Pourquoi l’explosion des malades de longue durée est un mal belge ?
Le nombre de malades de longue durée a explosé de 150% depuis les années 2000. Aujourd’hui, la Belgique en compte plus de 500.000, soit le double du nombre de chômeurs indemnisés. Il devrait donc s’agir de la priorité numéro 1 du marché de l’emploi. De récents rapports de la Banque nationale, du Conseil supérieur de l’emploi et de l’INAMI permettent d’y voir plus clair pour identifier les personnes et les causes.
Est considérée comme malade de longue durée une personne en incapacité de travail depuis au moins un an. Ces personnes entrent alors dans le système d’assurance maladie-invalidité. Leur nombre devrait encore augmenter pour atteindre 600.000 personnes d’ici à 2035, prédisent les mutuelles.
Selon un récent rapport du Conseil supérieur de l’emploi, 7,2% des personnes entre 20 et 64 ans étaient inactives en raison d’une maladie ou d’un handicap : un record européen. Entre 2007 et 2018, le nombre de malades de longue durée a diminué dans la moitié des pays européens, au contraire de la Belgique.
Les facteurs structurels
L’explosion du nombre de malades de longue durée s’explique d’abord par deux facteurs structurels : le vieillissement de la population et la féminisation du marché du travail. Lundi, la Banque nationale a rappelé ces deux causes qui n’expliquent pas tout, mais qui sont cruciales. Il y a une claire corrélation entre l’âge et les maladies de longue durée. Pour les femmes, la prévalence de problèmes de santé chroniques est plus élevée et la santé perçue moins bonne, en particulier durant la vie active. Une prévalence qui peut s’expliquer par le poids des charges ménagères dans leur foyer.
On sait aussi que la probabilité de tomber en maladie de longue durée augmente avec la dégradation du niveau d’éducation, et a fortiori du secteur d’activité, un ouvrier étant plus touché qu’un employé. L’étude de l’INAMI ajoute un élément : les indépendants. 67% d’entre eux qui souffrent de burn-out auront tendance à prolonger leur période d’incapacité de 6 mois à 1 an, contre 55% en moyenne. Cela s’explique en partie parce qu’ils ont tendance à retarder leur congé maladie, ce qui a des conséquences néfastes plus tard.
Ce sont les problèmes de santé mentale et les troubles musculo-squelettiques qui sont les plus représentés, à 37 et 32 % respectivement des maladies de longue durée. Mais c’est clairement la première catégorie qui a gagné le plus d’ampleur ces dernières années, en particulier les burn-outs et les problèmes liés au stress. Entre 2017 et 2022, le nombre de burn-outs et de dépressions a augmenté de 42%, précise l’INAMI, soit 125.000 personnes, pour un coût estimé à 1,8 milliard d’euros en 2022.
Pourquoi une telle explosion en Belgique ?
Pour le Conseil supérieur de l’emploi, ces facteurs structurels ne suffisent pas à expliquer l’augmentation des malades de longue durée. Pour diminuer leur nombre, il faudrait diminuer le nombre d’entrants et augmenter le nombre de sortants. Or, la Belgique ne parvient à faire ni l’un ni l’autre.
“La générosité relative de l’assurance maladie-invalidité est un paramètre important“, écrit le Conseil supérieur de l’emploi. Le démantèlement des systèmes de retraite anticipée a augmenté le nombre d’entrants, tout comme le renforcement du contrôle de la disponibilité des chômeurs et la dégressivité dans le temps des allocations de chômage. A contrario, la facilité d’accès au chômage temporaire durant la période Covid-19 a ralenti la progression du recours à l’assurance-maladie, mais ce facteur ne joue plus désormais. Autrement dit, l’assurance maladie-invalidité, par sa plus forte sécurité, crée un appel d’air.
Le Conseil supérieur de l’emploi note “un intérêt accru” pour la réintégration et les reprises partielles d’activités, mais pas de hausse des sorties. Il existe, à ce niveau, une situation de piège à l’emploi, ajoute la Banque nationale. “La sortie de l’incapacité de travail et la transition d’une reprise partielle vers une reprise complète n’est pas toujours avantageuse financièrement, en particulier pour les personnes à faibles revenus.”
Cette augmentation du nombre d’entrants et la non-diminution du nombre de sortants place notre pays dans une situation délicate : “La Belgique obtient des résultats particulièrement médiocres en termes d’inclusion sur le marché du travail des personnes malades de longue durée, conclut la Banque nationale. De nouvelles réformes en matière de prévention et de réintégration sont nécessaires pour remédier à cette situation.”
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