Comment la technologie pourrait réduire la charge médicamenteuse des patients

Sur 20 patients soumis à Sam, 19 d’entre eux ont ressenti une augmentation du bien-être pendant les sessions.

Parcourir le désert en montgolfière, plonger depuis un voilier en mer Méditerranée ou encore se balader dans les montagnes, tout cela depuis un fauteuil. Autant de possibilités offertes par la start-up inMersiv Technologies. Son ambition ? Devenir un dispositif de référence dans le monde médical afin d’améliorer le bien-être des personnes institutionnalisées.

Ce sont des oiseaux qui chantent depuis les arbres et le bruit des vagues que l’on peut percevoir… Le temps passe doucement. En fond sonore, la mer se fait plus insistante alors que les arbres commencent à se pencher. Le vent se lève: une tempête tropicale approche. Au loin, on distingue déjà les éclairs.

Ceci est un aperçu de ce que l’on peut vivre au sein de Sam, un dispositif d’immersion à 360 degrés développé par l’entreprise waterlootoise inMersiv Technologies. A l’origine de ce “Système Autonome Multi­sensoriel” (Sam), deux jeunes entrepreneurs : Diana Borcescu (25 ans) et Maxime Jacobs (29 ans).

Les deux fondateurs n’ont pas hésité à laisser de côté leurs études lorsqu’ils décident de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale. “J’étais en plein doctorat d’intelligence artificielle au sein du laboratoire Iridia de l’ULB quand on a décidé de se lancer”, souffle Maxime Jacobs. “Ça ne m’empêche pas de mettre en application ce que j’ai appris sur notre solution”, sourit-il.

C’est lors de la réalisation d’un court métrage qui associait artistes et chercheurs que Maxime Jacobs prend conscience des bien­faits de la robotique humanoïde dans le monde de la santé. “J’interagissais avec les patients par l’intermédiaire de mon robot, c’était une expérience extrêmement enrichissante”, se souvient-il. En parallèle, Diana Borcescu travaillait à la mise en place d’espace numérique dans le milieu de l’art et des soins de santé. “On s’est rendu compte que nos pratiques se rejoignaient”, poursuivent-ils. Les deux jeunes décident alors de s’associer et développent leur produit pendant près de cinq ans. “Il est aujourd’hui commercialisé depuis trois mois”, se réjouissent-ils.

Des résultats prometteurs

Le dispositif de la start-up s’adresse principalement aux institutions qui cherchent un moyen d’améliorer la qualité de vie de leurs patients tout en leur permettant de profiter de soins adaptés. En ligne de mire ? Les patients qui souffrent de troubles psycho­logiques ou neurologiques (anxiété, dépression ou autisme). “L’ambition est de devenir un dispositif médical de référence pour les institutions”, concède Diana Borcescu. Et les entre­preneurs en ont déjà vendu une douzaine, notamment au groupe Korian Belgique qui gère des maisons de repos.

Après un premier test réalisé au sein de la maison de repos La Cambre à Bruxelles – qui est toujours équipée du premier Sam – les fondateurs ont eu l’opportunité de réaliser une première étude clinique au sein de l’hôpital Erasme, grâce à un subside de la Région wallonne. Et les résultats sont encourageants puisque sur 20 patients soumis à Sam, 19 d’entre eux ont ressenti une augmentation du bien-être pendant les sessions. “A long terme, l’objectif est de réduire la charge médicamenteuse et d’anxiolytiques de 80% pour les patients”, poursuivent les fondateurs.

Diana Borcescu
 et Maxime Jacobs, fondateur d’inMersiv Technologies.


Sam se présente sous la forme d’une structure de 3,60 m sur 3,60 m par 2,50 m de hauteur, dans laquelle on pénètre par une petite porte. Celle-ci est complètement insonorisée et à l’intérieur, se trouve uniquement un fauteuil pivotant à 360 degrés de manière à profiter pleinement de l’expérience. Avant de lancer la session, quelques questions sont posées à l’utilisateur : quelles sont ses couleurs préférées ; quels sont les environnements qui lui plaisent ; possède-t-il un animal de compagnie ? “Cela va permettre d’adapter et de personnaliser l’expérience”, précise la CEO, Diana Borcescu.

Plus de 15 décors

Une fois la session lancée, les qua­tre parois du dispositif s’illuminent et révèlent une vision panoramique. L’effet est saisissant : le son bidirectionnel et les murs équipés de ventilateurs renforcent le sentiment de réalisme. Petit détail, les cloisons ne sont pas des sim­ples toiles mais sont solides “afin d’éviter qu’un utilisateur tombe s’il se déplace”, précise Diana Borcescu. L’expérience se déroule sans contrainte physique, cela signifie qu’il n’y a ni bracelet connecté ni casque de réalité virtuelle. “On reste maître de son corps, on ne voulait pas d’une technologie qui isole”, précisent les entrepreneurs.

Plus de 15 décors sont mis à la disposition de l’utilisateur qui peut voyager à tout moment de la journée – que ce soit à l’aube, pendant la nuit ou en pleine journée – et par tous les temps puisque le patient est maître de la météo. A l’utilisateur de choisir dans quel environnement il souhaite évoluer… et se déplacer. “Le patient peut interagir grâce une tablette qui est munie d’un joystick”, commente la CEO. Selon l’environnement, il est possible de nager ou encore de se déplacer en montgolfière. Et un décor ne s’épuise pas facilement puisqu’il s’étale en moyenne sur quatre kilomètres. L’un d’eux atteignant même les 64 kilomètres. “Techniquement, il serait donc possible de se balader plus de deux heures dedans”, glisse Maxime Jacobs, chief technic officer.

D’un point de vue technologique, la start-up a une avance considérable sur le marché.

Les décors proposés sortent direc­tement de la tête des deux fondateurs. “Mais cela ne signifie pas qu’ils sont fictionnels”, assure Maxime Jacobs qui précise que l’objectif n’est pas de perdre pied avec la réalité. Un seul environnement fait exception : celui du bois de la Cambre. Celui-ci a été remodélisé à l’identique afin d’évaluer si un décor réel influence l’expérience immersive. Résultat ? Selon les premiers tests, cela n’a pas d‘incidence sur l’immersion ressentie. En revanche, cela prend trois fois plus de temps de proposer ce service. “Il faut alors tout photographier et filmer afin de seulement remodéliser en 3D”, explique le CTO. Voilà pourquoi les deux fondateurs s’appuient sur des décors imaginés.

Equiper les institutions du dispositif est extrêmement simple puisque la structure est facilement déployable et autoportante. “Pas besoin de travaux ou de posséder des équipements ultra-­technologiques, tout ce dont on a besoin pour que Sam fonctionne, c’est d’une prise”, ajoute Maxime Jacobs. La facilité d’utilisation est un autre élément auquel les fondateurs ont prêté attention. “On ne voulait pas que ça soit une contrainte pour le personnel soignant”, confie la CEO. Les rapports d’utilisation générés en fin de séance sont lisibles et disponibles rapidement.

Innovations technologiques

Sam génère automatiquement un profil médical numérique pour chaque patient grâce à son logiciel de gestion. “Grâce à des algorithmes d’apprentissage automatique, le logiciel s’améliore en fonction des données disponibles”, ajoute Maxime Jacobs qui précise que celles-ci sont stockées localement. Cela signifie que plus le patient utilise le dispositif, plus il s’améliore. Les données disponibles permettent alors de monitorer une session en amont selon le trouble que présente un patient. Exemple ? Une personne qui souffre d’hyperacousie (trouble de l’audition) verra le niveau sonore de la session automatiquement adapté.

Les deux entrepreneurs veulent encore aller plus loin et travail­lent à enrichir leur dispositif de nouveaux développements technologiques. “On est en train de développer la reconnaissance vocale”, poursuit le CTO. L’une des innovations en cours de développement, Sam Vision, est tout à fait inédite. “On parle d’une triangulation avec plusieurs caméras, sans qu’aucun capteur ne soit posé au préalable sur la personne”, détaille Maxime Jacobs. Objectif ? Détecter l’expression des utilisateurs afin d’adapter l’expérience en direct. “On pourrait deviner si la personne apprécie ou non ce qu‘elle est en train de vivre.”

InMersiv Technologies s’est également associée à des docteurs en motricité afin d’étendre l’utilisation du système à des patients en rééducation. Dans cette nouvelle interface, l’appareil proposerait des activités comme le ski, la course ou le kayak de manière à rééduquer les patients de manière ludique. “Des études démontrent que les patients en institution n’ont pas d’appétence pour l’exercice physique, avance la CEO. Les mettre dans un contexte où le paysage défilerait à mesure de leur course les motiverait.” Et l’objectif est d’aller jusqu’à prédire les risques de chute grâce à l’analyse de “32 centres articulaires 30 fois par seconde”. En compilant ces données sur la durée, le
système pourrait donc prédire les risques de chute en observant le patient.

D’autres domaines sont déjà couverts par la start-up qui s’est associée avec Vizion Immo afin de proposer des visites immobilières virtuelles et interactives. La visite d’un bien immobilier peut donc se faire à plusieurs et sans se déplacer. Tout comme dans la version médicale, la session peut être monitorée. L’utilisateur peut donc facilement tester plusieurs types de cuisine mais également changer l’ameublement ou le revêtement du sol. Récemment, inMersiv Technologies a collaboré avec la RTBF pour ses 70 ans avec “Sam Expérience” et a vendu son dispositif au Centre de culture scientifique de l‘ULB qui utilise la solution comme outil d’exposition interactive. “Les possibilités sont illimitées avec Sam mais l’objectif principal est d’être reconnu dans le monde médical”, rappellent les fondateurs.

Afin d’atteindre cet objectif et d’accélérer la commercialisation, inMersiv Technologies prépare une levée de fonds. D’un point de vue technologique, la start-up a une avance considérable sur le marché. “Pour le moment, il n’y a pas de concurrence directe mais ça peut aller très vite”,
prévient la CEO.

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