Six questions pour repenser la chaîne de valeur agricole (5) : La stratégie européenne “De la ferme à la table” est-elle adaptée ?

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Nous nous sommes interrogés sur l’évolution du revenu des agriculteurs, le rôle de l’Etat, le système de fixation des prix, les accords de libre-échange, la stratégie européenne « de la ferme à la table » et l’organisation de la chaîne de valeur dans l’agriculture. Véronique De Herde, docteure en sciences agronomiques et chargée de recherche FNRS au Centre d’Economie Sociale (HEC – ULiège), nous a répondu.

Le mouvement de protestation des agriculteurs a braqué les projecteurs sur une filière cruciale pour notre société et pourtant peu souvent à la une de médias. Pour comprendre les problèmes, auxquels sont confrontés les agriculteurs, les enjeux et les solutions possibles, nous avons posé six questions à Véronique De Herde. Elle est titulaire d’un master en Histoire contemporaine (ULB, 2005), d’un master en Bio-ingénierie (UCLouvain, 2014) et d’un doctorat en sciences agronomiques (UCLouvain, 2021). Elle est actuellement chargée de recherche FNRS au Centre d’Economie Sociale à HEC – Université de Liège, où elle travaille sur les modèles d’organisation des chaînes de valeur agro-alimentaires. La question du jour :

La stratégie européenne “De la ferme à la table” est-elle adaptée ?

« Ce qui est un progrès, dans la stratégie « De la ferme à la table », c’est de reconnaître, en soi, la connexion entre le produit fini consommé et les matières premières agricoles qui ont contribué à le fabriquer, explique Véronique De Herde. Une faiblesse du dispositif, néanmoins, c’est de partir du principe que les transferts d’information entre acteurs de la chaîne de valeur suffiront à intégrer l’attribution d’une valeur différenciée aux matières premières agricoles produites de manière soutenable. On peut reconnaître là un postulat d’économie néoclassique de plus grande efficience du marché par la transparence de l’information, devant conduire les acteurs, si cela correspond à leur utilité et à leurs valeurs, à modifier leurs préférences en faveur des productions soutenables. La bonne question à se poser à ce niveau-là, c’est le marché à lui seul y suffira-t-il ? », interroge Véronique de Herde.

« Selon moi, il y a un aspect qui est globalement impensé à ce niveau, c’est celui de l’organisation structurelle de la chaîne de valeur : la manière avec laquelle la valeur ajoutée est distribuée tout au long de cette chaîne de valeur et les équilibres de pouvoir qui orientent les stratégies des différents acteurs et leur capacité de choix. Au-delà du renforcement du pouvoir de négociation des producteurs dans la chaîne de valeur, qui est couvert par la stratégie européenne, est-ce qu’une partie de la valeur générée le long de la chaîne peut, elle aussi, être orientée vers le soutien à une agriculture soutenable, et si oui, comment ? »

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