Robert Van Apeldoorn
Ryanair décide de punir la Belgique
C’est décidé : Ryanair suspend sa base de Brussels Airport. La compagnie va en retirer, pour la saison d’hiver, les deux avions qui assuraient une dizaine de vols par jour.
Pas en raison d’un problème de fréquentation ou de soucis de la compagnie, mais pour “punir” la Belgique, qui a introduit, il y a quelques mois déjà, “une nouvelle taxe absurde (ludicrous) de 2 euros sur les passagers, et une fausse ‘eco taxe’ de 10 euros pour chaque passager sur les vols de moins de 500 km.”
Ryanair est coutumier de ces décisions abruptes. Dès qu’un pays ou une région envisage de lever une taxe, qu’un aéroport augmente ses tarifs, la compagnie est prête à plier bagage, à réduire ses activités pour les développer ailleurs, dans une de ses 90 bases. La réglementation européenne le lui permet. Ryanair a récemment supprimé des liaisons en Hongrie pour les mêmes raisons. La compagnie avait naguère fait la même chose en Espagne ou en Italie. En 2013 l’exécutif wallon avait envisagé une taxe de 3 euros par passager, Michael O’Leary a immédiatement promis de supprimer des vols et obtenu gain de cause : le gouvernement wallon a rangé son projet.
Le moment n’est pas choisi au hasard. Ryanair aime les périodes de crise, c’est là que la compagnie fait les meilleures affaires. Elle achète ses avions moins cher durant les périodes de crise, voire son siège social à Dublin, acquis à bas prix dans le sillage de la crise financière de 2008. Michael O’Leary n’est pas un passionné d’avions, mais un financier brillant, qui a le sens du timing. Il est en position de force, car sa compagnie est celle qui a récupéré le plus vite son trafic après la période du covid. Au dernier trimestre, clôturé en juin, elle a transporté 45,5 millions de passagers, 9% de plus par rapport au Q3 de 2019, et est redevenue rentable. Elle vise 165 millions de passagers sur tout l’exercice.
Elle est en position de force dans un marché convalescent et le fait savoir. La décision sur Zaventem est un avertissement pour les autres aéroports. C’est aussi une réponse indirecte aux syndicats et au personnel de Ryanair basé en Belgique, qui ont ouvert des procédures pour non-respect de la législation du travail, organisé une grève au début de l’été. C’est aussi une manière de faire pression sur le personnel basé à Charleroi (Brussels South), principale base de la compagnie en Belgique.
La dépendance de Charleroi soulignée
Depuis environ 20 ans, la compagnie a compris qu’elle pouvait obtenir les meilleurs tarifs des aéroports en quête de passagers, souvent régionaux, parfois même des subsides, en échange de millions de passagers qui viendront dépenser de l’argent dans le coin où ils débarqueront. Sur les petites plateformes, cela crée un lien de dépendance que la Région wallonne connaît bien. Elle a attiré Ryanair à Gosselies (Brussels South Charleroi Airport) avec un tarif très attractif, rendu possible par un subside aux frais de sécurité (autorisé par la Commission européenne). La redevance par passager s’élève à un tout petit 2,63 euros, moitié moins pour Ryanair, en vertu d’un prix dégressif à la quantité. Le tarif de Brussels Airport est celui d’un aéroport principal, autour des 30 euros, sans subside à la sécurité. Ryanair paie donc bien plus cher à Zaventem qu’à Gosselies, et pourrait payer encore plus, car Brussels Airport reconnaît qu’il prévoit d’augmenter les tarifs “pour tenir compte de la forte augmentation de l’énergie et d’une inflation très élevée” (communiqué). C’était aussi une des raisons de la suspension.
La décision de Ryanair pourrait profiter à l’aéroport de Charleroi, mais doit-il s’en réjouir ? Elle ne fait que souligner une dépendance très risquée de l’aéroport wallon à une compagnie qui représente plus de 80% de son trafic, contre 8% à Brussels Airport.
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