Six questions pour repenser la chaîne de valeur agricole (3): Comment sont fixés les prix?
Nous nous sommes interrogés sur l’évolution du revenu des agriculteurs, le rôle de l’Etat, le système de fixation des prix, les accords de libre-échange, la stratégie européenne « de la ferme à la table » et l’organisation de la chaîne de valeur dans l’agriculture. Véronique De Herde, docteur en sciences agronomiques et chargée de recherche FNRS au Centre d’Economie Sociale (HEC – ULiège), nous a répondu.
Le mouvement de protestation des agriculteurs a braqué les projecteurs sur une filière cruciale pour notre société et pourtant peu souvent à la une des médias. Pour comprendre les problèmes, auxquels sont confrontés les agriculteurs, les enjeux et les solutions possibles, nous avons posé six questions à Véronique De Herde. Elle est titulaire d’un master en Histoire contemporaine (ULB, 2005), d’un master en Bio-ingénierie (UCLouvain, 2014) et d’un doctorat en sciences agronomiques (UCLouvain, 2021). Elle est actuellement chargée de recherche FNRS au Centre d’Economie Sociale à HEC – Université de Liège, où elle travaille sur les modèles d’organisation des chaînes de valeur agro-alimentaires. La question du jour :
Comment sont fixés les prix des produits agricoles ?
« Les prix agricoles de nos jours sont essentiellement fixés par les marchés – avec les cours mondiaux des matières premières comme indicateur directeur, observe Véronique De Herde. Les fluctuations des cours sont répercutées plus ou moins directement et plus ou moins intensément sur les prix payés aux producteurs agricoles selon la matière agricole concernée et la filière de transformation. Par exemple, si vous écoulez vos céréales comme matière première dans les circuits classiques hors marchés à terme, vos revenus suivront les cours mondiaux assez directement. Si vous écoulez du lait via des laiteries, cela dépendra de la politique des laiteries en matière de transformation (quels produits sont fabriqués et à quelle destination), et des effets de ricochet dans le temps des transferts mondiaux, européens et nationaux de production d’une transformation à l’autre suivant les cours à la hausse ou à la baisse. Au-delà de ce cadre général de baisse ou de hausse des cours, il y a évidemment des nuances, en lien avec la destination des productions, la capacité de négociation et la réputation octroyée dans ces négociations à la valeur des matières premières agricoles belges ou européennes ».
« Les coûts de production ne rentrent que peu en considération dans la fixation des prix, si ce n’est de manière indirecte : en ayant un effet de ricochet sur la diminution de l’offre mondiale conduisant à une fluctuation des prix à la hausse, poursuit Véronique De Herde. Ce qui veut dire qu’une augmentation locale des coûts de production ne conduira pas nécessairement à une augmentation du prix obtenu pour la matière première agricole par les agriculteurs. Sauf s’ils sont dans un marché de niche ou une filière organisée, où il est plus compliqué pour le partenaire situé en avant dans la chaîne de valeur de se fournir ailleurs. Mais c’est plus une exception qu’une règle. Ça peut être le cas pour certaines rares productions labellisées pour lesquelles le consommateur pourrait avoir une propension à accepter une augmentation de prix. Encore faut-il que cette augmentation soit répercutée correctement sur le prix à la matière première agricole ».
« Quant à la politique agricole commune de l’Union européenne et les subventions publiques, depuis les années 1990, elles ne jouent plus de rôle d’intervention sur les prix, mais bien sur le soutien général ou conditionné aux pratiques de production des agriculteurs », ajoute Véronique de Herde.
Pour en savoir plus :
Voir la fiche consacrée à l’évolution de la politique agricole commune dans l’ensemble de fiches
« L’état de l’agriculture wallonne » réalisé par la Direction de l’Analyse économique agricole.
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