Solvay et les terres rares : “Si on ne le fait pas maintenant, on ne le fera jamais”

Le contexte actuel est bon pour décider d’investir dans une ligne de production de terres rares pour aimants permanents en Europe, selon le CEO de Solvay. “Si on ne le fait pas maintenant, on ne le fera jamais”, a assuré Philippe Kehren alors que l’entreprise belge cotée en bourse vient d’ouvrir une installation de ce type dans son usine de La Rochelle.
L’ambition de Solvay est de développer une chaîne de valeur pour les aimants permanents en Europe, mais elle a besoin des autres acteurs de cette chaîne pour y parvenir. Or, pour le moment, il n’existe sur le territoire européen que de petits producteurs de ce type d’aimants et peu de solutions pour l’approvisionnement.
“Nous avons pour objectif de produire 30% de la demande européenne en terres rares pour aimant permanent d’ici 2030, mais nous ne pourrons pas le faire seuls, nous avons besoin de partenaires et de clients”, a expliqué Philippe Kehren. “Le soutien de l’Union européenne et du gouvernement français sont également indispensables. La France a déjà accepté de participer (à hauteur de 20% via un crédit d’impôt, NDLR), et nous espérons que l’Europe suivra.”
Réduire la dépendance
“On salue l’objectif de l’Europe de réduire sa dépendance aux pays étrangers concernant les terres rares, qui sont des matières premières critiques”, a ajouté le CEO. “Si on veut atteindre cette ambition, il faut qu’on traduise cette directive européenne (l’European Critical Raw Material Act, NDLR) en actions, en réglementations, concrètement.”
Philippe Kehren se veut confiant concernant la suite. “Je pense qu’il y a une vraie intention. On le voit, même dans l’attitude des décideurs politiques, que ce soit en Europe, ou dans les différents États membres”, a-t-il affirmé. “Mais pour le moment, ce n’est qu’une intention, pas des actes.”
“Il faut voir économiquement comment ça peut marcher. Il y a des solutions. Il suffit de donner les bonnes incitations”, a ajouté le CEO de Solvay.
Payer plus pour du ‘premium’
Ce dernier est également convaincu que l’Europe peut être compétitive face à la Chine, qui produit actuellement la vaste majorité des terres rares mondiales. “Bien sûr, on ne peut pas être aussi compétitif que les Chinois, vu leur échelle. Les normes ne sont aussi pas tout à fait les mêmes. On est plus cher aujourd’hui, il y a un ‘gap’, mais qui est relativement raisonnable. Je pense que les clients sont prêts à payer du ‘premium’, mais la question c’est : est-ce qu’ils sont prêts à payer 20% de plus ? Je n’en sais rien.”
“Le contexte actuel est vraiment bon” pour créer une chaîne de valeur complètement européenne, a conclu Philippe Kehren. “Il y a les tarifs (douaniers, NDLR), les risques géopolitiques… Si on ne le fait pas maintenant, on ne le fera jamais, c’est un test pour l’Europe : est-on vraiment capable de faire ce que l’on dit ?”
Produire 30% de la demande européenne en terres rares pour aimants permanents demandera à Solvay un investissement d’environ 100 millions de dollars, soit un montant qui “parait raisonnable”, même si “ça reste beaucoup d’argent”, a complété le CEO.
Solvay inaugure une nouvelle ligne de production de terres rares à La Rochelle
L’entreprise chimique belge Solvay a inauguré mardi une nouvelle ligne de production de terres rares pour aimants permanents dans son usine française de La Rochelle. L’objectif est à la fois de contribuer à l’autonomie européenne en matière de production de terres rares et de soutenir les technologies vertes.
L’usine Solvay de La Rochelle est active depuis 1948 dans le traitement des terres rares et est la seule en Europe capable de les traiter en quantité industrielle, raison pour laquelle la nouvelle installation voit le jour sur ce site. Une partie de l’équipement nécessaire à la mise en place de la ligne de production se trouvait de surcroît déjà sur place, de même que le savoir-faire, ont expliqué le CEO de Solvay, Philippe Kehren et la présidente de l’activité “Special Chem” de l’entreprise, An Nuyttens.
“Notre usine de la Rochelle produisait jusqu’à présent principalement des terres rares destinées à la catalyse automobile. Ce dont on parle là (avec les aimants permanents, NDLR), c’est une toute nouvelle chaine de valeur. En tout cas une nouvelle en Europe, parce qu’elle existe, bien sûr, en Chine”, a précisé Philippe Kehren.
Les aimants permanents sont essentiels dans la construction de moteurs de véhicules électriques, les énergies renouvelables, l’électronique avancée et les systèmes de défense.
Solvay ambitionne de couvrir 30% des besoins européens en terres rares destinées à ce type d’aimants d’ici 2030, mais la nouvelle ligne de production commence à petite échelle, avec quelques centaines de tonnes. “On démarre la production, c’est un tout petit investissement. On a décidé de faire ça de manière volontaire, pour démontrer que ça marche. (…) On a des contrats avec des constructeurs automobiles et éoliens et, si d’autres clients se montrent intéressés, on pourrait faire augmenter la production petit à petit”, a encore ajouté le CEO.