Pieter Timmermans
“Sire, donnez-leur 145 jours”
Les dés sont jetés. Au lendemain d’une campagne épuisante, qui a d’ailleurs débuté dès l’installation du gouvernement Michel en octobre 2014, ce pays a besoin de paix et de sérénité. L’électeur a toujours raison, mais la formation des gouvernements aux différents niveaux s’annonce difficile. Vu le contexte international actuel et le spectre d’un Brexit dur qui pèse sur l’UE, une répétition de la crise de 2010-2011, avec ses 541 jours sans gouvernement, est tout bonnement exclue. Sire, renversez ce nombre et donnez-leur 145 jours.
L’électeur n’a pas facilité les choses et le fossé semble plus profond que jamais entre citoyen et politique. Lorsque chaque parti aura digéré le résultat des élections, il s’agira de prendre ses responsabilités. L’ingouvernabilité n’est pas une option, ni au niveau régional ni au niveau fédéral. L’électeur a d’ailleurs été très clair : nous voulons des solutions aux problèmes qui nous préoccupent et non des incertitudes ou des querelles. Nous nous permettons dès lors de donner ici une première orientation à la réflexion à mener par les futurs négociateurs. Quelles sont les priorités des entreprises et des citoyens pour les prochaines années ? Le paysage politique a certes évolué, mais les défis qui existaient avant le 26 mai subsistent.
Avant tout, le marché du travail reste l’alpha et l’oméga, le but étant de relever le taux d’emploi de 70% à 75%. Un tel relèvement s’impose pour trois raisons : garantir le financement de la sécurité sociale, augmenter progressivement le pouvoir d’achat des travailleurs et améliorer les pensions à terme. Nous ne pourrons y parvenir que moyennant une politique ambitieuse à deux volets. D’une part, les charges sur le travail doivent encore être réduites pour permettre aux entreprises de créer des emplois supplémentaires. D’autre part, les nombreux freins à l’embauche doivent être éliminés afin de pourvoir les postes vacants. Au niveau fédéral, les coûts salariaux doivent être rendus plus supportables et le droit du travail doit être modernisé. Au niveau régional, le suivi des demandeurs d’emploi doit être plus efficace et aller de pair avec un enseignement qui intègre davantage la digitalisation et poursuit le développement de la formation en alternance.
Une répétition de la crise de 2010-2011, avec ses 541 jours sans gouvernement, est tout bonnement exclue. Sire, renversez ce nombre et donnez-leur 145 jours.
Outre le marché du travail, la congestion routière reste un problème majeur. Une politique cohérente en matière de mobilité doit être rendue possible grâce à un plan de mobilité interfédéral. Ainsi, le rétrécissement de la E40 entre Louvain et Bruxelles constitue le parfait exemple de ce qu’il ne faut pas faire. De même que les normes de bruit et l’absence de liaison directe entre Bruxelles et l’aéroport de Zaventem. Une petite boutade en passant : le Ring de Bruxelles ne commence pas à Grand-Bigard et ne s’arrête pas à Zaventem.
Actuellement, le Belge perd en moyenne une semaine de travail complète (44 heures) dans les embouteillages. Pour faire baisser ce chiffre, toute une série de mesures cohérentes s’imposent, telles qu’une amélioration de la qualité et une extension de l’offre de transports publics, un renforcement des investissements dans le cadre du pacte d’investissement, la mise en oeuvre du budget mobilité et des livraisons silencieuses le soir et la nuit dans et autour des villes. Maintenant que la campagne électorale est derrière nous, peut-être la taxe kilométrique intelligente va-t-elle pouvoir être remise à l’ordre du jour ?
Enfin, la politique énergétique des prochaines années constituera également un incitant majeur pour encourager les entreprises belges et étrangères à investir davantage. Mais celles-ci ont besoin de certitudes. Dès lors, l’objectif doit être de parvenir à une politique assurant un équilibre entre sécurité d’approvisionnement, prix compétitifs et respect de nos engagements environnementaux. Durant la campagne, de nombreuses propositions portaient sur l’un de ces éléments ou combinaient parfois deux éléments mais jamais les trois. Pour y parvenir, il convient d’adopter sans trop tarder une norme énergétique, un programme ambitieux en matière d’isolation des bâtiments dans le cadre du pacte d’investissement, des procédures d’autorisation plus rapides pour la construction et l’installation de sources d’énergie alternatives ainsi qu’une taxe carbone européenne, et d’apporter plus de clarté quant au maintien d’au moins deux réacteurs nucléaires pendant dix années supplémentaires.
En tant que partenaire social, nous souhaitons naturellement soutenir la politique à mener. Les périodes de crise sont toujours plus faciles à surmonter dans les pays où le gouvernement et les partenaires sociaux regardent dans la même direction. C’est pourquoi j’en appelle à conclure dès le début de la législature un nouveau contrat social consacré à la collaboration entre le politique et les partenaires sociaux, avant que chacun adopte une attitude défensive. En effet, nous sommes convaincus qu’une bonne collaboration entre le gouvernement et les partenaires sociaux est essentielle pour pouvoir mener une politique largement soutenue.
La formation des gouvernements promet d’être un véritable casse-tête. Néanmoins, il s’agit de prendre ses responsabilités en apportant des réponses concrètes aux résultats des élections. Même si la tâche s’annonce difficile, il convient d’oeuvrer en faveur d’un accord de gouvernement qui inspire confiance aux entreprises, aux citoyens et à la société civile. “Sire, donnez-leur 145 jours” est un appel à former un gouvernement le plus rapidement possible, sur la base d’un projet pédagogique et socio-économique cohérent, exposant clairement les réformes nécessaires. Ce projet peut faire l’objet de discussions internes, mais il doit être porté et défendu d’une seule voix à l’extérieur. Ainsi seulement, nous pourrons allier perspective d’avenir et sérénité.
Pieter Timmermans, FEB
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