vingtaine de start-up issues d’Hexa. À côté du fonds, Hexa a aussi levé 20 millions supplémentaires pour renforcer sa structure et financer de nouveaux projets.
Les partenaires qui dirigent les studios verticaux, des entrepreneurs expérimentés, deviennent la clé du modèle Hexa. Ce sont eux qui, désormais, endossent le rôle que jouaient Quentin Nickmans et Thibaud Elzière au début d’eFounders. Ils dénichent les futures pépites, recrutent les bons fondateurs et pilotent la création des start-up avec l’appui des ressources mutualisées du groupe, la fameuse “core team” d’Hexa. Et pour eux aussi, l’ambition est grande : “L’objectif, c’est d’avoir plusieurs licornes dans mon portefeuille, admet Florent Quinti, un des associés à la tête du studio AI. Chez Hexa, on est là pour faire des boîtes importantes, des entreprises avec un impact majeur sur leur marché.”
À titre personnel, c’est aussi comme cela qu’ils sont “incentivés” : comme les fondateurs de Hexa, c’est via la valeur des entreprises qu’ils font naître qu’ils pourront se rémunérer. Ainsi, au moment où la start-up lève ses premiers fonds, les associés des studios obtiennent 5% sur la trentaine de pour cent conservés par Hexa à côté des premiers investisseurs extérieurs (environ 20%) et des cofondateurs (CEO-CTO) qui conservent, à ce stade, la majorité.

Les 25% détenus par Hexa s’expliquent tout à la fois par les investissements réalisés (ce sont eux qui financent la première année de développement) et par la valeur de la marque et du support de Hexa. “On apporte du capital financier et humain”, insiste Quentin Nickmans. Une valeur que tout l’écosystème confirme. Pour Seraphie de Tracy, “les six premiers mois comptent triple au sein du studio. Hexa décharge les entrepreneurs des activités annexes pour leur permettre de se concentrer sur le produit et l’acquisition client. Si j’avais dû créer Cohort sans intégrer Hexa, cela aurait été plus long et plus fastidieux. C’est évident !”
“Les six premiers mois comptent triple au sein du studio. Si j’avais dû créer Cohort sans intégrer Hexa, cela aurait été plus long et plus fastidieux.” – Seraphie de Tracy
L’année 2024 a confirmé que le modèle de start-up studio tel que déployé par Hexa était en mesure de passer à l’échelle. Une dizaine d’entreprises sont nées en 2024, deux fois plus qu’en 2023, et trois fois plus qu’en 2021. Et ce, dans des domaines très diversifiés. On trouve ainsi DermaScan, qui révolutionne le dépistage du cancer de la peau face à la pénurie de dermatologues ; Tandem, des agents IA intégrés pour simplifier l’usage des outils SaaS ; Basalt, une plateforme collaborative pour concevoir et optimiser des fonctionnalités IA ; Annette, qui propose une approche innovante pour la gestion durable de la perte de poids…
“Hexa est une machine solide qui a déjà démontré, dans l’univers du SaaS, qu’elle est capable de créer des succès, nous glisse un observateur avisé. Mais tout le défi, à présent, sera de voir si l’industrialisation de l’approche sera susceptible de mener au même résultat avec les nouvelles boîtes. Ce sont des marchés différents, avec des dynamiques et des investisseurs potentiellement différents qu’il faudra également parvenir à convaincre. Les prochaines années permettront de confirmer si c’est le cas, si des licornes peuvent s’en dégager également. Sur papier, tout semble possible.”
En tout cas, le “track record” d’Hexa à ce stade est un succès. Une valorisation de presque 5 milliards de dollars (pour la totalité des entreprises, Hexa ne possédant évidemment plus 100% des parts), pas moins d’un milliard de dollars levés par l’ensemble des 48 boîtes créées. Et sur ce nombre d’entreprises, une dizaine a été revendue et seulement six ont été arrêtées. Avec une méthodologie qui a déjà fait ses preuves et une ambition clairement assumée, Hexa pourrait bien ne plus seulement être un acteur qui compte dans la tech européenne… Mais carrément en devenir l’un des piliers.
10 start-up revendues: Textmastr, Mailjet, Mention, Okko, Canyon, Hivy, Foxintelligence, Numeral, Fleex et Briq.

Trois questions à Quentin Nickmans sur les licornes: “On ne crée plus des licornes comme il y a cinq ans”
TRENDS-TENDANCES. Depuis Front, Aircall et Spendesk, aucune nouvelle licorne n’a émergé dans votre portefeuille. Le rythme s’est-il ralenti ?
QUENTIN NICKMANS. Aircall et Front ont été créées chez nous en 2014-2015. Elles sont devenues des licornes en 2020-2021, soit cinq à six ans plus tard. Spendesk, c’est pareil : créée en 2016, valorisée comme licorne dès 2021. Mais ce timing n’est plus représentatif du marché actuel. À l’époque, on valorisait des entreprises qui faisaient 30, 40 ou 50 millions de revenus récurrents sur base d’une croissance de 100% ou plus, sans vraiment regarder les pertes ou le cash utilisé pour y arriver. Aujourd’hui, ce modèle ne tient plus. On valorise des croissances plus efficientes, donc plus lentes. Par conséquent, le temps nécessaire pour atteindre le statut de licorne est forcément plus long.
Cela veut-il dire que vos start-up les plus récentes sont “moins bonnes” ou ont moins de potentiel ?
Pas du tout. Le paradigme a changé. Ce n’est pas que les boîtes sont moins solides, c’est que les règles du jeu ont évolué. Par exemple, Swan, qui réalise aujourd’hui plusieurs dizaines de millions d’euros de chiffre d’affaires récurrent, aurait probablement été considérée comme une licorne en 2021. Aujourd’hui, ce n’est pas encore le cas. La logique actuelle donne plus de valeur à la rentabilité et à l’efficience qu’à la vitesse pure. La période “Growth at all costs” n’est plus. On peut encore faire des licornes, ce ne sera pas plus rare, mais ce sera plus lent, et c’est probablement une bonne chose.
Avec votre ambition de créer 30 start-up par an d’ici 2030, vous attendez-vous à voir naître de nouvelles licornes?
Oui, bien sûr. Si on regarde les cohortes post-2019, les bases sont très solides. Mais il faut accepter qu’une entreprise qui croît à 50 ou 60% – de façon saine – mettra plus de temps à franchir les paliers de valorisation. Il ne faut pas oublier que dans les années fastes, des dizaines de licornes européennes apparaissaient chaque année car elles étaient massivement financées, souvent à perte. Aujourd’hui, les délais entre un tour “seed“, une série A ou B sont bien plus longs. Certaines belles entreprises ne devront peut-être même plus lever des capitaux. Devenir une licorne en trois ans n’est plus la norme. À notre rythme de trois-quatre créations par an à l’époque, créer une licorne tous les 10 projets était déjà remarquable. Aujourd’hui, nous créons déjà 10 entreprises par an donc statistiquement, nous devrions encore en voir naître d’autres. Et avec notre objectif de 30 start-up par an d’ici quelques années, c’est une quasi certitude. Mais sans changement de paradigme à nouveau, elles prendront plus de temps à naître.
Toujours made in Belgium ?
Presque dès son lancement, le studio a fait le choix de miser grand. Et donc international. C‘est ainsi que pas mal des start-up lancées ont été incorporées aux États-Unis, “au plus près du marché et des investisseurs”, nous disent les fondateurs d’Hexa. Ou à Paris, où la scène numérique est nettement plus développée. C’est d’ailleurs là que se trouve le vrai hub du start-up studio “car c’est là que l’on trouve le plus de talents dans le numérique”. Hexa est-il alors encore vraiment belge ? La plupart des entreprises lancées sont françaises ou américaines. Mais l’entité juridique derrière l’écosystème est bel et bien établie en Belgique. Les deux fondateurs vivent en Belgique et le start-up studio historique, eFounders, est désormais mené par Matthieu Vaxelaire, Belge également. D’ailleurs, un bonne partie des financements du studio et du fonds qui l’accompagne désormais provient de familles et d’investisseurs noir-jaune-rouge.
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