Sébastien Bellin: “Plus il y a des extrêmes, plus les entreprises ont besoin de résilience”
Sébastien Bellin, sportif de haut niveau et ancien international de basket ball, est l’un des survivants des attentats de Bruxelles, à Zaventem. “Je veux transformer cette détresse en énergie positive. J’ai eu de la chance, beaucoup d’autres n’en ont pas eue. Je veux démontrer qu’il y a moyen de se sortir des situations les plus compliquées à force de volonté.” Dans le cadre des Trends Impact Awards, il nous parle de résilience, en entreprises mais surtout dans la vie.
De la volonté et de la ténacité, Sébastien Bellin en a! En 2018, il expliquait à SportFoot Magazine que, suite aux attentats à Zaventem, il avait dût lutter d’abord pour rester en vie, ensuite pour essayer de sauver une jambe, puis l’autre. Trois mois d’hospitalisation à Erasme, puis un mois de revalidation à l’Université du Michigan : “A ce jour (en 2018, ndlr), j’ai subi 11 opérations. La 12e est prévue pour début juin. Je n’ai plus aucune sensation dans la jambe gauche. Je resterai handicapé à vie, mais je suis toujours en vie, je marche et je commence à courir.”
Plus tard, d’autres dates sont venues démontrer que celle du 22 mars 2016 pouvait être surmontée à force de courage et de résilience. Il y a eu tout d’abord le 1er février 2018, le jour où Sébastien Bellin est devenu le manager général du Spirou. Ensuite, le 27 mai 2018, date à laquelle il a bouclé les 20 kilomètres de Bruxelles. Plus récemment (6-8 octobre 2022), Sébastien terminait l’Ironman d’Hawaii en 14 heures 39 minutes et 38 secondes, soit 3,8 kilomètres de natation, 180 kilomètres à vélo et les 42 kilomètres d’un marathon, qui composent ce triathlon, considéré comme un des plus difficiles au monde.
Résilience mais en entreprise ?
Si tout le monde connait le terme “résilience” s’appliquant à l’être humain, qu’en est-il de la résilience des entreprises. En terme entrepreneurial, on peut définir la résilience d’une entreprise comme étant la capacité de celle-ci à s’adapter, se développer et perdurer bien que baignant dans un environnement incertain et potentiellement menaçant pour sa pérennité/survie.
Les facteurs menaçant cette pérennité sont aussi nombreux que variés: la crise sanitaire que nous avons connue en 2020, une crise économique comme en 2008, un facteur comme la flambée des prix de l’énergie, résultant d’un conflit de par le monde … La résilience d’une entreprise sera sa capacité à mettre en place différents facteurs pour faire face à ces différentes crises
Dans le cadre des Trends Impact Awards, dont il est l’un des représentants, Sébastien Bellin nous parle de crise, mais surtout de résilience et de l’importance de l’équilibre et du qualitatif.
Dans le contexte actuel (crise économique, crise énergétique…) il y a-t-il encore de la place pour la résilience, ou plutôt du temps pour la résilience? Tout se passe désormais si vite, les entreprises ont-elles le luxe de ce temps ?
Je trouve qu’au plus il y a des extrêmes, au plus on aura besoin de résilience. La résilience c’est rester en équilibre dans un monde qui bascule facilement vers les extrêmes, et cet équilibre, c’est tous les jours qu’il faut le trouver. En étant résilient, on est moins affecté par les crises.
Or l’équilibre, c’est quand la quantité et la qualité (de services, de personnel) ne sont pas opposées mais vont de pair, travaillent ensemble. Une entreprise ne sentira pas la crise si elle est à ce point d’équilibre.
Dans le monde du business, c’est très compliqué de trouver cet équilibre : on crée de la quantité, mais la qualité est mise de côté. Je pense qu’on peut voir ces différentes crises comme une opportunité de rééquilibrer. Mais pour se rééquilibrer, il faut aussi prendre le temps de la réflexion, du recul, de remise en contexte… C’est un temps nécessaire.
Pensez-vous que les crises actuelles ont-elles amené les entreprises à être plus résilientes ? Empathiques ?
L’empathie, la tolérance, la discipline, la volonté… sont des qualités d’une approche, d’un état d’esprit (mind set) qualitatif et elles ne sont pas mesurables, en opposition avec une approche quantifiable ; or tout ce qui est quantifiable, qui se mesure, a ses limites. Dès qu’on peut mesurer quelque chose, il est inévitable qu’on va arriver à une limite. Une façon de penser basée sur la quantité est par essence limitée ; et le moindre changement va créer de l’angoisse, ce qui ne fera qu’amplifier la crise. On voit actuellement beaucoup culture d’entreprise qui sont focalisées sur du mesurable, et là cela va faire mal en temps de crise.
Quand on est dans une culture, une façon de penser qualitative, on est vachement mieux armé pour affronter les crises ; en ne se focalisant pas sur la quantité, on passe beaucoup mieux à travers les crises.
J’ai eu la chance de connaître différentes cultures, étant né au Brésil et ayant vécu aux Etats-Unis. J’ai pu prendre le meilleur de ces cultures pour trouver mon “équilibre” ; se laisser de la place pour saisir les opportunités de la vie. J’espère que cette crise nous amènera donc à une façon de penser qualitative, je ne crois pas aux crises quand on a justement cette mentalité, car quelqu’un qui ne mesure pas va se concentrer sur la qualité de vie et va s’en sortir.
Selon vous de quelle façon la résilience peut venir en aide aux entreprises ?
En retrouvant l’équilibre entre qualité et quantité. Le problème larvé de beaucoup d’entreprises est qu’elles n’ont pas créer d’espace pour l’opportunité, pour grandir. Il leur faut donc créer une culture d’entreprises basée sur le non mesurable, sur la qualité et c’est cela qui permettra de passer au travers des différentes crises.
Et cela, cela commence dès l’enseignement ! Comment crée-t-on des jeunes qui ont une passion dans la vie (que cela soit l’art, le sport, …) quelque chose qui n’est pas quantifiable car c’est de l’ordre du passionnel et on ne mesure pas cela, alors que notre société est de plus en plus nerveuse avec tout ce qui ne se mesure pas. Et c’est ridicule ! Actuellement on crée très peu de profils passionnés or la société en a besoin. Si la nouvelle génération n’a pas cette “hargne”, c’est nous qui l’avons créée… c’est le revers de la médaille.
Il faut donc retrouver cet équilibre, cette résilience entre qualité et quantité.
Quels sont, à votre avis, les points les positifs que la résilience peut amener aux entreprises
Créer de la qualité, car on prend souvent l’équation à l’envers, ce n’est pas la quantité qui va créer la qualité mais l’inverse, la qualité va créer de la quantité qualitative. Si une société crée de la qualité, une culture d’entreprise, alors elle sera solide. Si une société s’est créée sur la quantité, elle sera limitée. Car il y a toujours des limites au mesurable, alors qu’il n’y a aucune limite à la qualité.
Combien d’entreprises en Belgique font du sport, du théâtre etc tous ensemble pour créer une culture d’entreprise de qualité, pour être soudé et pas uniquement faire du pognon ? Aux Etats-Unis, c’est dès l’école qu’on essaye d’instaurer cette mentalité, cette culture, alors que pas chez nous.
On parle beaucoup de la Sport Tech belge mais comment y arriver alors que le sport n’est même pas considéré comme un outil pédagogique en Belgique ? Comment réussir si on pense que le sport est juste un truc à faire en plus quand on a le temps et pas un moteur de l’éducation.
On en revient toujours à la culture d’entreprise (état d’esprit), si la Sport Tech belge se veut crédible, elle doit s’en donner les moyens dans les deux domaines, celui du sport et celui de la tech. Il lui faut les deux ! Comment imaginer créer une Sport Tech belge alors que dès le plus jeune âge, on crée des profils très limités ? Cela va casser ! Et en Belgique, cela casse très vite. D’où l’importance de revenir à cet équilibre qualité/quantité, mais aussi avec de l’innovation, de la créativité.
La résilience doit nous amener à changer l’approche que nous avons des choses. Aux États-Unis, que cela soit dans le monde du sport ou de l’entreprise, ils vont jouer pour gagner, alors qu’en Belgique, on va jouer pour ne pas perdre. C’est fondamentalement différent dans l’approche, et cette différence c’est la résilience, le mind set (la mentalité). L’Américain n’a pas peur, contrairement au Belge, alors que cela devrait être l’inverse, car si en Belgique on a tout en main, aux Etats-Unis, ils ont ce mind set qualitatif. Aux Etats-Unis, il n’y a pas de limite, si tu oses c’est OK. J’ai été enrichi par cette expérience de no limit.
D’ailleurs, résilience et entreprises, les deux peuvent-ils aller de pairs ?
En osant, en innovant. Aujourd’hui c’est l’innovation qui est récompensée, les entreprises qui sont au top sont les entreprises innovantes. Et là, on en revient encore au non mesurable : l’imagination, la créativité, la résilience… On retrouve de grandes choses chez les jeunes qui ont une passion.
Le problème en Belgique c’est que l’on n’ose plus. Au plus c’est mesurable, au plus on a peur. Pourquoi ? car on attrape rapidement peur quand on voit que le mesurable diminue. Si ce n’est pas mesurable (comme la résilience), on n’a pas peur, car on ne voit rien diminuer, chuter… et alors on ose. La Belgique n’ose plus.
Le mesurable fait peur, tandis que tout ce qui n’est pas mesurable comme la résilience, l’empathique, la qualité, la confiance … permet d’oser. On ne peut pas non plus mesurer l’intelligence émotionnelle si importante. Et qu’est-ce que le marché récompense au final ? ce sont ceux qui osent !
La Belgique n’ose pas assez. Osons un tout petit peu plus, on a tout pour le faire.
Faire face à la prochaine calamité
Mercredi 30 novembre,lors d’une soirée au Brussels Expo, Trends Tendances remetles premiers Trends Impact Awardsà une dizaine d’entreprises particulièrement actives dans la concrétisation des Objectifs pour le développement durable des Nations unies. Economie circulaire, écologie, bien-être, résilience, digitalisation et diversité : ce sont des enjeux majeurs pour le monde économique.
Les lauréats éligibles au sein de la catégorie “Résilience” sont bpost, Proximus et Vivaqua pour les grandes entreprises ; Anatis, Galler et Job’In pour les petites et moyennes entreprises.
Résilience… Les crises que nous avons dû affronter ces dernières années ont mis notre résilience à rude épreuve. La pandémie de covid n’est pas la seule en cause. Un confinement sévère et récurrent en Chine, un porte-conteneurs échoué dans le canal de Suez et l’invasion russe de l’Ukraine ont ainsi exposé les faiblesses de nos chaînes d’approvisionnement. Conséquence: un certain nombre d’entreprises sont en train de relocaliser une partie de leur production afin de mieux se préparer à la prochaine calamité.
Les investisseurs expérimentés savent depuis longtemps qu’ils peuvent répartir leur risque en ne plaçant pas tout leur argent dans une seule action, mais en construisant un portefeuille suffisamment diversifié. A l’instar de la finance qui s’adapte, nombre de projets de résilience énergétique et environnementale fleurissent ici et là. Car, oui, il existe de nombreuses opportunités économiques qui aideront nos sociétés et les citoyens à mieux s’adapter à toutes sortes de perturbations.
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