Malgré la destruction totale de son emblématique scène principale, Tomorrowland 2025 poursuit son édition avec résilience. Grâce à des assurances bien négociées, une structure financière solide et un modèle économique rodé, le festival limite l’impact de l’incendie.
L’impressionnant incendie qui a ravagé mercredi soir la scène principale du festival Tomorrowland n’a pas interrompu l’événement. Deux ans de création et des mois de travail sont partis en fumée en à peine une heure. La direction a rapidement rassuré les festivaliers sur base d’une communication très transparente: l’édition 2025 est maintenue sur base de plusieurs scénarios évoqués, avec un plan de reconstruction accéléré de la scène principale et une mobilisation exceptionnelle des équipes techniques. L’organisation l’assure : dans tous les cas, le festival reprendra à 100% à partir de samedi à 12h00.
Une situation financière sous contrôle
Sur le plan financier, les premiers éléments indiquent que la situation est largement sous contrôle. Le journal De Standaard rapporte que la majorité des coûts liés au sinistre devraient être couverts par l’assurance incendie, une couverture quasi systématique dans le secteur événementiel. « Toute organisation de ce type possède plusieurs polices d’assurance. C’est à chaque organisateur de choisir ce qu’il couvre ou non. Mais je pense que Tomorrowland est certainement couvert contre l’incendie », explique Serge Platel, directeur de la Fédération des Festivals de Musique (FMiV), au journal flamand. La plupart des festivals souscrivent également une couverture en cas de tempête.
Annuler, le pire scénario
Ce sont les annulations – ultime recours pour tout grand festival – qui posent souvent davantage de problèmes aux assureurs, notamment parce que les polices ne couvrent pas toujours les remboursements de billets. Il y a deux ans, les Ardentes avaient dû annuler une seule journée à cause d’une potentielle tempête. Résultat : 8 millions de pertes, souligne Le Soir. Contrairement à d’autres festivals comme Pukkelpop (après la tempête de 2011) ou Gent Jazz (après une annulation), Tomorrowland poursuit sans annulation ni remboursement massif, en préservant l’essentiel : la confiance du public – très peu de festivaliers auraient demandé à être remboursés – et la stabilité financière.
Décors perdus, mais déjà amortis
La scène détruite combinait des éléments décoratifs fabriqués en interne, des décors achetés auprès de fournisseurs et du matériel technique – écrans, enceintes sonores,… – loué. Les immenses décors artisanaux, uniques pour chaque édition, sont totalement partis en fumée. Ils avaient déjà été budgétairement couverts par les recettes de billetterie. Il s’agit donc avant tout d’un gâchis artistique et logistique, pas d’une perte sèche, évoque De Standaard.
Des pertes matérielles lourdes pour les fournisseurs
En revanche, le matériel sonore et visuel présent sur la mainstage qui a lui aussi été endommagé, voire totalement détruit, représente une charge beaucoup plus lourde pour les sociétés de location avec des pertes nettes. La scène, haute de 45 mètres et large de 160 mètres, était équipée de multiples écrans, systèmes d’éclairage, fontaines et installations sonores.
De Standaard détaille la facture :
- Son: 100 enceintes professionnelles à environ 45.000 euros pièce, soit 4 millions d’euros de dégâts.
- Visuel: 1.000 m² d’écrans LED (fournis par Pixelscreen), estimés à 3.000 euros/m², soit 3 millions d’euros.
Les structures métalliques, tours et échafaudages loués auprès des entreprises Stageco et Layher devront également être remplacés. Un simple raccord Layher coûte déjà environ 50 euros, et des dizaines de milliers de ces pièces étaient utilisées, détaille le média flamand. Ce sont donc les sociétés sous-traitantes de location et de prestation technique qui absorberont, dans un premier temps, la perte, en attendant l’intervention des assureurs.
Un effet domino jusqu’au Brésil ?
Tomorrowland conçoit ses immenses scènes pour qu’elles voyagent et soient réutilisées, notamment pour sa version brésilienne. Le décor prévu pour 2025 devait donc être expédié au Brésil pour l’édition 2026. Cette planification ne sera plus possible. L’édition brésilienne de 2025 utilisera encore le décor de 2024 cet automne. L’organisation a donc plus d’un an pour repenser ou reconstruire une nouvelle structure pour 2026.

Une organisation blindée financièrement
Derrière Tomorrowland se cache une entreprise extrêmement rentable. L’organisation reste solidement armée : un bilan financier très sain et d’importantes liquidités en réserve, a analysé notre confère du Trends. La principale société derrière le festival est la SRL Weareone.world. Depuis 2022, elle affiche d’excellents résultats. L’année 2022 a été un record absolu, après deux années de pertes consécutives. En 2021, les fonds propres étaient même passés en territoire négatif. Aucun festival n’a pu être organisé en 2020 et 2021 à cause de la pandémie. Tous les tickets vendus pour 2020 avaient été reportés à 2021, puis à nouveau à 2022. Seule une édition numérique a été organisée durant cette période.
Avec près de 32 millions d’euros disponibles rapidement, Tomorrowland peut encaisser un choc imprévu.
2022, l’année du rebond
En 2022, Tomorrowland a pu organiser trois week-ends de festival à Boom – un extra par rapport à la normale, pour compenser les deux années perdues. « Nous avons pu reconstituer nos réserves », note le conseil d’administration dans le rapport annuel de l’exercice 2022. Après deux exercices dans le rouge, le festival a généré un impact économique estimé à 173 millions d’euros pour la Flandre et la Belgique (selon une étude d’Idea Consult). Tomorrowland insiste régulièrement sur cet impact économique majeur. Les exercices 2023 et 2024 de Weareone.world sont également restés solides. L’entreprise ne verse aucun dividende, ce qui lui permet d’accumuler d’importantes réserves de liquidités à court terme :
- Fin 2024, elle disposait de 2,2 millions d’euros de cash immédiatement mobilisable
- Et de près de 21 millions d’euros d’autres placements de trésorerie, dont 15 millions d’euros sur des comptes bancaires à préavis court (moins d’un mois).
- Aucune dette bancaire n’est recensée.
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Le secteur horeca en profite largement
Au-dessus de Weareone.world, on trouve la holding consolidante M&M Management SRL, qui a publié pour la première fois en 2024 ses comptes consolidés. Cette structure détient notamment TL Travel, la filiale qui vend les tickets et packs voyages de Tomorrowland. Elle a généré l’année dernière :
- 59 millions d’euros de chiffre d’affaires
- 11,4 millions d’euros de bénéfice d’exploitation
Le total du bilan consolidé de M&M Management atteint 127 millions d’euros. Fin 2024, la holding disposait de près de 32 millions d’euros en cash ou placements liquides. Elle peut donc absorber des chocs comme l’incendie récent. Elle affiche également très peu de dettes bancaires.
- Chiffre d’affaires consolidé : plus de 244 millions d’euros
- Résultat d’exploitation : 34 millions d’euros
- Nombre d’employés : 283
- Aucun dividende distribué.
Cette solidité financière permet au festival, véritable machine à cash, d’encaisser sans trop de douleur les coûts non couverts par l’assurance, et d’assurer la continuité sans recourir à de la dette.

Debby Wilmsen, calme et résilience au cœur de la tempête
Depuis l’incendie de la scène principale ce mercredi soir à 48h de l’ouverture du plus important festival de musique électro au monde, elle est sur tous les fronts. Porte-parole de Tomorrowland depuis 2011, Debby Wilmsen, 42 ans, incarne rigueur, franchise et réactivité. Elle est la voix du festival dans la tourmente. Journaliste de formation, aujourd’hui à la tête de l’agence de communication anversoise Diamond & Pearls, qu’elle a fondée avec son partenaire Frédéric De Gezelle, elle gère de main de maître, avec une grande sérénité la communication de ce géant mondial de l’événementiel. Si au cours des autres éditions, elle manœuvrait davantage en coulisses, le drame de cette année l’a projetée sous le feux des projecteurs. Epaulée par son équipe de communication, elle a géré avec un grand professionnalisme et un optimisme indémontable les multiples demandes des médias et les conférences de presse successives organisées pour informer de l’état de la situation.
« Une optimiste qui prévoit toujours le pire »
Son style est clair, direct, sans langue de bois, mais toujours avec une touche humaine. Lauréate du prix de porte-parole corporate de l’année 2024, elle se définit comme « une optimiste qui prévoit toujours le pire ». Une stratégie lucide, forgée au fil des crises, qui lui vaut aujourd’hui la confiance totale des frères Beers, fondateurs de Tomorrowland. Eux préfèrant rester dans l’ombre, il lui ont délégué tout le volet de communication médiatique, y compris Tomorrowland Winter dans les Alpes françaises et Tomorrowland Brésil, où elle définit aussi les lignes directrices pour la presse internationale.
Son atout maître repose sur une « bible » de Q&A constamment mise à jour, des années de veille médiatique, et une capacité rare à transformer une mauvaise nouvelle en élan collectif, analyse De Standaard. Même après l’incendie majeur qui a touché cette édition 2025, elle l’assure avec force sur le mantra d’unité, de bienvaillance et de « tout est possible» incarné par le festival : Tomorrowland 2025 aura bien lieu, coûte que coûte. “We will unite”, conclut-elle avec optimisme dans son dernier communiqué.