Recrutement: les entreprises prêtes à délier les cordons de leur bourse

Dans le cadre de son Guide des salaires 2025, Robert Half, la société de conseil en ressources humaines, dévoile dans un nouveau rapport la stratégie 2025 des entreprises belges en termes de recrutement. Nous vous livrons ses conclusions en primeur.

Quelques jours avant la finalisation de l’accord de l’Arizona, plutôt favorable aux entreprises, Robert Half, la société de conseil en ressources humaines et spécialisée dans le recrutement dans des secteurs hautement concurrentiels (IT, finance, comptabilité, juridique, etc.), mettait la dernière main à son rapport sur la stratégie 2025 des entreprises. Interrogées dans le cadre du traditionnel Guide des salaires, elles portent un regard optimiste sur 2025. 95 % d’entre elles entendent embaucher pour maintenir leurs effectifs. 41 % entendent même recruter des collaborateurs supplémentaires, soit pour soutenir leur croissance, soit pour combler les manques que la pénurie de main-d’œuvre qualifiée a engendrés.

Même dans le secteur technologique qui a connu une année 2024 difficile, le climat semble revenu au beau fixe avec de l’embauche supplémentaire au programme (25 % des entreprises). Dans les secteurs de spécialisation de Robert Half, le rapport de force entre entreprises et candidats demeure clairement en faveur des seconds.

« La guerre des talents et la pénurie de candidats en recherche active demeurent, de fait, bien présentes, souligne Joël Poilvache, regional managing director chez Robert Half. En vertu de la loi de l’offre et la demande, la balance reste orientée du côté des candidats puisqu’il n’y a pas abondance. Même s’il faut reconnaître que la demande a été plus réduite ces derniers mois. Elle semble vouloir repartir cette année et c’est logique, car il reste énormément de postes manquants. Cette pénurie a aussi poussé les entreprises à travailler leur rétention de façon intelligente. »

Quid des seniors ?

Tout comme Sébastien Delfosse, le managing director de Manpower Belgium & Luxembourg, la semaine dernière, Joël Poilvache sent un frémissement sur le recrutement des 55 ans et plus.

Joël Poilvache, regional managing director chez Robert Half.

« Il y a, certes, encore une solide marge de progression dans ce domaine, mais c’est un potentiel important de recrutement que la Belgique n’exploite pas assez. Les idées préconçues sur les salaires élevés et la moindre adaptabilité aux changements incessants et/ou au digital ont la peau dure. Mais nous éduquons le marché à cette problématique. Reconnaissons tout de même qu’il y a désormais une véritable dynamique sur la rétention de ces profils dont l’expérience et les compétences sont essentielles. Mais, à l’engagement, je ne ressens pas encore une véritable montée en puissance même si les choses bougent.

Majoritairement, les entreprises préfèrent encore miser sur le potentiel de développement et la formation d’un jeune. Cette préférence, si on sort de la question de l’âge, est aussi une manière d’élargir le champ d’une recherche en abandonnant les critères plus traditionnels. Cette tendance qui met en avant le potentiel face à l’expérience est très marquée. Ceci dit, comme l’a confirmé une enquête que nous avons menée l’an dernier, l’intérim management qui regroupe des managers, mais aussi des experts dont les compétences très affûtées sont recherchées, a le vent en poupe en Belgique. C’est une manière efficace de renforcer rapidement des équipes, de maintenir des projets à flot ou de réaliser des projets spécifiques avec des personnes très spécialisées. On y retrouve beaucoup de ces profils plus âgés. »

Entreprises: délier les cordons de la bourse

C’est l’enseignement majeur de l’étude de Robert Half : en 2025, les entreprises sont prêtes à délier les cordons de leur bourse pour recruter les talents nécessaires. Un effort supplémentaire qui peut prendre différentes formes : supplément de congés payés (25 %), avantages extralégaux supplémentaires (33 %), salaire de base supérieur (33 %), etc. Dans ce dernier cas, les PME sont plus nombreuses que les grandes entreprises.

« L’argent demeure le nerf principal de la guerre, assure Joël Poilvache. Même si les salaires ont fortement augmenté ces dernières années suite aux indexations automatiques, les entreprises sentent bien qu’elles doivent faire un effort vu la concurrence. Mais elles le font en gardant un œil sur leur benchmark interne. C’est bien d’attirer des talents avec un salaire plus élevé, mais il faut pouvoir regarder dans les yeux ceux qui sont déjà là et font le même genre de travail. Cette stratégie doit demeurer cohérente et transparente. On peut faire un effort supplémentaire pour recruter, mais il faut l’expliquer aux équipes. »

Plus surprenant, il est question, comme pour les joueurs de football, d’une prime à la signature chez un quart des entreprises interrogées.

Rares primes

« L’étude examine les intentions des entreprises, explique Joël Poilvache. À ce stade, selon mes connaissances, ces primes à la signature demeurent rares. Quand elles existent, il est question d’un bonus de plusieurs milliers d’euros ou d’un mois de salaire en plus. C’est rare, mais la hauteur du pourcentage dans notre étude indique que cet avantage trotte dans la tête des recruteurs. »

Dans cette guerre des talents, les PME ont longtemps semblé désavantagées. Elles prennent le taureau par les cornes et il n’est pas surprenant de les voir en pole sur le salaire de base plus élevé. « Les PME offrent moins d’avantages extralégaux et il est fréquent que le salaire de base y soit plus élevé, confirme Joël Poilvache. Elles compensent certains manques de façon créative. Par exemple, et c’est très intéressant pour les jeunes, elles ont l’avantage de donner des responsabilités plus rapidement. Il y règne moins que dans les grandes entreprises ce côté case fonctionnelle dans laquelle doivent se positionner les employés. À côté de cela, c’est dans ces PME que l’on rencontre plus facilement de la flexibilité totale à la carte ou des voitures de société offertes à partir de catégories plus basses. »

Le grand défi de la flexibilité

Sans surprise, à côté du package salarial, la flexibilité demeure un axe stratégique fondamental pour se distinguer dans un marché très concurrentiel : télétravail, horaires flottants, semaine de quatre jours, solutions à la carte pour combiner vie privée-vie professionnelle, etc. Sans oublier les aspects liés au bien-être au travail. Cette flexibilité et ce bien-être sont essentiels tant dans le recrutement que dans la rétention. Le rapport l’épingle à nouveau même si cela reste un grand défi.

« Octroyer de la flexibilité, dont des jours de télétravail, ne doit pas battre en brèche ni la culture d’entreprise ni la cohésion des équipes, assène Joël Poilvache. C’est un fameux défi et nombreuses sont les entreprises qui n’ont pas encore trouvé la recette miracle. La demande de télétravail ne s’estompe pas pour de multiples raisons. Retour complet au bureau comme évoqué par Meta et Amazon ? Certainement pas le conseil que je donnerais à mes clients ! La semaine de quatre jours qui, logiquement, n’offre pas les mêmes possibilités de flexibilité, ne décolle pas vraiment. Il faut dire que les jours de travail deviennent assez lourds et ce n’est pas donné à tout le monde. Chez Robert Half, nous avons proposé la semaine de quatre jours et demi (avec jours de télétravail) pour alléger le système. Une minorité y a adhéré et y trouve son compte. »

Rapidité et transparence

Une autre bonne nouvelle de l’étude provient de la prise de conscience (il était temps !) de la nécessité, à côté d’une image d’employeur forte, d’un processus de recrutement beaucoup plus rapide et transparent. Des choses qui traînent pendant trois mois, cela ne fait plus très sérieux.

« C’est l’un des points majeurs que nous essayons d’inculquer à nos clients, sourit Joël Poilvache. Il y a, aujourd’hui, risque de perdre un candidat convoité si on tergiverse. Dans un marché très concurrentiel, ledit candidat ne se sent pas si désiré que cela et ne ressent pas une envie forte de l’avoir à bord. Plusieurs raisons concurrent à ce délai comme des processus internes trop complexes ou trop lents, un planning mal ficelé ou un nombre trop important de décisionnaires. Le digital et l’IA permettent de gagner du temps, notamment dans le tri des CV, c’est dommage de perdre cet avantage derrière. D’autant qu’il faut toujours tenir compte du préavis à prester quand on débauche un talent.

Chez Robert Half, nous essayons de hâter les choses en proposant un rétroplanning serré au client avant de lancer le recrutement. Histoire d’accélérer les choses. Nous conseillons aussi la transparence et de la clarté sur le déroulement du processus et s’il est compétitif ou pas. L’entreprise doit aussi se montrer volontariste. Par exemple, faire sa meilleure offre d’entrée démontre une volonté d’engager le candidat. Cela fait aussi gagner du temps à tout le monde. »

Le retour de la période d’essai

Évidemment, si les secteurs de spécialisation de Robert Half sont optimistes pour 2025, ils demeurent très attentifs à la stabilité géopolitique. Il est évidemment question de l’impact de Trump sur la conjoncture économique belge. En Belgique, l’arrivée de l’Arizona a enlevé une couche d’incertitude. Il reste à voir l’impact, entre autres, sur le recrutement des différentes mesures annoncées dont une est passée relativement inaperçue : « Nous réintroduisons, au plus tard au 31/12/2025, la période d’essai : il sera désormais possible pour les deux parties de mettre fin au contrat de travail avec un préavis d’une semaine au cours des six premiers mois du contrat ».

« Il est encore un peu tôt pour définir l’impact réel d’une telle mesure, conclut Joël Poilvache. Que vont-ils mettre en place ? L’ensemble des délais de préavis tels qu’ils sont calculés depuis dix ans vont-ils s’en trouver modifiés ? On peut imaginer qu’un départ plus aisé, tant dans le chef de l’entreprise que dans celui de l’employé, peut conduire les entreprises à prendre plus de risques. Avec, comme conséquence, une progression des CDI. À suivre. »

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