Simone a Soif, Ritchie, Ferm… Ces Petit Poucet belges du soda qui défient Coca
Alors que les boissons alcoolisées locales comme les bières artisanales, vins et gins ont connu une croissance fulgurante ces dernières années, le rayon des softs, lui, reste dominé par les géants du secteur. De petites marques belges entendent toutefois profiter d’un regain d’intérêt des consommateurs pour conquérir l’horeca et les supermarchés. Voici leur stratégie.
Elles s’appellent Simone a Soif, Ritchie ou encore Ferm. Ces petites marques belges de sodas sont bien décidées à se faire une place dans un marché monopolisé par des géants comme Coca- Cola, PepsiCo ou Lipton. Leurs arguments ? Une composition naturelle, une fabrication artisanale et une production locale. Leurs responsables savent toutefois pertinemment bien que la partie ne sera pas simple. ” Tous les grands groupes ont noué des contrats avec l’horeca, les grands festivals, etc. Il n’y a pas beaucoup de place pour les compétiteurs à côté de ces énormes multinationales aux budgets colossaux et à la force de distribution très importante “, affirme Jan Verlinden, patron de Ritchie, qui propose plusieurs limonades ainsi qu’un premier cola belge 100% naturel produit près d’Hasselt.
Les trois acteurs ont lancé la plateforme Belgiancraftdrinks.be qui doit servir de point de contact à tous ceux qui recherchent des sodas belges naturels.
L’homme est cependant persuadé que les habitudes de consommation sont en train de changer. ” Le grand désavantage des marchés monopolisés par une petite poignée d’acteurs est qu’il n’y a pas beaucoup de choix pour le consommateur, dit-il. Si nous offrons des sodas différents, je suis certain que nous pouvons grappiller des parts de marché aux grands acteurs. Il y a 25 ans, le marché de la bière était lui aussi complètement monopolisé. Regardez aujourd’hui le nombre de petites bières locales qui se sont fait une place dans les rayons de la grande distribution. ”
Cofondateur de la marque bruxelloise d’eaux fruitées bios Simone a Soif, Antoine de Menten assure d’ailleurs vouloir s’inspirer du succès des bières, vins et gins locaux. ” Ils ont travaillé en réseau, dit-il. C’est ce que nous allons faire aussi. ” Simone a Soif vient ainsi de s’associer avec Ritchie et Ferm, un kombucha à base de thé bio brassé à Bruges. Les trois acteurs ont lancé la plateforme Belgiancraftdrinks.be qui doit servir de point de contact à tous ceux qui recherchent des sodas belges naturels. L’idée est évidemment de toucher les organisateurs d’événements, traiteurs, cafés, restaurants, chaînes de distribution, etc. Mais la plateforme permet aussi aux consommateurs de se faire directement livrer une sélection de références issues des trois marques.
Le défi de la notoriété
” Le plus compliqué est de se faire connaître, affirme le cofondateur de Ferm, Pascal Déotte. C’est justement l’objectif de cette boîte découverte. ” La marque est aujourd’hui présente dans quelque 250 bars et restaurants en Flandre et à Bruxelles. ” La demande s’est créée dans l’horeca, explique le responsable. A Gand ( où la boisson a été lancée il y a deux ans, Ndlr), de nombreux bars ne proposent plus de Coca-Cola. Et à partir du moment où les consommateurs connaissent et apprécient notre boisson, ils la réclament dans leur supermarché. ” Avant le confinement, Ferm était déjà distribué dans plusieurs magasins bios. La marque a depuis quelques semaines fait son entrée chez OKay (groupe Colruyt) et Aveve. ” Il est très difficile d’entrer dans la grande distribution, lâche notre interlocuteur. Ce sont nos collègues de Ritchie qui nous ont introduits. ”
C’est justement là un point important de la stratégie mise en place par ces marques locales pour atterrir dans les rayons des grandes surfaces et sur les cartes des bars et restaurants : la solidarité. ” Nous sommes certes concurrents, mais nous avons tout à gagner à collaborer, assure Antoine de Menten. Tout comme l’ont fait les fabricants de bières artisanales, nous devons créer des synergies au niveau de la logistique, de la livraison, de la communication. Le fait de travailler ensemble nous donnera un pouvoir d’influence beaucoup plus grand. Quand l’un d’entre nous parvient par exemple à entrer chez un grossiste, il essaie de négocier pour les autres. ”
Mutualiser les ressources financières
Depuis plusieurs années déjà, les géants du soda commercialisent eux aussi des boissons moins sucrées, davantage naturelles. On ne compte plus les références d’eaux fruitées et aromatisées. ” Avec son mélange de fruits et de plantes, Evian ( groupe Danone, Ndlr) est clairement notre concurrent, même si nous conservons notre différence en travaillant à base d’hydrolats (vapeurs de plantes) et de vrais fruits, poursuit-il. Maintenant, ce shift général du marché vers les eaux fruitées plus saines est une bonne chose. Grâce leur force de communication, les grands groupes parviennent à financer le changement de comportement du consommateur. Cela nous ouvre la voie. ”
Reste que les multinationales du soda ont corseté le marché en nouant une multitude de contrats avec les établissements horeca et les organisateurs d’événements. ” Il est, par exemple, très difficile pour une salle de spectacle qui a besoin de sponsoring de délaisser ces grandes marques pour passer chez nous “, explique le cofondateur de Simone a Soif. C’est donc également pour cette raison que les trois marques ont décidé de travailler main dans la main. ” Si une grande salle veut nous référencer, nous avons à présent davantage de moyens pour investir dans de la publicité. ” Depuis l’annonce de cette alliance, les trois marques de soft drinks ont d’ailleurs été contactées par un grand club de football désireux de revoir sa carte. ” En travaillant chacun dans notre coin, cela n’aurait jamais été possible “, assure Antoine de Menten.
Point important de la stratégie mise en place par ces marques locales pour atterrir dans les rayons de la grande distribution et dans les bars et restaurants : la solidarité.
Une offre clé sur porte
En plus de permettre la mutualisation des ressources financières, cette collaboration a aussi pour but de proposer aux clients une offre clé sur porte. Les trois boissons sont en effet complémentaires et permettent aux établissements horeca de redessiner leur carte de manière cohérente. ” Je reçois de plus en plus de demandes de bars et restaurants qui disent en avoir marre des grandes marques et vouloir offrir à leurs clients des produits plus naturels, assure Jan Verlinden. A la foire Horecatel de Marche-en Famenne en début d’année, j’ai clairement pu remarquer que l’horeca était à la recherche de nouveautés pour son offre de softs. Le problème, c’est que tous les grands acteurs de l’horeca qui font des volumes ( et le secteur du soft fonctionne sur de gros volumes et de petites marges, Ndlr) ont des contrats avec des grands groupes. Ces derniers sont souvent très agressifs et poussent pour que tous leurs produits soient référencés. Certains établissements décident de rester indépendants mais ne reçoivent du coup aucun sponsoring. ”
A ce jour, les limonades et le cola Ritchie sont disponibles dans près de 1.000 restaurants et bars ” branchés “, comme le dit leur fondateur. Ces sodas sont aussi présents chez Colruyt pendant les mois d’été ; Spar, OKay et Aveve durant toute l’année. Le défi, dans le retail, n’est pas moins grand. ” C’est bien d’y entrer, encore faut-il y rester, lâche Jan Verlinden. La règle est impitoyable : si nous n’enregistrons pas un taux de rotation suffisant, nous perdons notre place dans les rayons. Pour conserver cette rotation, nous devons augmenter notre notoriété auprès des consommateurs. C’est aussi l’un des objectifs de la boîte de découverte. ”
Pour l’instant, la plateforme Belgiancraftdrinks.be ne rassemble que trois acteurs locaux, mais les responsables des trois marques n’excluent absolument pas d’élargir le cercle. ” Nous n’avons pas intégré plus de marques car nous voulions conserver certaines valeurs, explique Antoine de Menten. Tous les candidats doivent proposer des boissons naturelles et belges, saines et sans additifs. Par ailleurs, nous n’acceptons pas les marques trop petites car il s’agit d’être capable de produire en suffisance. Mais l’objectif est bien évidemment d’étudier la candidature d’autres acteurs. ” Une chose est en tout cas certaine : même si les défis sont grands, la révolution des sodas locaux est en marche. Alors, avec ou sans glaçons ?
Sur le marché depuis 2016, cette marque bruxelloise fondée deux ans plus tôt par Antoine de Menten, Agnès Bonfond et Alexandre van der Vaeren propose à ce jour six références d’eaux fruitées certifiées bios. Leur particularité ? Elle sont produites à base d’hydrolats (vapeurs de plantes), de vrais fruits, et ne renferment ni sucre, ni additifs. Fabriquées chez un producteur de jus de pomme situé dans le Limbourg néerlandais, elles sont commercialisées chez Delhaize, dans les mini-chaînes bios Färm, Bio-Planet (Colruyt) et Sequoia, et dans plus de 500 magasins bios indépendants, bars et restaurants. La marque, qui a grandi jusqu’à présent grâce à deux levées de fonds (un peu moins de 600.000 euros), a créé son propre webshop pendant le confinement. Parmi les investisseurs : l’ex-CEO de Delhaize Pierre-Olivier Beckers, membre du conseil d’administration et de l’ advisory board. Son chiffre d’affaire est aujourd’hui d’environ 300.000 euros et sa production de 1.000 hl. Enfermé dans des bouteilles en verre, le breuvage sera peut-être bientôt disponible en canettes. La marque va en effet tester en août l’une de ses références (rhubarbe/lavande) en mode pétillant dans ce conditionnement, histoire de faciliter la consommation on the go, d’entrer dans les écoles, stations-services et sandwicheries, et de conquérir les frigos des grandes surfaces, en plus du rayon ” eaux fruitées “.
Créé en 2018 à Gand par Pascal Déotte, Wouter Vandegehuchte et Kester Goh, ce kombucha brassé à Bruges est aujourd’hui disponible dans quelques 250 bars et restaurants en Flandre et à Bruxelles. Décliné en quatre références, le thé fermenté biologique est aussi commercialisé dans les rayons de quelques magasins bios comme Färm, et depuis peu chez OKay et Aveve. Ayant produit 500 hl, l’an dernier, la petite marque belge espère atteindre 1.000 hl cette année. Ses responsables ont aussi crée leur webshop pendant le confinement et exportent leurs produits en France, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Suède, en Italie et en Espagne.
C’est en 2016 que Jan Verlinden décide de relancer la limonade créée par son père dans les années 1950, produite jusqu’en 1979 dans la brasserie familiale Verlinden, à Lubeek. Cette limonade pétillante dont la production est sous-traitée près d’Hasselt est fabriquée à base d’ingrédients d’origine naturelle et sucrée avec du sucre de canne. Elle existe en trois goûts, sans compter le premier cola belge 100% naturel, dont l’acidité vient d’un mélange fermenté de jus de citron et de pomme, et dans lequel le caramel synthétique a été remplacé par du malt d’orge. Le breuvage est disponible dans près de 1.000 établissements horeca, ainsi que chez Colruyt (pendant l’été), OKay, Spar et Aveve. L’entreprise s’apprête à lancer une version ” zéro ” de son cola, sucré cette fois avec de la stévia, de l’érythritol et une petite quantité de sucralose.
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