Un cadre a-t-il droit aux heures supplémentaires?
La durée maximale d’un travail à temps plein est en général de 38 h par semaine. La plupart des cadres pensent que cette limite ne s’applique qu’au personnel barémisé ou d’exécution, et donc pas à eux. Une fake news…
D’où vient cette croyance qu’un cadre n’a pas à compter toutes ses heures travaillées ? Sans doute de cette fameuse exception qui vise le personnel de direction et de confiance, une catégorie de travailleurs qui, conformément à la loi du 16 mars 1971 sur le travail, n’est pas visée par les limitations hebdomadaires et quotidiennes des temps de travail.
Mais tout cadre n’est pas une personne de confiance (fondée de pouvoir) ou de direction (dirigeant une division de l’entreprise). Il y a un grand nombre de cadres qui ne sont ni l’une ni l’autre. Pour ceux-là, même s’ils ont un titre de manager, l’exception du personnel de direction et de confiance ne s’applique en principe pas.
La première conséquence théorique est que ces cadres ne pourraient être occupés en dehors des horaires de travail figurant au règlement de travail et que si c’est le cas, le travail hors horaire devrait être rémunéré à titre d’heures supplémentaires.
C’est l’idée que la loi fonde le contrat de travail sur une équation parfaite entre le nombre d’heures de travail et le salaire reçu : ce n’est pas parce que l’on paye la rémunération en fin de mois que ce montant est un forfait libératoire pour le mois accompli. Aucun article de loi n’exonère l’employeur de payer pour le travail fourni. D’ailleurs, la plupart des contrats de cadres mentionnent que le régime de travail est de 38 h par semaine (les fiches de paie également…).
Nous remarquons une certaine évolution jurisprudentielle sur cette question et les tribunaux du travail nous semblent être de plus en plus à l’aise pour allouer, sur base de ces principes, des arriérés de rémunération à des cadres qui démontrent leurs heures supplémentaires.
Comment prouver ces heures ?
Le 14 mai 2019, la Cour de justice européenne a rendu un arrêt d’une portée historique : prouver les heures supplémentaires est une preuve très difficile, voire impossible pour le travailleur, en particulier en l’absence d’un système d’enregistrement des temps de travail. C’est à l’employeur qu’il appartient de connaître et consigner les temps de travail réellement fournis.
Cette notion de preuve impossible pourrait sonner comme l’enterrement de tout procès fondé sur cette demande de payement d’heures supplémentaires. Il faut toutefois prendre en compte le nouveau droit de la preuve belge qui contient maintenant cette notion de preuve impossible, avec pour conséquence habituelle l’admission de la preuve par vraisemblance, à charge alors pour l’employeur de renverser cette vraisemblance.
Par ailleurs, la loi de 2017 sur le travail maniable et faisable interdit qu’un travailleur soit soumis à une charge hebdomadaire de travail supérieure à 48 h en moyenne sur une période de référence de quatre mois. Cela vaut pour tous les salariés. Y compris les niveaux les plus élevés. C’est une question de santé publique et de prévention de l’épuisement.
Arnaud VANGANSBEEK
Avocat chez
LITISS Employment Law
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