Safran Aero Booster relocalise la production des ailettes pour moteurs d’avion

Christophe De Caevel
Christophe De Caevel Journaliste Trends-Tendances

Le tsunami de faillites post-covid n’a pas eu lieu. Au contraire, pourrait même-t-on dire. Les entreprises belges ont fait preuve de résilience. Quelques portraits le démontrent. En rapatriant la fabrication de composants essentiels, par exemple, Safran Aero Boosters entend intensifier son expertise technique et, évidemment, réduire ses risques d’approvisionnement. De quoi compenser le prix élevé de la main-d’œuvre.

Safran Aero Boosters est le premier producteur mondial de compresseurs basse pression pour les moteurs d’avion. Ces pièces intègrent des centaines d’ailettes, réalisées par différents fournisseurs en Chine, en Israël ou ailleurs. Cela coûte peut-être un peu moins cher mais ces dernières années nous ont rappelé qu’un approvisionnement lointain pouvait être aléatoire.

Cette considération géopolitique se couple à une analyse technique. “Si nous voulons être l’expert des productions de demain, nous devons maîtriser la conception et la fabrication de ces ailettes, explique François Lepot, CEO de Safran Aero Boosters. Nous pourrons ainsi les concevoir de manière optimale pour nos compresseurs.” Et c’est encore plus vrai si tout cela se fait dans un cadre géographique restreint, qui permet aux ingénieurs, roboticiens et autres spécialistes de l’intelligence artificielle d’intervenir de part et d’autre. Safran Aero Boosters a annoncé à la fin de l’année dernière la construction d’une nouvelle usine à Marchin pour y fabriquer ces fameuses ailettes (100 emplois). Les premières réalisations sont attendues pour fin 2024, avec une montée en puissance en 2025.

“Je ne voulais pas que notre installation se fasse au détriment des prairies ou des forêts.” François Lepot

Cet exemple de relocalisation pourrait-il être répliqué? Le coût de la main-d’œuvre ne semble en tout cas pas être un problème insurmontable dans cette industrie très automatisée et à haute valeur ajoutée (Safran emploie 1.500 personnes à Herstal). François Lepot le met en parallèle avec les risques sur les chaînes d’approvisionnement. “Un an de retard sur notre projet parce que nous l’aurions réalisé à 2.000 km d’ici sans les mêmes interactions de proximité avec nos ingénieurs nous coûterait beaucoup plus que la différence salariale, assure-t-il. Ce projet, qui relevait au départ d’une stratégie à long terme, est devenu vital pour nous.”

Développement durable

Il souligne par ailleurs les atouts de la Wallonie en termes d’aides aux implantations (WE et la SFPI contribuent à l’investissement de 50 millions d’euros à Marchin) et de disponibilité des terrains industriels. En l’occurrence, il s’agit de la reconversion d’un ancien site d’ArcelorMittal. “Je ne voulais pas que notre installation se fasse au détriment des prairies ou des forêts, précise le CEO de Safran Aero Boosters. Il faut être cohérent quand on soutient les principes du développement durable, même si c’est sans doute un peu plus compliqué de construire sur une friche industrielle.”

Un acteur de l’aéronautique qui parle de développement durable, cela peut surprendre. “Avec nos partenaires français et américains, nous sommes en train de décarboner l’aéronautique, rétorque François Lepot. Une centaine de nos ingénieurs travaillent sur des produits qui réduiront fortement la consommation de carburant à l’horizon 2035. Grâce à cela, nous pourrons continuer à voyager, l’avion ne sera pas réservé aux ultra-riches. C’est un défi environnemental mais aussi un énorme business potentiel car il faudra remplacer toute la flotte d’avions. Nous consacrons beaucoup d’argent et de moyens humains à quelque chose que nos successeurs exploiteront dans 10 ans. C’est un travail à long terme que je trouve très noble.”

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content