Plans “cafétéria”: quels effets sur la motivation?
Les plans cafétéria qui permettent aux collaborateurs de convertir une partie de leur salaire en divers avantages sont parfois fiscalement intéressants. Mais il n’est pas certain qu’ils contribuent réellement à conserver les collaborateurs, explique le professeur Eveline Schollaert.
Comme les grandes organisations, de plus en plus de PME proposent des plans “cafétéria” aux membres de leur personnel. Ceux-ci peuvent ainsi convertir à la carte une partie de leur salaire brut ou de leur prime de fin d’année en un autre avantage, comme un ordinateur portable, un vélo électrique ou des jours de congés supplémentaires. Un plan cafétéria bien pensé crée une situation gagnant-gagnant pour les parties impliquées: les collaborateurs se composent un package de rémunération flexible selon leurs préférences personnelles ; les employeurs disposent d’une arme dans la guerre des talents et renforcent leur image de marque.
“Ces dernières années, les plans cafétéria n’ont cessé de gagner en popularité chez les employeurs comme chez les travailleurs, confirme Eveline Schollaert, qui enseigne la gestion de ressources humaines à la faculté d’économie de l’UGent. Dans certains secteurs, il est même impossible de s’en passer: pensez à l’informatique, où les employeurs ne peuvent négliger aucune possibilité d’attirer les rares profils techniques. Une offre créative dans le cadre d’un plan de flexible peut contribuer à faire la différence.”
Certaines entreprises utilisent aussi les plans cafétéria pour investir dans la durabilité. Par exemple, en donnant à leurs collaborateurs la possibilité d’échanger une partie de leur salaire, voire leur voiture de société, contre un vélo électrique.
“Les options qui peuvent aider les collaborateurs à trouver un meilleur équilibre travail-vie privée ont également le vent en poupe, poursuit Eveline Schollaert. Pensez à l’accès à un service de repassage, à des paniers de légumes locaux pour cuisiner plus sain chez soi, un abonnement à une salle de sport ou même une crèche.”
Le fait qu’un plan cafétéria donne davantage d’autonomie aux collaborateurs est donc positif, suscitant une belle adhésion. Mais attention, l’euphorie peut être de coure durée. “Tout comme l’effet d’un bonus financier ou d’une simple augmentation de salaire, l’impact sur la motivation se dissipe assez rapidement, explique Eveline Schollaert. Un plan cafétéria est rapidement considéré comme un droit acquis. Pour motiver ses collaborateurs, cette solution n’est donc absolument pas suffisante.”
“Les gens ne sont pas toujours conscients qu’avec certains choix, ils constituent moins de pension.”
On le sait: pour motiver leurs talents, les employeurs ont intérêt à investir dans les trois besoins de base de l’être humain: l’autonomie, le besoin d’appartenance et les compétences. Tout cela stimule le fonctionnement, le bien-être et le développement des collaborateurs. “Un plan cafétéria relève en partie du A d’autonomie, parce qu’il offre davantage de possibilités de choix, reconnaît Eveline Schollaert. Mais pour vraiment motiver ses collaborateurs, il faut créer une connexion relationnelle avec le travail. Les collaborateurs doivent se sentir liés à leur équipe et à leur employeur. Ils doivent recevoir des marques d’estime, pouvoir continuer à apprendre, avoir la possibilité de se développer ou de progresser dans l’entreprise.”
Un plan cafétéria doit donc surtout s’inscrire dans la tendance à un traitement plus individualisé, sur mesure, de chaque collaborateur. Et dans ce domaine, ce peut être une arme supplémentaire pour attirer de nouveaux talents. “Le sur-mesure permet également aux employeurs de conserver plus longtemps leurs collaborateurs”, explique Eveline Schollaert.
Considérations fiscales
Mais qu’en est-il des arguments fiscaux? Le plan cafétéria est-il une forme d’optimisation salariale qui permet aux travailleurs et/ou employeurs d’augmenter le net perçu? “A ce sujet, les travailleurs doivent être prudents, prévient Eveline Schollaert. Les collaborateurs renoncent souvent à une partie de leur salaire brut contre les options d’un plan cafétéria. Certes, ce qu’ils reçoivent en échange a une valeur nette plus élevée. Mais ils ne sont pas toujours conscients du fait qu’ils paieront également moins de cotisations sociales, et constitueront donc moins de pension…”
Un plan cafétéria n’est donc pas nécessairement avantageux en tout point, cela dépend du choix opéré. Certains employeurs offrent à leurs collaborateurs un outil de simulation numérique. Ces derniers peuvent ainsi calculer les effets de leur choix sur leur brut et leur net, ainsi que sur les cotisations sociales. Ils sont donc en mesure de confirmer leur décision en toute connaissance de cause ou opter pour une alternative. “C’est assurément une évolution positive, mais les employeurs ne sont pas encore très nombreux à proposer de telles simulations”, poursuit la professeure.
Eveline Schollaert rappelle en outre que les plans cafétéria constituent une charge administrative supplémentaire pour les employeurs. “La mise en place du système, surtout, exige énormément de travail et de calcul. Les employeurs doivent également veiller à ce que le système reste équitable afin que le collaborateur A ne voie aucune injustice dans les choix du collaborateur B. Et puis, le risque est que les collaborateurs réclament plus d’options, ce qui obligera les employeurs à proposer toujours davantage de solutions sur mesure et à faire preuve de créativité au cours années à venir. De quoi sans doute encore complexifier l’utilisation des plans cafétérias pour les employeurs…”
Un avantage net de 700 euros…
Quel avantage au plan cafétéria? Effectuons une rapide simulation. Un collaborateur souhaiterait disposer d’une trottinette ou d’un vélo électrique de qualité, et envisage à cette fin de faire appel à un plan cafétéria pour une partie de son 13e mois.
Si le prix de la trottinette s’élève à 1.000 euros, il disposera d’un avantage net de plus de 700 euros par rapport au versement d’une prime de fin d’année. En effet, en cas de prime, l’employeur aurait payé 28% de cotisations patronales sur le 13e mois. Sur les 720 euros restants du budget de 1.000 euros, le collaborateur aurait payé à son tour 13,07% de cotisations de sécurité sociale.
On obtient ainsi un salaire imposable de 626 euros, sur lequel il faut encore payer un précompte professionnel: 53,3% pour un 13e mois. En fin de compte, ce sont donc seulement 292,29 euros qui auraient été versés sur le compte du collaborateur.
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