Salon international de l’alimentation: “Un quart des innovations présentées cette année sont végétales”
Des dés d’algues surgelés à poêler, une imitation de barbe à papa sans sucre grâce à la fibre de chicorée, des condiments sous forme de petits flocons à base de produits cristallisés sans sel… Ces innovations et bien d’autres ont été présentées au Salon international de l’alimentation (Sial) qui rassemble plus de 7.000 exposants venus de 130 pays.
L’objectif du plus grand salon alimentaire mondial qui se tient tous les deux ans à Paris est d‘accélérer la transition alimentaire et être porteur d’innovation pour répondre aux défis auxquels doit fait face l’industrie agroalimentaire. Celle-ci doit être capable de répondre à la transition écologique et environnementale et aux nouvelles attentes des consommateurs. Il doit également prendre en compte l’attractivité des métiers, la reconquête de parts de marché sans oublier la modernisation et la digitalisation. Si la crise actuelle apporte énormément d’incertitudes quant à l’avenir, il en reste assez peu sur le moyen terme. “D’ici 2050, il faudra nourrir 10 milliards de personnes, rappelle Nicolas Trentesaux, directeur général du Sial. Il faudra donc produire plus en sachant que la Terre ne pourra pas le supporter. La transition alimentaire est plus que jamais urgente et nécessaire. Or, pour ne pas subir ce changement, il faut oser.”
Pour se démarquer dans le végétal, il faut inventer sa catégorie.
Nicolas Trenteseaux (SIAL)
Oser, c’est ce qu’ont fait les entreprises présentes à Paris pour concilier l’alimentation, l’agriculture et les défis climatiques de demain. Réduction du plastique, solution de traçabilité ou invention de nouvelles catégories d’aliments… Les 450.000 produits présentés répondent aux besoins des consommateurs et des industriels.
Une tendance qui n’est pas nouvelle
“La tendance principale est le végétal“, assure Nicolas Trentesaux qui se félicite que l’évènement ait retrouvé la même taille qu’avant la crise sanitaire. En termes de nouveautés: 10% des innovations mondiales y sont présentées. “Un quart des innovations présentées cette année sont végétales et, pour beaucoup, ce sont des substituts. La multiplication incroyable de l’offre en la matière est notable”, poursuit le directeur général. Cependant, cette tendance est loin d’être nouvelle puisque cette catégorie de produits existe déjà depuis plus de 20 ans. “En 1998, l’entreprise Sojasun avait déjà reçu un prix pour son steak de légumineuses”, souligne-t-il.
“Pour se démarquer dans le végétal, il faut inventer sa catégorie“, estime le directeur général qui pointe la start-up Zalg qui a développé une aide culinaire très novatrice à partir d’algues (Les Io’dés), des petits cubes d’algues surgelés prêts à être cuisinés. “Ce produit peut répondre aux problématiques mondiales de l’alimentation puisqu’elles sont une ressource accessible à bas prix”, poursuit-il. Très consommées en Asie, les algues sont une source de protéine évidente. Le consommateur européen est-il prêt à cuisiner des algues? “En tout cas, ce produit peut tendre vers leur utilisation car ces cubes sont gourmands, croustillants et répondent au besoin de practicité.”
Cette offre végétale se présente également à la fois comme substituts à la viande, aux poissons mais également aux produits laitiers. “Les produits sans lactose existent depuis longtemps mais de plus en plus de propositions tournent autour du fromage”, ajoute Nicolas Trenteseaux. Parmi les innovations, on pense au camenvert, présenté par une entreprise française, qui dispose d’une croûte fleurie à base de noix de cajou bio. “Le marché des substituts laitiers ultrafrais, désormais mature, s’étend vers des compositions nouvelles, à base d’épeautre ou de chanvre, tandis que la catégorie des substituts de fromage se structure peu à peu”, relève Xavier Terlet, du cabinet de consultance Proteines XTC.
Imitation ou nouvelle catégorie?
La jeune pousse belge Yum-mix a elle aussi misé sur cette tendance végétale. La start-up propose un burger végane et sans gluten à base d’un mix de trois épices et d’eau. En quête d’une commercialisation en grande distribution, elle note un fort engouement pour son produit à l’international, même si quelques contacts sont pris côté belge. “Nous visons un public flexitarien, précise Bernard Perelszteijn, managing director. L’objectif n’est pas de bannir la viande mais de trouver un équilibre en consommant également des produits végétaux.” Le prix du sachet de 100 g avec lequel il est possible de réaliser quatre burgers est de 3,50 euros. “C’était important de rester en dessous de la barre d’un euro par burger”, poursuit Bernard Perelszteijn.
“C’est un territoire compliqué car la majorité des produits végétaux sont des copies. Ils veulent ressembler à des produits carnés ou laitiers, mais n’en sont pas”, analyse Nicolas Trenteseaux qui rappelle que le véganisme ne touche qu’une petite partie des consommateurs, même si la tendance est en progression. La majorité de ceux-ci adoptent un régime flexitarien. En Europe, 39% (+ 4 points) des consommateurs réduisent leur consommation de protéines animales mais mangent encore de la viande. “Nous n’imitons pas la viande”, se défend la start-up Yum-mix qui explique qu’elle aurait pu utiliser la betterave pour donner une couleur rouge similaire à la viande. “Tout le monde connaît le mot burger, c’est un point de référence que les gens ont par rapport à leur alimentation, c’est essentiel pour le marché”, ajoute Bernard Perelszteijn.
Le bio se vend trop cher. Les consommateurs sont devenus attentifs au rapport bénéfice-prix.
Xavier Terlet (Proteines XTC)
“Demain, l’alternative qui fonctionnera, ce sera celle qui ne misera pas sur l’imitation mais qui proposera une autre expérience, avec du goût”, réagit Xavier Terlet. La limite de ces produits étant la confrontation aux attentes de produits naturels, sains et peu transformés. “Il y a une ambiguïté dans cette offre de produits transformés, avec des listes d’ingrédients complexes, des prix assez élevés, alors que le consommateur veut du vrai”, ajoute Nicolas Trentesaux.
L’éthique, nouvel axe d’innovation
La période de la pandémie ne semble avoir remis en cause ni la prise de conscience, ni les attentes fondamentales des consommateurs qui émergeaient fortement il y a deux ans. Ils sont toujours sept sur dix à la recherche de produits sains, sans additifs. L’évolution de ces attentes ne se fait pas au détriment du plaisir, au contraire. En ces périodes assez anxiogènes, l’alimentation retrouve une de ses fonctions essentielles. “L’alimentation, c’est avant tout du plaisir”, résume Nicolas Trenteseaux. Le plaisir est d’ailleurs toujours l’axe d’innovation principal dans l’alimentaire mondial, sur tous les continents, avec près d’une innovation sur deux (47,8%).
Autre tendance qui se démarque dans les innovations, la santé est toujours tendance et conserve sa place de deuxième axe d’innovation alimentaire mondiale grâce à la dynamique de la végétalisation de l’alimentation. La vision de la santé s’inscrit dans une approche des besoins nutritionnels et de bien-être avec des produits revendiquant des teneurs réduites en sel, sucre ou matières grasses. Et quand on ne les réduit pas, on remplace les sucres raffinés par des sucrants naturels (miel, sirop d’érable) ou le sel par des épices ou des sels naturels à teneur réduite en sodium.
Marginale, voire quasi inexistante il y a 10 ans, l’éthique progresse partout et arrive aujourd’hui en troisième position des axes d’innovation au niveau mondial. Elle concerne près de huit innovations sur 100 (7,9% en 2022 contre 2,5% il y a cinq ans). Pour les industriels, l’éthique se traduit principalement grâce à un emballage plus responsable, qui utilise moins de plastique. “Les marques font appel aussi au bioplastique. Sinon, les industriels communiquent sur l’empreinte carbone de leur processus de fabrication ou l’appel à des producteurs locaux. On voit aussi l’utilisation de produits qui auraient été jetés”, explique Xavier Terlet.
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Innovant mais accessible
Même si plus de six consommateurs sur dix sont prêts à payer plus pour manger plus sain, plus sûr et plus durable, la proportion de ceux qui ne sont pas prêts à mettre la main au porte-monnaie est en augmentation (+2 points, à 14%). Une part non négligeable qui risque de continuer à progresser si les prix alimentaires augmentent de manière durable. “Il faut vraiment que la valeur soit réellement ajoutée pour qu’un consommateur accepte de payer plus”, ajoute Nicolas Trenteseaux.
L’illustration parfaite de ce problème d’accessibilité des prix est l’effondrement du bio. Longtemps considéré comme étant la promesse de l’écoresponsabilité, le bio perd aujourd’hui des parts de marché. “Le bio se vend trop cher, estime Xavier Terlet. Les consommateurs sont devenus attentifs au rapport bénéfice-prix et se demandent si l’avantage apporté par un produit vaut le prix qu’ils y mettent.” Victime de l’inflation? Sans doute mais pas seulement. “Le bio ne répond qu’à une petite partie de l’achat écoresponsable, souligne le directeur général. Dans cette offre, on retrouve des produits emballés dans du plastique ou provenant de pays lointains, ce qui ne correspond plus aux attentes des consommateurs soucieux de l’environnement.”
Aujourd’hui, les consommateurs se tournent plus facilement vers le local et les produits de saison, un critère de plus en plus attractif, ou vers l’équitable qui garantit une plus juste rémunération aux producteurs. Dans les rayons, la proximité géographique s’affiche donc fièrement avec la multiplication des mentions de l’origine locale ou nationale. Le bio devra donc évoluer afin de continuer à se développer. “Il y a de la place pour un bio moins cher”, estime Xavier Terlet qui précise que le value for money du bio augmenté – à savoir des produits à la promesse enrichie (commerce équitable, bien-être animal, protection de la biodiversité) – doit encore s’installer. “Etre innovant, finalement, c’est apporter un plus au consommateur, résume Nicolas Trenteseaux. “Cela peut se faire très simplement avec un goût spécifique ou une association d’ingrédient simple et pas cher.”
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