Peut-on empêcher son employé d’exercer un autre travail?

Beaucoup de contrats et règlements de travail prévoient des clauses dites “d’exclusivité” selon lesquelles le travailleur ne peut exercer que pour son employeur, en excluant tout autre travail, indépendant ou pour un autre employeur. Certaines variantes prévoient aussi un accord au préalable de l’employeur. Ces clauses sont-elles légales?

Transposant une directive européenne, une loi du 7 octobre 2022 énonce désormais que “l’employeur ne peut pas interdire à un travailleur de travailler pour un ou plusieurs autres employeurs en dehors de son horaire de travail ou le soumettre, pour cette raison, à un traitement défavorable, sauf si la législation le permet”.

Si la question de l’indépendant complémentaire n’est pas visée par cette loi, il est généralement soutenu qu’un employeur peut refuser à son travailleur une telle activité… mais avec de sérieuses justifications: il en va de la liberté d’entreprise. Par exemple, si l’activité complémentaire impacte négativement la bonne exécution du contrat de travail, ladite activité peut être remise en cause.

La loyauté avant tout

De même, l’obligation de loyauté de chaque partie envers l’autre justifie que le travailleur doit à tout le moins prévenir son employeur de son activité complémentaire (à titre salarié ou indépendant). L’employeur doit être mis au courant car il doit pouvoir vérifier la compatibilité de ladite activité avec le contrat de travail. Pensons, par exemple, à une entreprise qui doit gérer des conflits d’intérêts: elle est en droit de savoir si certains de ses travailleurs ont des intérêts spécifiques chez certains de ses fournisseurs ou partenaires.

Nous semblent dès lors légales, les clauses d’exclusivité qui prévoient que le travailleur:

• ne peut faire concurrence en travaillant pour autrui ou son propre compte pendant la durée de son contrat de travail ;

• ne peut s’adonner, pendant et après le contrat de travail, à quelconque forme de concurrence déloyale ou violation de secrets d’affaires ;

• ne peut travailler pour autrui ou pour son propre compte pendant ses horaires de travail ;

• ne peut travailler pour autrui ou pour son propre compte si son activité complémentaire impacte négativement l’exécution de son contrat de travail ;

• doit prévenir son employeur de l’exercice et de la nature de l’activité complémentaire concernée (à titre salarié ou indépendant).

Nous semblent illégales, les clauses d’exclusivité (dites “absolues”) qui prévoient que le travailleur:

• ne peut exercer pour autrui, ou pour son propre compte, tout autre activité concurrente ou non, pendant la durée de son contrat de travail ;

• doit obtenir l’accord préalable de son employeur pour exercer toute autre activité concurrente ou non, pour autrui ou pour son propre compte (et/ou que l’employeur se réserve le droit unilatéral de mettre fin à cet accord).

Les clauses d’avant 2022

Quid si les clauses d’exclusivité absolues (et donc irrégulières) contenues dans les contrats de travail et règlements de travail ont été signées avant l’entrée en vigueur de la loi de 2022? A notre estime, elles restent nulles et sans effet car la loi ne prévoit aucune disposition transitoire à ce sujet. Il est donc conseillé, le cas échéant, de revoir ces clauses. Soulignons que le Code pénal social punit d’une amende de 400 à 4.000 euros (par travailleur) l’employeur qui a interdit à son travailleur de travailler dans les conditions énoncées par la loi de 2022.

Arnaud Vangansbeek avocat en droit social chez Litiss © pg

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content