Un travailleur peut-il saisir son (ex-)employeur sur le brut ou sur le net ?
Un travailleur ayant gain de cause contre son employeur au tribunal peut-il saisir les sommes brutes au paiement desquelles son ex-employeur est condamné ou uniquement le net après déduction des cotisations sociales et des précomptes ?
La question fait débat depuis longtemps mais est devenue plus cruciale car l’appel n’est plus suspensif. Si le tribunal condamne l’employeur à payer une indemnité brute, le travailleur peut faire exécuter le jugement malgré l’appel et forcer par voie d’huissier, et si besoin sous la menace d’une saisie, l’employeur à lui payer la somme ou au moins à la cantonner sur un compte bloqué le temps de l’appel.
Pour l’employeur, savoir si c’est le montant brut de la condamnation ou le montant net est évidemment très important, l’appel pouvant durer des années.
Or les avocats des employés avaient de plus en plus tendance à exiger le paiement (au besoin sur saisie mobilière) ou le cantonnement sur le brut.
La cour d’appel de Liège vient de rejeter cette thèse en décidant que même si le juge condamne l’employeur à payer une somme brute, l’employé ne peut exiger que le paiement ou le cantonnement de la somme nette correspondante. C’est-à-dire après déduction des cotisations de sécurité sociale et du précompte professionnel.
En bref, la cour constate d’abord que c’est l’Etat qui est le créancier des cotisations de sécurité sociale et des précomptes et non l’employé qui ne peut donc pas prétendre au paiement de ces sommes.
Créance sur le net
La cour se réfère aussi à la réglementation concernant la quotité insaisissable de la rémunération qui s’apprécie sur le net et non sur le brut confirmant ainsi que l’employé n’a de créance que sur le net.
Enfin, elle évoque un arrêt de cassation qui avait autorisé un employeur ayant versé le brut à l’employé et qui avait dû en plus verser les cotisations et le précompte à récupérer ces sommes auprès du travailleur au titre d’un paiement indu. Le travailleur n’ayant droit ni à l’un ni à l’autre.
Il n’est pas question de réécrire le jugement condamnant l’employeur à payer à l’employé une somme brute mais de l’interpréter conformément à la législation c’est-à-dire qu’implicitement mais certainement le juge de fond a condamné l’employeur à payer le brut “après déduction des cotisations de sécurité sociale et du précompte”
Certes la question n’est pas tranchée par la Cour de cassation mais cet arrêt unique de la cour d’appel en matière de saisies est capital pour rassurer les employeurs et freiner une pratique parfois abusive consistant à exiger des cantonnement sur le brut alors que le travailleur n’en tire aucune protection (si l’employeur fait faillite, les cotisations et le précompte sont payés par le fond de fermeture) et que par contre l’employeur bloque une somme importante pendant un appel qui peut durer des années.
Christophe Delmarcelle – Associé fondateur Cabinet DEL-Law Juge suppléant au tribunal du travail
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