Comment calculer la valeur de sa start-up? “La base, c’est un bon plan financier”

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Quelle est la valeur des start-up ? Quelles sont les méthodes pour la calculer alors que l’entreprise n’est pas rentable aujourd’hui ? Et surtout quels sont les enjeux de ce prix ? Nous avons fait le tour de la question avec Claire Munck, CEO de BeAngels, et Pierre-Alexis Léonard et Louis Vanheurck, CEO et COO de dups.

Tôt ou tard, une start-up sera mise devant la question de sa valorisation. Combien vaut-elle, et sera-t-elle la prochaine licorne ? Elle se pose, le plus souvent, lors d’une levée de fonds auprès d’investisseurs. Ils placent une somme d’argent dans l’entreprise et reçoivent une part en échange. Mais une évaluation peut aussi se faire lors de la vente, lors de l’établissement d’un plan de rémunération avec des actions, ou lorsqu’un actionnaire quitte le navire.

C’est ce que nous expliquent Pierre-Alexis Léonard et Louis Vanheurck, respectivement CEO et COO de dups, une boîte qui accompagne les start-up dans l’élaboration d’un plan financier et d’une valorisation, mais également dans la gestion des aspects juridiques, la mise en relation avec des investisseurs, etc. Avec BeAngels, plateforme qui regroupe les investisseurs et les entrepreneurs et qui vient de fêter ses 25 ans, dups a récemment publié un rapport sur l’évaluation des start-up en Belgique. Pour combler une lacune, nous explique Pierre-Alexis Léonard, car il n’y existait que de la littérature sur l’évaluation d’une PME.

Le plan financier

La base de toute chose est le plan financier. Les entrepreneurs indiquent leurs objectifs sur les mois ou années à venir. Il sert ensuite, la plupart du temps, à calculer la valeur. Et comment fait-on un bon plan financier ? “Il faut être cohérent, explique Pierre-Alexis Léonard. Il doit tenir la route. Si on met la barre trop haut, l’investisseur peut ne pas le trouver crédible et renoncer au projet. Ou il investira, mais à des conditions plus dures. Ce qu’on essaie de gagner avec un plan financier trop ambitieux, on le peut le perdre en gouvernance.”

Au contraire, un plan financier qui n’est pas assez ambitieux et ne montre pas assez de croissance n’intéressera pas les investisseurs non plus. “Il faut une balance entre l’ambition et le réalisme”, complète Louis Vanheurck.

Les méthodes de valorisation

Une fois le plan financier fait, l’entreprise pourra (faire) calculer sa valeur. Il existe différentes méthodes. Celle des “multiples” est le plus souvent utilisée. On essaae de trouver une transaction récente (par exemple une vente) ou une entreprise similaire (dans le même secteur ou au même stade de développement), puis on applique les multiples boursiers, comme le ratio d’entreprise/ebitda, avec des décotes à cause du risque de non-liquidité des actions privées ou des premiums à cause de la croissance rapide. Une autre méthode est le discounted cash flow qui se base sur les liquidités que génère une entreprise. Ou encore la méthode VC (venture capitalist, ou investisseur à capital risque) : on part du rendement que souhaite obtenir l’investisseur sur une période donnée pour déterminer la valeur d’aujourd’hui.

“Tout dépend de la maturité et du chiffre d’affaires, qui va déterminer la méthode utilisée. La difficulté, c’est que les jeunes start-up ne sont pas encore rentables. Mais la valeur ne peut pas être zéro. Il faut valoriser le travail fait en amont, le produit et les perspectives. On travaille donc avec des projections : ce qui est risqué et sensible. Il faut ainsi ramener la valeur à aujourd’hui, avec un facteur risque”, détaille Pierre-Alexis Léonard.

La levée de fonds

Lorsque la valeur est établie, les entrepreneurs vont se présenter devant les investisseurs. La première question qu’ils doivent se poser est : “De combien d’argent ai-je besoin et quel capital suis-je prêt à ouvrir aux investisseurs ?”, résume Claire Munck, CEO de BeAngels.

Les investisseurs ont aussi fait des calculs pour établir une valeur. Des discussions ont donc lieu, pour “valider l’ensemble des hypothèses prises sur la croissance et arriver à une valeur qui satisfait tout le monde, explique Claire Munck. Faute d’accord sur le prix, si le delta est trop important, on peut toujours réaligner les objectifs plus tard, avec un mécanisme de relution.” Les investisseurs vont placer leur argent pour la valeur qu’eux estiment juste, et si les entrepreneurs atteignent les objectifs, ils auront droit à plus d’actions, sur base de la valeur que ces derniers avaient fixée.

“Si on n’a pas un bon feeling, il vaut mieux laisser tomber.” – Claire Munck (BeAngels)

Si Claire Munck peut donner un conseil aux entrepreneurs qui lèvent des fonds, c’est de prendre le temps. “Oui, on dit qu’il faut aller vite, c’est vrai, mais il ne faut pas bâcler les choses, il faut prendre le temps de bien les faire”, dit-elle. Il faut bien analyser les conventions d’actionnaires, comprendre les clauses et poser des questions à des organismes qui ont de l’expertise. Et surtout : “si on n’a pas un bon feeling, il vaut mieux laisser tomber. Cela vous coûtera plus cher de prendre cet argent que de ne pas le prendre”, conseille la CEO aux entrepreneurs mais aussi aux investisseurs.

Et quand faut-il s’y prendre ? “Une levée de fonds dure entre six et douze mois en moyenne. Si l’on s’y prend lorsqu’il nous reste trois mois de cash, on va négocier dans des conditions très négatives”, avertit Pierre-Alexis Léonard. Les deux hommes de dups conseillent de ne pas céder plus de 30% des parts par levée.

La grande divergence : produit ou équipes ?

Le rapport montre qu’il y a une grande différence entre les entrepreneurs et les investisseurs : l’aspect qu’ils jugent le plus important pour réussir. Pour l’entrepreneur, c’est le produit. Pour l’investisseur, l’équipe. “Si le produit ne marche pas, une bonne équipe peut par exemple lancer un autre produit”, explique Pierre-Alexis Léonard.

Mais qu’est-ce qu’une bonne équipe pour un investisseur ? Pierre-Alexis Léonard souligne que la complémentarité est un élément essentiel – “la présence de personnes avec de l’expérience qui peuvent challenger les fondateurs” – faute de quoi des investisseurs vont renoncer au projet. L’absence de conflit sous-jacent est également cruciale.

“Si l’on s’y prend lorsqu’il nous reste trois mois de cash, on va négocier dans des conditions très négatives.” – Pierre-Alexis Léonard (dups)

Qu’est-ce que cela veut dire pour les start-up ? Cela permet de savoir à quoi un investisseur va faire attention quand on présente son projet devant lui, précise Claire Munck. “Cela aide chaque côté à mieux se comprendre. Il faut réduire l’asymétrie de l’information et amorcer des dialogues pour mieux pouvoir travailler ensemble. On est tous dans le même bateau ; il faut qu’on rame dans la même direction.”

Le rendement

La levée de fonds s’est bien passée et le deal est signé. Quelles sont les chances de réussir, ensuite ? “99% des plans financiers ne se réalisent pas comme projeté”, met en garde Pierre-Alexis Léonard. Certains font beaucoup mieux, d’autres se plantent complètement. “C’est le jeu du capital à risque. Sur 10 start-up dans lesquelles on investit, une va avoir une croissance folle. Trois à quatre vont se débrouiller et le reste aura disparu. Celle qui cartonne permettra de se rattraper”, complète Louis Vanheurck, suggérant qu’il est important de se diversifier et de ne pas tout miser sur une seule entreprise.

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