Une nouvelle enquête Protime montre que plus de quatre employés sur dix ne prennent pas l’ensemble de leurs congés légaux. Derrière ce phénomène, les chiffres révèlent un autre enjeu : les travailleurs les plus âgés sont ceux qui laissent le plus de jours non utilisés. Pourquoi ?
Plus de quatre employés sur dix (41,5 %) ne profitent pas de tous leurs jours de congé légaux, tandis qu’un employé sur six (16,8 %) en manque avant la fin de l’année. C’est ce que révèle une enquête menée par Protime* auprès de 1.000 employés belges francophones.
Si les raisons invoquées semblent diverses, une statistique interpelle particulièrement : ce sont surtout les travailleurs les plus âgés qui terminent l’année avec des jours de congé non pris. En moyenne, ils en laissent cinq.
Une tendance qui met en lumière un rapport au travail marqué par la responsabilité, la prudence (garder des jours au cas où)… et une pression implicite encore très présente.
Pourtant “prendre des vacances, ce n’est pas un luxe, mais une nécessité. Notre cerveau et notre corps ont besoin de pauses régulières. Elles permettent de se déconnecter mentalement du travail et de souffler, pour, par la suite, retourner au travail en ayant fait le plein d’énergie” explique Florent Bovicelli, porte-parole de Protime, de telles situations comportent des risques.
Les seniors, champions du report de congés
Plus les employés avancent en âge, plus il est probable qu’ils terminent l’année avec des jours de congé non pris. L’enquête révèle que 59,1 % des plus de 55 ans sont dans ce cas, contre 42,2 % des 35-54 ans et 33,9 % des moins de 34 ans.
Cette tendance s’ajoute à une autre différence notable : les hommes conservent plus souvent des congés que les femmes (44,5 % contre 38,4 %).
Selon Lode Godderis, professeur de médecine du travail à la KU Leuven, ces disparités s’expliquent très simplement par les responsabilités familiales. “Dans la plupart des foyers, les femmes assurent toujours une plus grande part des tâches ménagères et familiales, comme garder les enfants malades. Avec les jours de congé pris pour ces obligations familiales, leur quota s’épuise forcément plus rapidement et il ne leur reste plus grand-chose en fin d’année.”
Charge mentale, sens accru des responsabilités, sous-effectif ou peur d’être jugés : les seniors semblent payer le prix d’une culture du devoir profondément ancrée.
Devoir moral et pression sociale
Lorsqu’on leur demande pourquoi il leur reste des congés en fin d’année, les employés invoquent en premier lieu la volonté d’en garder en réserve pour faire face à d’éventuels imprévus (31,6 %). Beaucoup découvrent trop tard qu’ils ne peuvent plus les utiliser.
Mais derrière cette prudence, les chiffres dessinent le portrait d’un climat professionnel sous tension. Plus d’un quart des personnes interrogées (25,9 %) expliquent qu’un volume de travail trop important ou un sous-effectif les a empêchées de s’absenter quand ils le soihaitent. Près d’un employé sur cinq (18,9 %) estime que sa responsabilité professionnelle l’empêche de prendre ses congés sans nuire à la productivité. Cette attitude est plus fréquente chez les hommes (23,5 %) que chez les femmes (13,3 %).
À cela s’ajoute un élément de culture d’entreprise plutôt inquiétant : pour 10,5 % des répondants, l’entreprise valorise la présence, et prendre des congés n’est pas toujours bien vu.
Fait assez surprenant : 17,5 % des employés interrogés déclarent ne pas ressentir le besoin de prendre l’ensemble de leurs congés. Et 7 % avouent avoir voulu les utiliser mais ne savaient pas combien il leur en restait.
Les raisons avancées par les employés
1. J’ai économisé mes jours de congé dans la perspective d’imprévus, mais j’ai réalisé plus tard que je ne pouvais plus les utiliser (31,6 %)2. En raison du volume de travail ou d’un sous-effectif, je me suis senti obligé de ne pas prendre tous mes jours de congé (25,9 %)
3. J’assume une grande responsabilité par rapport à mon travail et je ne voulais pas prendre des jours de congé qui auraient nui à ma productivité (18,9 %)
4. Je n’ai pas ressenti le besoin de prendre des vacances (17,5 %)
5. Dans mon entreprise, prendre des jours de congé n’est pas toujours bien vu. Il y a une culture du “toujours présent” (10,5 %)
6. J’aurais voulu prendre l’ensemble de mes jours de congé, mais je n’ai pas reçu de communication claire quant au nombre de jours disponibles ou sur le règlement de mon employeur (7 %)
Les raisons avancées par les employés
- J’ai économisé mes jours de congé dans la perspective d’imprévus, mais j’ai réalisé plus tard que je ne pouvais plus les utiliser (31,6 %)
- En raison du volume de travail ou d’un sous-effectif, je me suis senti obligé de ne pas prendre tous mes jours de congé (25,9 %)
- J’assume une grande responsabilité par rapport à mon travail et je ne voulais pas prendre des jours de congé qui auraient nui à ma productivité (18,9 %)
- Je n’ai pas ressenti le besoin de prendre des vacances (17,5 %)
- Dans mon entreprise, prendre des jours de congé n’est pas toujours bien vu. Il y a une culture du “toujours présent” (10,5 %)
- J’aurais voulu prendre l’ensemble de mes jours de congé, mais je n’ai pas reçu de communication claire quant au nombre de jours disponibles ou sur le règlement de mon employeur (7 %)
Impact néfaste sur la santé mentale
Pour Lode Godderis, ces comportements ne sont pas seulement des comportements individuels : ils reflètent la culture de l’entreprise et son organisation du travail. Entre imprévus, crainte d’accumuler du retard ou peur d’être critiqués, certains employés renoncent au repos, parfois durant plusieurs années. Or, selon lui, encourager activement l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée permettrait d’améliorer le bien-être au travail et, à terme, la productivité.
Florent Bovicelli, porte-parole de Protime, souligne quant à lui que prendre trop peu de congés pèse lourdement sur la santé mentale. Et rappelle qu’il existe des solutions simples et efficaces au niveau RH. Les outils d’enregistrement du temps aident et apportent une vue claire sur les jours encore disponibles, évitant ainsi de les oublier ou de devoir les planifier dans l’urgence.
Le report des jours encore souvent oublié
Depuis le 1er janvier 2024, les salariés peuvent reporter leurs congés légaux sur les deux années civiles suivantes dans des situations comme le congé de maternité, la naissance, l’adoption, un accident, une maladie ou une incapacité empêchant la prise des congés.
Ce cas de figure concernait 17,9 % des répondants. Parmi eux, 60,8 % ont effectivement bénéficié du report, un tiers (33,3 %) a renoncé aux jours non pris et 5,8 % avaient déjà utilisé l’ensemble de leurs congés.
* L’enquête en ligne a été réalisée entre le 18 février et le 10 mars 2025 par l’agence iVOX pour le compte de Protime. Elle a interrogé 1.000 employés belges francophones représentatifs en genre, âge et diplôme. La marge d’erreur maximale est de 3,02 %.
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