Sodial, le fumage artisanal made in Belgium
Spécialisée dans le salage et le fumage artisanal du saumon, l’entreprise Sodial s’est imposée sur le marché belge. Elle est aujourd’hui le deuxième producteur de saumon fumé du pays.
En tartare, en carpaccio, en filet entier ou en tranche: le saumon, fumé ou non, se présente sous bien des formes. C’est autour de ce produit que l’entreprise Sodial s’est créée, perpétuant l’une des plus anciennes activités de transformation agroalimentaire de Wallonie : la saurisserie. Avec un chiffre d’affaires de 18 millions d’euros en 2022, Sodial est la plus ancienne entreprise belge spécialisée dans le fumage de saumon encore en activité. Parmi ses actionnaires principaux: Christine et Eric Maes, les fondateurs de l’entreprise alimentaire Père Olive, qui détiennent environ 20% du capital.
En ces jours de décembre, dans l’atelier de Jumet, les employés s’activent autour du poisson rose afin de préparer l’ensemble des commandes pour les fêtes de fin d’année. Habituellement, ce sont 50 employés qui gravitent autour du saumon. Mais pour les fêtes, l’effectif a été doublé. Il faut dire que la période représente 20% du chiffre d’affaires, durant laquelle pas moins de 100 tonnes de saumon fumé sont produites, sur les 700 annuelles. “Auparavant, nous étions encore plus dépendants des fêtes, qui représentaient jusqu’à 40% de notre activité”, explique Jean-Luc Abras, administrateur délégué de Sodial. Ce changement de proportion s’explique par le fait que le saumon s’est démocratisé et se consomme davantage le reste de l’année. La période de “rush” a également été raccourcie : elle est passée d’un mois à 10 jours. “Parce que le consommateur s’y prend de plus en plus tard pour effectuer ses achats”, constate Jean-Luc Abras.
Charleroi, terre du saumon
Découpe en tranche, salage et fumage, etc. : le savoir-faire de l’entreprise se cultive depuis 1989. A l’époque, deux autres entreprises de Charleroi fumaient également le saumon, mais l’une – Salmonor, qui a déclaré faillite – a finalement été rachetée par Sodial dans les années 1990. Si le saumon avait tant la cote dans la région, c’est parce que les propriétaires des entreprises étaient également grossistes. “Ils allaient à Rungis afin de s’approvisionner en saumon pour livrer la restauration”, se remémore l’entrepreneur qui rappelle que la Belgique compta jusqu’à 70 fumeurs de saumon en activité. “On associe souvent le poisson à la mer du Nord mais ce n’est pas le cas pour le saumon, poursuit Jean-Luc Abras. Il y en avait même dans la Sambre, il y a très longtemps.”
Durant les fêtes, Sodial produit pas moins de 100 tonnes de saumon fumé, sur les 700 tonnes annuelles.
Aujourd’hui, le saumon de Sodial est issu de fermes d’élevage majoritairement situées en Norvège mais aussi en Ecosse. Celui-ci est acheté entier et arrive frais, plusieurs fois par semaine, dans les ateliers. Avant d’atterrir à Jumet, le poisson fait un détour par les Pays-Bas où un sous-traitant s’occupe de nettoyer et “fileter” le poisson, c’est-à-dire lui couper la tête et le découper en filets.
Une fois chez Sodial, le saumon passe alors par l’étape de salaison. “On recouvre les filets d’une couche de sel qu’on étale doucement à la main afin de le faire pénétrer”, décrit Jean-Luc Abras qui privilégie le salage au sel sec plutôt que l’injection de sel, technique privilégiée par les industriels pour les saumons premiers prix. “En termes de goût, cela n’a rien à voir”, assure le CEO. Après quelques heures, le sel excédentaire est alors rincé au jet d’eau, et les saumons envoyés aux fumoirs. Dans ces salles, l’odeur du bois fumé produite à partir de sciure de hêtre, chatouille les narines. “Celle-ci est mouillée pour éviter qu’elle ne brûle”, précise Sébastien Hanoteaux, le chef d’atelier.
A la main ou à la machine
Chez Sodial, deux sortes de fumoirs cohabitent: les petits fumoirs ancestraux acquis à la création de l’entreprise et les nouvelles cellules de fumage automatique par où passe le plus gros de la production. Un investissement qui permet de contrôler l’ensemble des paramètres – l’humidité, par exemple – lors du processus de fumage grâce à une sonde insérée dans le saumon. “Ces cellules permettent une meilleure uniformisation du fumage”, détaille Sébastien Hanoteaux. Dans ce coin de l’atelier, la température avoisine les 20 °C. “Un bon fumage doit s’effectuer entre 18 à 22 °C”, poursuit-il. Une fois fumé, le saumon passe alors à la découpe : soit à la main, soit à la machine, dans un espace réfrigéré à 6 °C. Mais si le processus est automatisé, Jean-Luc Abras tient à préciser qu’il n’est pas industrialisé. “Il y a toujours des hommes derrière”, assure-t-il. Par exemple, lorsqu’un ouvrier tranche le saumon à la main, il le fait si finement que la lame du couteau peut s’apercevoir à travers le poisson. “La découpe en machine est plus épaisse”, explique Jean-Luc Abras. Seulement voilà, là où un ouvrier découpe 15 saumons à l’heure, les machines les plus performantes en tranchent 90 kilos dans le même laps de temps. Ce qui justifie un coût plus élevé pour un saumon tranché main.
Pour ses trancheuses automatiques et pour le conditionnement de ses plaquettes traiteur, la PME a investi près de 1,6 million d’euros. “Cet investissement était nécessaire pour répondre à la demande de nos clients”, ajoute le CEO. L’entreprise fonctionne en b to b et écoule son saumon via des industriels (surtout pour les chutes et les sous-produits) et la grande distribution, Colruyt et Delhaize en tête, mais aussi dans des magasins bios comme eFarmz ou Ekivrac. Saumon fumé à froid ou à chaud, entier ou tranché, saumon “belle-vue” ou mariné (gravlax)… Sodial élabore diverses spécialités commercialisées soit sous sa propre marque soit en marque de distributeur. “Toujours dans le milieu ou haut de gamme”, précise Jean-Luc Abras. “Nous avons été les premiers à proposer du saumon tranché main en grande distribution”, s’enorgueillit le CEO. Une grande distribution qui représente 85% de son marché, le seul Delhaize assurant 60% du chiffres d’affaires de Sodial, quasiment devenu partenaire privilégié du distributeur. “On a également travaillé pendant 30 ans avec Mestdagh avant qu’il ne soit racheté par Intermarché”. Ou avec les restaurants européens d’Ikea pendant de nombreuses années.
Deuxième producteur belge
L’entreprise écoule environ 90% de son volume en Belgique, le reste partant en Espagne, Italie, France et Luxembourg. Aujourd’hui, le spécialiste du saumon fumé est le deuxième producteur en Belgique, derrière le numéro un mondial, le norvégien Mowi. “Pour moi, Sodial est une équipe de football de division 1 belge qui doit se défendre en Champions League”, évoque Jean-Luc Abras, également friand de football. “Nous n’avons pas les moyens des multinationales mais cela ne nous empêche pas de faire de bons résultats.”
On l’a dit, historiquement, Sodial collaborait plutôt avec des grossistes que des distributeurs mais la concurrence féroce du secteur et la volatilité du produit l’ont forcée à revoir sa stratégie. “Travailler avec des grossistes étaient très bien en soi, mais pas satisfaisant en matière de marges”, justifie le responsable, notamment lorsque le prix de la matière première a crû de 133% il y a quelques années. “Il a fallu revoir totalement notre business model.” Aujourd’hui, environ 90% du volume annuel de sa matière première est liée par un contrat d’achat et de vente. “C’est plus sécurisant”, affirme-t-il.
Nous étions les premiers à proposer du saumon tranché main en grande distribution.”
Jean-Luc Abras
administrateur délégué de Sodial
Des crises, Sodial en a pourtant connues. D’abord parce que l’entreprise fonctionne en monoproduit et se révèle donc plus sensible que d’autres acteurs du monde agroalimentaire. Ensuite parce qu’elle est très dépendante des Norvégiens qui fixent les prix. Le réchauffement climatique n’épargne pas non plus la PME qui doit veiller encore davantage à la qualité de son produit. “Durant les périodes où il fait plus chaud (de juin à septembre), la fermeté des poissons est affectée, ça peut poser problème quant à la texture du saumon”, poursuit l’entrepreneur.
La dernière crise en date – celle du pouvoir d’achat – a également eu de lourdes conséquences sur la demande de poisson. Les prix moyens de l’ensemble de la catégorie ont augmenté de 8% entre juillet 2022 et juin 2023 tandis que le volume consommé par habitant chutait de 5%. ” Le prix de la matière première est quasiment devenue incontrôlable. Cette année, le saumon a enregistré jusqu’à 50% d’augmentation”, révèle l’administrateur délégué. Seule consolation, cette espèce est de loin la plus recherchée et ses parts de marché continuent de progresser : le saumon compte chez nous pour 32% des volumes totaux de poissons écoulés.
La hausse des coûts n’empêche toutefois pas Sodial d’innover. L’entreprise propose par exemple désormais un saumon fumé qui contient 25% de sel en moins. Conséquence: ce produit est passé en Nutri-Score C alors que le saumon est habituellement classé D. Pour arriver à ce résultat, l’entreprise s’est associée à la start-up Posidonia qui travaille dans les salines de Formentera, aux îles Baléares. “Grâce à la présence d’herbes de mer, le sel liquide de Formentera ne contient que 8% de sodium”, détaille Jean-Luc Abras. Soit cinq fois moins que le sel traditionnel “donc meilleur pour la santé et sans conséquence sur le goût”. Sodial a également développé les produits de snacking pendant un moment. Mais travailler sur ce type d’innovation demande une organisation spécifique de l’atelier, notamment au niveau de la gestion des allergènes, que Sodial ne peut se permettre.
Pourtant des idées, Jean-Luc Abras n’en manque pas. “On pourrait innover avec d’autres essences que le hêtre pour fumer le saumon”, suggère l’entrepreneur qui prend le genévrier, le sapin ou l’aulne comme exemple. “On peut aussi parfumer le saumon avec des saveurs de whisky ou de gin. Même si, finalement, je reste un grand défenseur d’un produit naturel : un bon saumon fumé se suffit à lui-même.”
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Sodial
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Siège social:
Jumet
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Secteur:
Visbedrijven
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